Matricule « 45 383 » à Auschwitz
Pierre Collas : né en 1914 à Savonnières-en-Perthois (Meuse), où il habite ; carrier ; communiste ; arrêté le 22 ou 23 juin 1941 avec son père ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 avec son père à Auschwitz, où il meurt au début de 1943.
Pierre Collas est né le 14 mars 1914 à Savonnières-en-Perthois (Meuse), où il habite au moment de son arrestation. Il est le fils de Lucie, Léontine Champlon et d’Adrien Collas son époux (voir la notice de son père en cliquant sur ce lien).
En 1931, il habite chez ses parents au 9, rue de l’Eglise à Savonnières-en-Perthois.
Il travaille à cette époque comme carrier, à la carrière de Savonnière « Le Granit », comme son père.
Le 14 juin 1939 Pierre Collas épouse Huguette, Renée, Henriette Nicolas, à Savonnieres-en-Perthois. Elle est née le 3 octobre 1921 à Guë (commune d’Ancerville) Meuse.
Fin juin 1940, La Meuse est occupée : elle est avec la Meurthe-et-Moselle et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
La présence militaire, policière, administrative et judiciaire de l’occupant y est nettement plus importante que dans le reste de la zone occupée. La région est essentiellement agricole et le Parti communiste (3% des voix aux élections de 1936) y est presque inexistant. Son activité est pratiquement interrompue après l’arrestation, entre le 21 et le 23 juin 1941, de vingt communistes qui sont internés à Compiègne, antichambre de la déportation. Parmi eux : Jules Allaix, Lucien Bonhomme, Adrien Collas, Pierre Collas, Charles Dugny, Henri Fontaine, Antoine Laurent, Pierre Lavigne, Jean Nageot, Jean Tarnus, qui seront tous déportés à Auschwitz, le 6 juillet 1942.
Pierre Collas et son père Adrien Collas, sont arrêtés entre le 22 et le 23 juin 1941. Son arrestation et celle de plusieurs autres militants communistes ou syndicalistes meusiens a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands, avec l’aide de la police française, arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, les meusiens sont envoyés, à la demande des autorités allemandes, le 27 juin 1941, au camp de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Selon Henri Pasdeloup(1), le groupe des Meusiens est immatriculé le 28 juin 1941 entre les numéros 542 et 564.
Pierre Collas reçoit le n° matricule « 538 ».
Son nom est porté sur la liste de recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne « aptes à être déportés à l’Est« , en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Pierre Collas est déporté en même temps que son père Adrien Collas à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 ». Lui et son père se trouvent dans le même wagon que celui de Robert Collignon, d’Eurville en Haute-Marne, qui mentionne leur présence dans la lettre qu’il jette sur le ballast pour sa femme, lors d’un arrêt vers Revigny. Ramassée par un cheminot, elle lui sera envoyée.
Lire dans le site : Les lettres jetées du train
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les « judéo-bolcheviks » responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45.383 ».
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Pierre Collas meurt à Auschwitz-Birkenau au début 1943. On trouve en effet son nom et son matricule à l’infirmerie de Birkenau le 12 janvier 1943 (liste relevée par André Montagne et Claudine-Cardon Hamet).
L’arrêté du secrétaire d’État aux anciens combattants en date du 9 novembre 1987, portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes ou jugements déclaratifs de décès a retenu la date fictive et identique à celle de son père (« décédé le 15 mars 1943 à Auschwitz (Pologne) ». (J.O. du 24 décembre 1987).
La mention “Mort en déportation” est apposée sur l’acte de décès de Pierre Collas (J.O. du 24-12-1987). Pierre Collas et son père sont honorés sur le monument aux morts de Savonnières-en-Perthois.
- Note 1 : Henri Pasdeloup, n° 59206 à Sachsenhausen, récit sur le départ des « 45000 », in « Sachso« , page 36, par l’Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen. Il mentionne « collas père », ainsi que Lavigne, Laurent, Dugny, Nageot, Bonhomme.
- Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Renseignements fournis par la Mairie de Savonnières.
- Courriers à Mme Huguette Henry, veuve de Pierre Collas (juillet 1991) sur information de la Mairie de Savonnières (sans réponse).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2010, 2015, 2018 et 2021 ; Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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