Matricule « 46 150 » à Auschwitz

Marcel Toillon : né en 1898 à Chaux (Territoire de Belfort) ; domiciliéà Gray (Haute-Saône) ; cheminot ; syndicaliste ; communiste ;  arrêté le 23 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 24 août 1942. 

Zéphirin, André, Marcel Toillon est né le 24 mai 1898 à Chaux (Territoire de Belfort).
Il habite au 42, Grande rue, à Gray (Haute-Saône) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Stéphanie Rémy, 31 ans, sans profession et de Joseph, Félicien Toillon, 35 ans, journalier, son époux. Ses parents habitent Chaux.
Il a quatre sœurs et un frère (Blanche née en 1889, Adrienne, née en1893, Albert, 1896, Alice née en, 1899 et Raymonde née en 1908).
En 1911, la famille habite au 4, impasse du Magny à Lure. Son père est journalier chez Parmentier, ses deux aînées sont ouvrières d’usine chez Ringwald et son frère aîné est cordier chez Mougenot.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite à Lure (Haute-Saône) au moment du conseil de révision et y travaille comme employé de chemin de fer. Marcel Toillon  mesure 1m 73, a les cheveux bruns, les yeux bleus, le front haut, le nez moyen, et le visage allongé. Conscrit de la classe 1917, Marcel Toillon, quoique soutien de famille, est déclaré « bon pour le service » et comme tous les jeunes hommes de sa classe le sont après la déclaration de guerre d’août 1914, il est mobilisable par anticipation au début de l’année 1917. Il devance alors l’appel et signe un engagement volontaire de 4 ans, le 14 avril 1917 à la mairie de Vesoul, ce qui lui permet de choisir son arme. Il est affecté au 121ème Régiment d’Artillerie lourde. Il arrive au corps le 18 avril. Le 15 avril 1918, il « passe » au 109ème RAL. Le 9 janvier 1920, il est affecté au 1er groupe d’aérostation à Angers. Le 23 mars 1920, il est ajourné « pour anémie et faiblesse générale » par décision de la commission de réforme d’Angers. Il est classé « service auxiliaire » avec invalidité de moins de 10 % « pour anémie et troubles digestifs semblant se rattacher à de l’hyperchlohydrie ». Il « passe » dans la réserve de l’armée active le 14 avril 1920, mais en vertu de l’article  33 de la Loi du 21 mars 1905 qui permet de maintenir sous les drapeaux des soldats libérables «  dans les cas où les circonstances paraîtraient l’exiger », il n’est « renvoyé dans ses foyers » que le 23 octobre 1920, « certificat de bonne conduite accordé ». Il « se retire » à Lure.
Marcel Toillon est employé permanent des Chemins de fer de l’État. Pour l’armée (2 juin 1921), cet emploi le fait alors « passer » théoriquement dans la réserve de l’armée active, à la 5ème section des chemins de fer de campagne en tant qu’« affecté spécial » (i.e. il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).

Publication de mariage, L’Express de l’Est du 15 février 1926

Le 18 février 1926 à Arc-les-Gray, il épouse Yvonne, Marie, Paule, Truchot, employée de commerce. En août 1927, le couple habite Belfort.

Le journal de la la Fédération communiste indépendante de l’Est

« Gérant de La Tribune de l’Est, secrétaire et trésorier de l’Union locale unitaire de Belfort début 1927, Marcel Toillon démissionna un an plus tard (…). Il démissionna également du poste de secrétaire du syndicat unitaire des cheminots « impressionné, qu’il était, par la répression ». Il appartint un temps au Secours rouge international du Territoire de Belfort. Pendant la campagne électorale de 1932, il présida le comité électoral du BOP (Bloc ouvrier et paysan) à Belfort. La même année, il suivit Henri Joseph Jacob et Paul Rassinier lorsqu’ils quittèrent le Parti communiste et fondèrent, en novembre 1932, la Fédération communiste indépendante de l’Est, à l’issue d’une conférence régionale tenue à Belfort. Marcel Toillon présida une des séances (…) et fut élu membre de la commission exécutive du nouveau parti. Il collabora au Travailleur » (Le Maitron).

