Fernand Boulanger le 8 juillet 1942

Matricule « 45 284 » à Auschwitz

Fernand Boulanger : né en 1905 à Amiens (Somme), où il habite ; émailleur, cheminot ; communiste ; arrêté le 8 mai 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 6 janvier 1943.

Fernand Boulanger est né le 22 février 1905 à Amiens (Somme), où il habite au moment de son arrestation au 179, rue de Boutillerie. Il est le fils de Céline Lourdel, née le 21 octobre 1882 à Oisemont (Somme) et de Gaspard Boulanger, né le 30 septembre 1881 à Cergy-la-Tour (Nièvre), plombier, son époux.
Le premier métier de Fernand Boulanger est émailleur.
Le 15 décembre 1928, il épouse Yvonne, