Matricule « 45 210 » à Auschwitz

Henri Corne : né en 1897 à Vesoul (Haute-Saône), où il habite ; artisan menuisier ; communiste ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt. 

Henri Corne est né le 15 septembre 1897 à Vesoul (Haute-Saône). Il habite 53, rue Grosjean prolongée à Vesoul au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise Flousey, 16 ans, née le 26 novembre 1880 à Besançon, sans profession et de Louis Corne, 24 ans, né le 9 janvier 1874 à Vesoul, menuisier, domiciliés au 27, rue de la Tuilerie à Vesoul. En 1911, la famille est domiciliée au 3, rue du Chatelet à Vesoul : il a deux sœurs cadettes, Henriette née en 1899 et Rose Juliette, née en 1902, toutes deux à Vesoul.
Lors du conseil de révision, Henri Corne habite à Vesoul, il travaille comme menuisier. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 63, pèse 60 kg, a les cheveux brun clair, les yeux gris-brun, le front couvert, le nez et le visage ovale. Il a des taches de rousseur et une fossette au menton. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).

1915, deuxième groupe d’aviation (wikipédia)

Conscrit de la classe 1917, il s’engage volontairement pour la durée de la guerre le 12 juillet 1915 au 2ème groupe d’aviation. Après avoir combattu sur le front du Nord et du Nord Est, il est affecté au 22ème régiment d’aviation de bombardement. Engagé avec l’armée d’Orient le 27 octobre 1916, il passe au 3ème groupe d’aviation le 1er janvier 1917, et au 1er groupe d’aviation  (1er groupe d’ouvriers d’aviation) le 28 août 1919. Il est mis en congé illimité de démobilisation le 22 septembre 1919.
En mai 1920, il habite au 184, avenue du Président Wilson à la Plaine Saint-Denis.

Henri Corne se marie le 12 novembre 1921 à Vesoul, avec Madeleine
Germaine Houriez. Il habitent à Juniville (Ardennes) en mai 1922 puis au 21, rue d’Isly à Lille en juin. En avril 1927, le couple déménage à Vesoul, place du Champ de foire.

Le
21 mai 1930, il épouse Germaine, Jeanne, Antoinette Draviguey, née en 1895 à Saint-Germain en Haute-Saône.
En février 1938, le couple a déménagé 53, rue Grosjean prolongée à Vesoul. Henri Corne y est artisan menuisier, associé à Jean Didier (lui aussi militant communiste, qui sera arrêté en même temps qu’Henri Corne).

L’Humanité du 11 septembre 1934

Henri Corne anime la cellule de Vesoul du Parti communiste avec Pierre Cordier, chiffonnier.« Il fut le candidat du PC à l’élection cantonale d’octobre 1934 dans le canton de Port-sur-Saône » (Le Maitron). Le Radical socialiste Liautey est élu dès le premier tour. Le 24 septembre 1938, lors de la crise des Sudètes, il est « rappelé à l’activité » en application de l’article 40 de la loi du 31 mars 1928, et affecté au 78e Régiment régional, centre de mobilisation de cavalerie n° 7. Henri Corne est renvoyé dans ses foyers le 8 octobre. Il est mobilisé le 24 août 1939 au 78èmerégiment régional (dépôt de cavalerie n°7).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Dès la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, le territoire de Belfort, la Haute-Saône, le Doubs, le nord du Jura sont situés en « zone occupée », mais également en « zone interdite » : le retour des réfugiés y est interdit et pour les nazis, ces départements sont destinés à devenir une zone de peuplement allemand (un retour à la « Lotharingie » – soit pour la France un territoire englobant la Franche-Comté, la Lorraine, l’Alsace et la partie du Nord située à l’est de l’Escaut). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Henri Corne est arrêté le 22 juin 1941 par la police allemande assistée par la police française. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes et / ou syndicalistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. 23 Haut-Saônois seront arrêtés.  A Vesoul, en moins de trois heures, la police municipale arrête Georges Cogniot (universitaire, dirigeant national communiste, évadé de Compiègne le 22 juin 1942), Jules Didier (évadé de Compiègne en 1943, il rejoint les maquis du Jura), l’horloger Koulikowski, d’origine russe, sympathisant communiste et Lucienne Weil, institutrice communiste. Six autres Haut-Saônois sont arrêtés puis déportés à Auschwitz comme Albert Morel dans le convoi du 6 juillet 1942 : Gustave Baveux, Pierre Cordier, Henri Corne, Jean FavretZéphyrin Toillon, Gilbert Vorillon.

D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par les Allemands (ici à Lure, puis à Vesoul – et peut-être Chaumont), les Haut-Saônois sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht (le Frontstalag 122) qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Corne est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45210″.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français l’a fixé au30 novembre 1942.
Le nom d’Henri Corne est inscrit sur le monument aux morts de Vesoul, place des Allées et sur le monument commémoratif départemental «La Résistance à ses 687 martyrs 1940-1945», place du 11e Chasseurs à Vesoul. La mention “Mort pour la France”
est inscrite sur son acte d’état civil (27-10-1947). La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 26-02-1988).
Son épouse a mentionné Albert Morel (rescapé n° 45896 de Lure) et Jean Tarnus rescapé n°46129 de Baroncourt (55), comme camarades de détention l’ayant connu en camp d’internement ou en déportation.

Sources

  • Correspondance avec Mme Elizabeth Pastwa et Mme Denise Lorach, conservatrices au Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (septembre 1991).
  • Henri Corne est cité par le général Pierre Bertin dans son ouvrage« Résistance en Haute-Saône ».
  • Correspondance avec Maurice Choquet, FNDIRP Jura, 2 février 1991.
  • Correspondances avec Jean Louis Chognard (octobre 1991), professeur à Rioz, auteur d’un travail sur Résistance et Déportation à Rioz.
  • Correspondance de Jean Louis Chognard et Pierre Grosdemange, responsable des FFI de Rioz après septembre 1943 qui a recueilli les souvenirs de Jules Didier (militant communiste arrêté le 22 juin 1941, évadé de Compiègne en février 1943 et qui rejoignit les maquis du Jura).
  • Correspondance avec Maurice Decousse, Fédération des Résistants et Déportés de la Haute-Saône (28 ocobre 1991).
  • « Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français », Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom et tome 23, page 185.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen et Val de Fontenay. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • © Archives en ligne : Etat civil et Registres matricules militaires de Haute-Saône.
  • Recensement de la population de Vesoul / 1936.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2011, complétée en 2015, 2018 et  2021 ; Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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