Matricule « 45 382 « à Auschwitz
Adrien Collas : né en 1888 à Epizon (Haute-Marne) ; domicilié à Savonnières-en-Perthois (Meuse) ; carrier ; communiste ; arrêté le 22 ou 23 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 avec son fils à Auschwitz où il meurt le 14 février 1943
Adrien Collas est né le 23 septembre 1888 à Epizon (Haute-Marne). Il habite à Savonnières-en-Perthois (Meuse) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Léontine Collas, 40 ans (1848-1897), sans profession et de Rémi, Jules Collas, 45 ans (1842-1926) maçon, tailleur de pierres, son époux.
Adrien Collas a 12 sœurs et frères (Julie, Pierre, Marie, Emilie, Célestin, Maria, Henri, Marie, Paul, Joseph, Berthe et Marcel), né.e.s entre 1868 et 1894.
Lors du conseil de révision, Adrien Collas habite à Epizon, il y travaille comme carrier. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 64, a les cheveux noirs, les yeux bleus, le front ordinaire, le nez pointu et le visage ovale. Il est noté sur le registre qu’il a le permis de conduire les motocyclettes.
Conscrit de la classe 1908, il est incorporé à la 6ème section d’infirmiers militaires le 9 octobre 1909. Il est classé « service armé » sur proposition de la commission de réforme du camp de Châlons le 11 septembre 1911. Mis en disponibilité le 24 septembre 1911. Il se retire à Savonnières-en-Perthois.
Le 13 mai 1913, Adrien Collas épouse Lucie, Léontine Champlon à Savonnières-en-Perthois (elle est née le 15 juillet 1894 à Savonnieres – décédée le 30 juillet 1976). Le couple aura un fils, Pierre Collas qui naît en 1914 et qui sera déporté avec son père à Auschwitz et une fille, Ida, épouse Voinard.
Adrien Collas est alors ouvrier carrier, à Savonnières-en-Perthois (Meuse).
Il est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale du 2 août 1914. Il rejoint la 23èmesection d’infirmiers militaires sur
le front du 2 août 1914 au 21 novembre 1916. A cette date, il passe au 3èmerégiment d’artillerie à pied. Le 21 juin 1917, il est évacué pour maladie sur l’hôpital temporaire n° 60 d’Amiens. Il retourne « aux armées » le 26 juillet 1917. Le 14 août 1918, il est à nouveau évacué sur un hôpital de campagne. Il retourne « aux armées » le 9 octobre 1918. Le 16 novembre 1918, il passe au 156èmerégiment d’artillerie à pied. Le 27 décembre 1918, il est de nouveau évacué vers un hôpital militaire pour maladie. Il retourne « aux armées » le 6 janvier 1919.
Le 27 mars 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et « se retire » à Savonnières-en-Perthois. Il adhère à l’ARAC (1).
« Adrien Collas était trésorier adjoint de l’Union départementale CGTU de la Meuse en avril 1922. L’UD groupait alors 650 cotisants dont 310 ouvriers du Bâtiment, 210 ouvriers carriers, 70 ouvriers des PTT et 60 de l’Ameublement. En 1927, il assurait le secrétariat du syndicat unitaire des carriers de Savonnières-en-Perthois et militait à l’ARAC. (…) Adrien Collas était le frère de Paul Collas et lui avait succédé au secrétariat du syndicat lorsque celui-ci était parti pour Wassy. (Haute-Marne) » (Le Maitron, notes de Jean-Pierre Besse).
En 1931 Lucie, Pierre et Adrien Collas habitent au 9, rue de l’Eglise à Savonnières.
Adrien Collas travaille toujours comme carrier, à la carrière de Savonnière « Le Granit », comme son fils.
Fin juin 1940, La Meuse est occupée : elle est avec la Meurthe-et-Moselle et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté. La présence militaire, policière, administrative et judiciaire de l’occupant y est nettement plus importante que dans le reste de la zone occupée. La région est essentiellement agricole et le Parti communiste (3% des voix aux élections de 1936) y est presque inexistant. Son activité est pratiquement interrompue après l’arrestation, entre le 21 et le 23 juin 1941, de vingt communistes qui sont internés à Compiègne, antichambre de la déportation. Parmi eux : Jules Allaix, Lucien Bonhomme, Adrien Collas, Pierre Collas, Charles Dugny, Henri Fontaine, Antoine Laurent, Pierre Lavigne, Jean Nageot, Jean Tarnus, qui seront tous déportés à Auschwitz, le 6 juillet 1942.
Adrien Collas est arrêté en même temps que son fils, entre le 22 et le 23 juin 1941. Son arrestation et celle de plusieurs autres militants communistes ou syndicalistes meusiens a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands, avec l’aide de la police française, arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, les meusiens sont envoyés, à la demande des autorités allemandes, le 27 juin 1941, au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Selon Henri Pasdeloup(2), le groupe des meusiens est immatriculé le 28 juin 1941 entre les numéros 542 et 564.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Adrien Collas est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Adrien Collas et son fils se trouvent dans le même wagon que Robert Collignon, d’Eurville (Haute-Marne), qui mentionne leur présence dans la lettre qu’il jette sur le ballast à l’attention de sa femme, lors d’un arrêt du train (vers Revigny) « en ce moment je suis avec 2 copains de Savennières, le père et le fils Collas« .
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45382 ».
Sa photo d’immatriculation (3) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Adrien Collas meurt à Auschwitz le 14 février 1943 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts) Tome 2 page 184). L’arrêté du secrétaire d’État aux anciens combattants en date du 9 novembre 1987, portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes ou jugements déclaratifs de décès de a retenu une date voisine quoique fictive (décédé le 15 mars 1943 à Auschwitz (Pologne). (J.O. du 24 décembre 1987).
Son nom et celui de son fils sont honorés sur le monument aux morts près de l’église de Savonnières.
- Note 1 : L’Association républicaine des anciens combattants, fondée en novembre 1917, par Raymond Lefebvre, Henri Barbusse (son premier président), Paul-Vaillant-Couturier, Boris Souvarine…
- Note 2 : Henri Pasdeloup, n° 59206 à Sachsenhausen, récit sur le départ des « 45000 », in « Sachso« , page 36, par l’Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen. Il mentionne « Collas père », ainsi que Lavigne, Laurent, Dugny, Nageot, Bonhomme.
- Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Henri Pasdeloup, n° 59206 à Sachsenhausen, récit sur le départ des « 45000 », in « Sachso », page 36, par l’Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen.
- Il mentionne « collas père », ainsi que Lavigne, Laurent, Dugny, Nageot, Bonhomme. Renseignements fournis par la Mairie de Savonnières.
- Courriers de Mme Huguette Henry, bru d’Adrien Collas, et veuve de Pierre (juillet 1991).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Tome 23, P. 67 (sources, Arch. Nat. F7 13003 / 13652).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
- Recherches généalogique de M. Roland Belbezier
- © Archives en ligne : Etat civil de Haute-Marne et Registres matricules militaires de la Meuse ; recensement de la population de Savonnières / 1931.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2010, 2015, 2018 et 2021 ; Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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