Matricule « 45 716 » à Auschwitz
Edmond Laisné : né en 1913, à Valognes (Manche) ; domicilié à Octeville (Manche) ; peintre en bâtiment ; militant Cgt ; communiste ; volontaire des Brigades internationales en Espagne ; arrêté le 9 septembre 1941 ; prisons de Cherbourg et St Lô ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz le 6 juillet 1942, où il meurt.
Edmond Laisné est né le 18 novembre 1913, à Valognes (Manche). Il est domicilié à Octeville (Manche) au « Restaurant Raoul », rue Berthelot au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne Pesnel, couturière et d’Edmond, Charles, Auguste Laisné, cordonnier, né le 17 juin 1879 à Videcosville (Manche) son mari. La famille habite Huberville, puis rue Mauquest de la Motte à Valognes en 1918. Son père, rappelé lors de la mobilisation générale de 1914 meurt d’une tuberculose pulmonaire ouverte imputée au service le 11 novembre 1918. Son fils sera de ce fait pupille de la Nation.
Célibataire, Edmond Laisné travaille comme ouvrier peintre en bâtiment.
Avant son départ comme volontaire dans les Brigades internationales, il est domicilié 19, rue de l’Hôtel-Dieu à Valognes (Manche). Edmond Laisné travaille chez « Le Barbanchon » à Cherbourg (une entreprise familiale de peinture fondée en 1924 qui exista jusqu’en 2017), puis il est embauché dans l’entreprise artisanale de Louis Lacroix à Valognes.
Conscrit de la classe 1933, il effectue un an de service militaire au 4ème groupe du 404è RADCA (régiment d’artillerie de défense contre avions), stationné à Chartres).
En août 1936, Edmond Laisné adhère au syndicat CGT du Bâtiment, et devient secrétaire du syndicat du Bâtiment de Valognes.
En avril 1937, il adhère au Parti communiste à Valognes, parrainé par Louis Bailly secrétaire du rayon de Cherbourg, né à Octeville. Il devient trésorier de la cellule communiste de Valognes, avec Frédéric Anne (1) né à Valognes, adhérent en 1937, secrétaire de cellule-adjoint et secrétaire-adjoint du syndicat CGT du Bâtiment de Valognes.
Pendant la guerre civile Espagnole, Edmond Laisné s’engage dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole contre la rébellion du général Franco soutenue par Hitler et Mussolini. Il arrive en Espagne le 21 décembre 1937, quatre jours avant son camarade Frédéric Anne qui y arrive le 25 décembre 1937. Il est incorporé à la 3è compagnie du bataillon de renfort, au centre d’instruction militaire de Villanueva de la Jara, puis il est affecté en février 1938 au 4è bataillon (le bataillon Pierre Brachet, un bataillon franco-belge) de la 14è brigade (dite la «Marseillaise », la « Marsellesa« ). Un autre militant communiste Ernest Gourrichon, qui sera comme lui déporté à Auschwitz, est dans ce même bataillon. La 14è Brigade est engagée à Caspe, Calaceite, Caseres.
Le 18 mars 1938, la 14è Brigade couvre les Brigades Internationales qui traversèrent l’Ebre près de Tortosa. Dans la nuit du 24 au 25 juillet 1938, la 14è Brigade commence la traversée de l’Ebre.
Edmond Laisné participe à l’offensive républicaine dite du « passage de l’Ebre », le 28 juillet 1938 et jusqu’en septembre. A la fin de juillet 1938, la « Marsellesa » difficilement reconstituée, retraverse l’Ebre à Mora pour se diriger dans la Sierra de Pandols afin de soutenir la 45è Division. Elle y reste jusqu’au 23 septembre, où elle conclut son intervention avec une contre-attaque au Coll del Cosso. Ce jour là, tous les brigadistes sont retirés du front et rentrent progressivement dans leurs pays (excepté les allemands, italiens et hongrois). Un autre futur « 45 000 » est également dans le même secteur, et aux mêmes dates qu’Edmond Laisné. Il s’agit de Paul Brun, commissaire politique de la 4è compagnie.
Le 21 novembre 1938, Edmond Laisné remplit le questionnaire de rapatriement.
Lire dans le site : Liste des « 45000 » ayant combattu pour l’Espagne Républicaine (1936-1938)
Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Le 15ème corps d’armée, commandé par le général Hotz investit Saint-Lô le 18 juin et Cherbourg le 19. Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 21 juin 1940, horloges et montres sont avancées d’une heure. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Edmond Laisné est arrêté le 9 septembre 1941 à Cherbourg (Manche) en tant qu’ancien brigadiste : « suspect – a combattu dans les brigades internationales en Espagne » (les Allemands redoutent les capacités d’organisation militaire des anciens des BI : à Paris une rafle spéciale concernera les anciens des Brigades internationales, à la Noël 1941).
Edmond Laisné est interné à la prison maritime de Cherbourg (la « Totoche » dans le jargon de l’Arsenal) du 10 septembre 1941 au 29 octobre 1941, à la prison de St-Lô du 29 octobre 1941 au 30 octobre 1941.
Il est transféré le 30 octobre 1941 à la demande des autorités allemandes, qui l’internent le 30 octobre 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). Il y reçoit le matricule « 2137 ».
Son nom figure sur la liste de recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne aptes à être déportés « à l’Est », en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Edmond Laisné est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Edmond Laisné est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45716 » selon la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz.
Il n’est pas reconnu officiellement comme « Mort en déportation » et il semble qu’aucun membre de sa famille n’ait fait de démarches en ce sens.
Son nom est honoré sur le monument de Saint-Lô » Aux Victimes de la répression nazie » – Porte de l’ancienne prison détruite lors du bombardement du 6 juin 1944
- Note 1 : Frédéric Anne : Caporal chef de pièce dans la compagnie de mitrailleuses du bataillon « Henri-Barbusse » de la 14e Brigade (la Marseillaise), il fut blessé. Il rentra en France le 12 novembre 1938 : Le Maitron, Arch. AVER (liste de rapatriés : Cherbourg, Manche). – Arch. RGASPI, Moscou, 545/6 ; RGASPI 545.6.1038 liste des Brigadistes français en Espagne républicaine ; RGASPI 545.6.44.
Sources
- Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale de la Manche, correspondant Marcel Leclerc (AD 50 – 129 J) relevé par M. Arnaud Boulligny.
- Liste de recensement des communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922 et aptes à être déportés « à l’Est », en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC. IV-98).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Le Maitron, Edmond Laisné, notice de Daniel Grason. Dossiers des brigades internationales dans les archives du Komintern, fonds du Centre russe pour la conservation des archives en histoire politique et sociale (RGASPI), Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), campus de l’Université de Paris X-Nanterre, microfilms acquis par la BDIC et l’AVER-ACER, bobine cote Mfm 880/21.
Notice biographique rédigée en 2011, complétée en 2018 et 2021, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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