Matricule « 46 203 » à Auschwitz
Gilbert Vorillion : né en 1900 à Vesoul (Haute-Saône) ; domicilié à Echenoz-la-Méline (Haute-Saône) ; typographe ; communiste ; arrêté le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 21 août 1942
Gilbert Vorillion est né le 9 juillet 1900 à Vesoul (Haute-Saône). Il habite au n°10, impasse des Cottets, à Echenoz-la-Méline, près de Vesoul, au moment de son arrestation.
Gilbert Vorillion est le fils d’Adèle, Pierrette Rousselet, sans profession, et d’Alfred, Joseph Vorillion, 31 ans, né en 1869 à Besançon (Doubs), chauffeur d’usine son époux, domiciliés au 12, impasse Flavigny.
Il a une sœur jumelle, Julienne, Pierrette.
En 1911 la famille habite à Navenne (Haute-Saône), au 95, quartier Le chemin neuf. Leur père travaille comme chauffeur-mécanicien à l’usine à gaz.
Selon sa fiche du registre matricule militaire Gilbert Vorillion mesure 1m 71, a les cheveux noirs et les yeux marrons, le front large et le
nez droit. Il a le visage « frais ». Au moment du conseil de révision, il travaille comme typographe à Paris 11ème au 3, rue de Crussol (où se trouvait en 2021 l’imprimerie Amelot). Il habite en face, au 4, rue de Crussol.
Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée). Conscrit de la classe 1920, Gilbert Vorillion est « appelé à l’activité » en mars 1920. Il est incorporé au 10ème bataillon de Chasseurs à pieds à Remiremont (Vosges) le 18 mars. Après un mois d’instruction militaire il est envoyé avec son régiment comme « corps d’occupation» à Dantzig du 19 avril 1920 au 30 novembre 1920. La ville est déclarée libre en octobre 1920 et placée sous le contrôle de la SDN. Le 10ème Chasseurs est alors transféré en Haute-Silésie (1). Gilbert Vorillion y participe aux opérations du maintien de l’ordre du 1er décembre 1920 au 4 février 1922.
Au cours de cette campagne, Gilbert Vorillion contracte une tuberculose pulmonaire, qui sera par la suite imputée au service et conduira à sa réforme définitive n° 2 puis n° 1 (relevés des commissions de réforme en 1933, 1936, 1938 et janvier 1940) lui accordant une pension à 100 %. « Passé dans la disponibilité » le 17 mars 1922, « certificat de bonne conduite accordé », il « se retire » au 16, rue de l’Asile Popincourt à Paris 11ème.
En juin 1922, il revient habiter en Haute-Saône, au 36, boulevard de Besançon à Vesoul. En avril 1929 il a déménagé rue des Danvions. En octobre 1930 il habite au 38, rue Saint-Georges toujours à Vesoul.
Il épouse Marie Desingue, le 26 novembre 1932, à Echenoz-la-Méline. Elle est née le 11 mai 1895 à Urcerey, Territoire-de-Belfort, et travaille comme cuisinière (elle est décédée en 1968). A partir de mars 1934, le couple habite une maison située 10, impasse des Cottets, dans un joli vallon, à Echenoz-la-Méline, aux portes de Vesoul.
Typographe, Gilbert Vorillion est employé à l’imprimerie Bon, 27, rue d’Alsace-Lorraine, à Vesoul (elle a été détruite en 2014).
Il est membre du Parti communiste (témoignage de Jules Didier).
Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Dès la signature de l’armistice, le 22 juin 1940, le territoire de Belfort, la Haute-Saône, le Doubs, le nord du Jura sont situés en « zone occupée », mais également en « zone interdite » : le retour des réfugiés y est interdit et pour les nazis, ces départements sont destinés à devenir une zone de peuplement allemand (un retour à la « Lotharingie » – soit pour la France un territoire englobant la Franche-Comté, la Lorraine, l’Alsace et la partie du Nord située à l’est de l’Escaut).
Gilbert Vorillion est arrêté le 22 juin 1941 par la police allemande assistée par la police française. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. 23 Haut-Saônois seront arrêtés. A Vesoul, en moins de trois heures, la police municipale arrête Georges Cogniot (universitaire, dirigeant national communiste, évadé de Compiègne le 22 juin 1942), Jules Didier (évadé de Compiègne en 1943, il rejoint les maquis du Jura), l’horloger Koulikowski, d’origine russe, sympathisant communiste et Lucienne Weil, institutrice communiste.
Six autres Haut-Saônois sont arrêtés puis déportés à Auschwitz comme Gilbert Vorillion dans le convoi du 6 juillet 1942 : Gustave Baveux, Pierre Cordier, Henri Corne, Jean Favret, Albert Morel, Zéphyrin Toillon.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par les Allemands (ici à Lure, puis à Vesoul – et peut-être Chaumont), les Haut-Saônois sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht (le Frontstalag 122) qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Sa veuve pensait qu’il avait été interné à Compiègne le 22 juin 1941, mais le camp n’est ouvert qu’à partir du 27 juin.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Gilbert Vorillion est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 203 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Gilbert Vorillion meurt à Auschwitz le 21 août 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1280).Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération portait la mention «décédé le 30 septembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 8 mars 1997), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Si son nom est bien honoré sur le monument aux morts d’Echenoz-la-Méline, avec néanmoins la classique faute d’orthographe à son nom, Vorillon au lieu de Vorillion), malheureusement son nom semble avoir été oublié sur le monument aux morts de Vesoul, place des Allées, et surtout sur le monument commémoratif départemental «La Résistance à ses 687 martyrs 1940-1945», place du 11e Chasseurs à Vesoul (vérification avec les photos de ces monuments publiés par l’Université de Lille).
Son épouse a mentionné Albert Morel (rescapé n° 45 896 de Lure) et Eugène Garnier rescapé n°45 571, comme camarades de détention l’ayant connu en camp d’internement ou en déportation.
Gilbert Vorillion est cité par le général Bertin dans son ouvrage « Résistance en Haute-Saône ».
Sources
- Correspondance avec Mme Elizabeth Pastwa, conservateur au Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (septembre 1991).
- Correspondances avec Jean Louis Chognard (octobre 1991), professeur à Rioz, auteur d’un travail sur Résistance et Déportation à Rioz.
- Correspondance de Jean Louis Chognard et Pierre Grosdemange, responsables des FFI de Rioz après septembre 1943 qui ont recueilli les souvenirs de Jules Didier (militant communiste arrêté le 22 juin 1941, évadé de Compiègne en février 1943 et qui rejoignit les maquis du Jura).
- Correspondance avec Maurice Decousse, Fédération des Résistants et Déportés de la Haute-Saône (28 octobre 1991).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen et Val de Fontenay. Fiche individuelle consultée en juin 1991.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- © Registres matricules militaires de Haute Saône.
- © Recensement de la population d’ Echenoz 1936
Notice biographique rédigée en avril 2011, complétée en 2016, 2018 et 2021par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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