Gustave Baveux le 8 juillet 1942 à Auschwitz. Photo retouchée, l’original est très abîmé

Matricule « 45 210 » à Auschwitz

Gustave Baveux : né en 1888 à Jougne (Doubs) ; domicilié à Vesoul (Haute-Saône) ;  scieur puis plombier ; sympathisant communiste ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 11 août 1942.

Gustave Baveux est né le 7 avril 1888 à Jougne (Doubs). Il habite au 31, rue du Baron Bouvier, puis 4, rue d’Alsace-Lorraine à Vesoul au moment de son arrestation.
Il est le fils de Françoise, Irma, Bulle, 33 ans, sans profession et de Claude, Casimir, Just Baveux, 44 ans, manœuvre son époux, domiciliés à la Ferrière-sous-Jougne (Doubs).
Gustave Baveux est scieur en 1909 à Cize, faubourg de Champagnole (Jura), puis ouvrier plombier. Il travaille à son compte en 1936 à Vesoul.
Conscrit de la classe 1908, il habite chez ses parents à Cize (Jura), au moment du conseil de révision. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1 m 68, a les cheveux noirs, les yeux gris, le menton rond et le visage ovale. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée. « Sait lire, écrire et compter, instruction primaire supérieure ».
Il est appelé au service militaire le 1er octobre 1909 et incorporé au 35e RI. Le 14 octobre, il est « réformé n° 2 » par la commission spéciale de Belfort. Cette réforme sera confirmée par les commissions de réforme du 4 décembre 1914 et du 11 avril 1917.
Le 14 janvier 1922, il épouse Rachel, Adèle Jodon à Pontarlier (Doubs). Elle est née Pontarlier le 14 avril 1886. Elle est couturière. Le couple a deux enfants, Germaine, née en 1908 et Auguste, né le 23 août 1912.
En 1936, la famille habite au 31 rue du Baron Bouvier à Vesoul. Son épouse Rachel Baveux décède en 1937.
Gustave Baveux est connu comme sympathisant communiste (Pierre Grosdemange).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Dès la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, le territoire de Belfort, la Haute-Saône, le Doubs, le nord du Jura sont situés en « zone occupée », mais également en « zone interdite » : le retour des réfugiés y est interdit et pour les nazis, ces départements sont destinés à devenir une zone de peuplement allemand (un retour à la « Lotharingie » – soit pour la France un territoire englobant la Franche-Comté, la Lorraine, l’Alsace et la partie du Nord située à l’est de l’Escaut). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Gustave Baveux est arrêté le 22 juin 1941 à Vesoul par la police allemande assistée par la police municipale française.
Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes et / ou syndicalistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. 23 Haut-Saônois seront arrêtés.  A Vesoul, en moins de trois heures, la police municipale arrête Georges Cogniot (universitaire, dirigeant national communiste, évadé de Compiègne le 22 juin 1942), Jules Didier (évadé de Compiègne en 1943, il rejoint les maquis du Jura), l’horloger Koulikowski, d’origine russe, sympathisant communiste et Lucienne Weil, institutrice communiste.
Six autres Haut-Saônois sont arrêtés puis déportés à Auschwitz comme Albert Morel dans le convoi du 6 juillet 1942 : Gustave Baveux, Pierre Cordier, Henri Corne, Jean FavretZéphyrin Toillon, Gilbert Vorillon.

D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par les Allemands (ici à Lure, puis à Vesoul – et peut-être Chaumont), les Haut-Saônois sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht (le Frontstalag 122) qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
A Compiègne, il reçoit le matricule n° « 642 » et est affecté à la barraque C9 (comme Georges Cogniot, qui a reçu le n° « 646 »). Puis il est affecté au Bâtiment A5, chambre 6.

La caisse de solidarité à Compiègne

Veuf, et n’ayant sans doute pas de colis de sa famille, Il est proposé par le responsable de la chambre, Delvaroy, pour être l’un des bénéficiaires de la Caisse de solidarité (document ci-dessous de Charles Renaud communiqué par son fils). Lire dans le site : La solidarité au camp allemand de Compiègne.

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Gustave Baveux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 210 ».

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il est hospitalisé au Block 28 sous le nom de Bareux (mais bien avec sa date de naissance). « Les infirmiers qui y travaillaient s’occupaient des malades atteints de bronchite, de pneumonie, de néphrite, de gastrite, ainsi que de malades fiévreux sous observation qui se terminaient le plus souvent par un diagnostic de typhus. Ils se sont efforcés de lutter contre ces maladies, bien qu’ils aient été privés de médicaments et d’injections de base et même de stéthoscopes ou de thermomètres (Musée d’Auschwitz) ».
Gustave Baveux meurt le 11 août 1942,d’après les recherches des historiens polonais sur les registres du camp d’Auschwitz. L’arrêté du 14 mai 1987 (paru au JO du 3 juillet 1987) relatif à l’apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès a retenu la date du «21 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne)».
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Vesoul, place des Allées, et sur le monument commémoratif départemental «La Résistance à ses 687 martyrs 1940-1945», place du 11e Chasseurs à Vesoul.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Correspondance avec Mme Elizabeth Pastwa et Mme Denise Lorach, conservatrices au Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (septembre 1991).
  • Correspondance avec Maurice Choquet, FNDIRP Jura, 2 février 1991.
  • Correspondances avec Jean Louis Chognard (octobre 1991), professeur à Rioz, auteur d’un travail sur Résistance et Déportation à Rioz.
  • Correspondance de Jean Louis Chognard et Pierre Grosdemange, responsable des FFI de Rioz après septembre 1943 qui a recueilli les souvenirs de Jules Didier (militant communiste arrêté le 22 juin 1941, évadé de Compiègne en février 1943 et qui rejoignit les maquis du Jura).
  • Correspondance avec Maurice Decousse, Fédération des Résistants et Déportés de la Haute-Saône (28 ocobre 1991).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen et Val de Fontenay. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 par André Montagne.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Sitewww.mortsdanslescamps.com
  • Recensement de la population de Vesoul / 1936.
  • Registres matricules militaires du Jura.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2011, complétée en 2015, 2018 et  2021 ; Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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