Marcel Toillon est pointeur-releveur au service de l’Exploitation SNCF en gare de Gray.
Après la déclaration de guerre et l’interdiction du Parti communiste, il est rayé de « l’Affectation spéciale » le 9 avril 1940, par décision disciplinaire du général commandant la 7ème région, comme la quasi-totalité des « affectés spéciaux » connus comme syndicalistes ou communistes ou soupçonnés d’appartenance au Parti communiste. Il est réaffecté dans la subdivision de Vesoul au dépôt
d’infanterie n° 74.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dès la signature de l’armistice, le territoire de Belfort, la Haute-Saône, le Doubs, le nord du Jura sont situés en « zone occupée », mais également en « zone interdite » : le retour des réfugiés y est interdit et pour les nazis, ces départements sont destinés à devenir une zone de peuplement allemand (un retour à la « Lotharingie » – soit pour la France un territoire englobant la Franche-Comté, la Lorraine, l’Alsace et la partie du Nord située à l’est de l’Escaut). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».

Marcel Toillon est licencié de la SNCF le 10 juin 1941 « pour menées anti-nationales« , en application des décrets de septembre I939, du 17 juillet 1940 et du 23 octobre 1940.
Il est arrêté le 23 juin 1941 par la police allemande assistée par la police française.  Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. 23 Haut-Saônois seront arrêtés. A Vesoul, en moins de trois heures, la police municipale arrête Georges Cogniot (universitaire, dirigeant national communiste, évadé de Compiègne le 22 juin 1942), Jules Didier (évadé de Compiègne en 1943, il rejoint les maquis du Jura), l’horloger Koulikowski, d’origine russe, sympathisant communiste et Lucienne Weil, institutrice communiste. Six autres Haut-Saônois sont arrêtés puis déportés à Auschwitz comme Gilbert Vorillion dans le convoi du 6 juillet 1942 : Gustave Baveux, Pierre Cordier, Henri Corne, Jean Favret, Albert Morel, Zéphyrin Toillon.

D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par les Allemands (ici à Lure, puis à Vesoul – et peut-être Chaumont), les Haut-Saônois sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht (le Frontstalag 122) qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
A Compiègne, Marcel Toillon reçoit le n° matricule « 637 ».
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Toillon est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 150 ».

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Marcel Toillon meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz (registre des morts), Tome 3 page 1248). Son acte de décès établi à la Libération porte encore « décédé le 20 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne)« . Le J.O n° 277 du 28 novembre 1991 page n°15541 indique que la mention « Mort en déportation » est portée sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Toillon (Zéphirin, André, Marcel), « décédé le 20 octobre 1942 à Auschwitz » (Pologne).
Il a été homologué « Déporté Politique ». Son nom est honoré sur le monument aux morts de Gray et sur le monument commémoratif départemental «La Résistance à ses 687 martyrs 1940-1945», place du 11e Chasseurs à Vesoul.

Sources

  • Recherches de Jean-Claude Grandhay, correspondant de l’IHTP (27 mars 1992).
  • Avis de décès, avril 1992.
  • Correspondance avec Mme Elizabeth Pastwa, conservateur au Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (septrembre 1991).
  • M. Yves Pagnot, archiviste de Belfort (14 mars 1992).
  • Correspondances avec Jean Louis Chognard (octobre 1991), professeur à Rioz, auteur d’un travail sur Résistance et Déportation à Rioz.
  • Correspondance de Jean Louis Chognard et Pierre Grosdemange, responsable des FFI de Rioz après septembre 1943 qui a recueilli les souvenirs de Jules Didier (militant communiste arrêté le 22 juin 1941, évadé de Compiègne en février 1943 et qui rejoignit les maquis du Jura).
  • Correspondance avec Maurice Decousse, Fédération des Résistants et Déportés de la Haute-Saône (28 ocobre 1991).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, In édition internet préparatoire à la version 2011.
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen et Val de Fontenay. Fiche individuelle consultée en février, juillet et décembre 1992.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • Le Semeur in © BNF Gallica
  • © Registres matricules militaires de haute-Saône.

Notice biographique rédigée en avril 2011, complétée en 2016, 2018; 2021 et 2023 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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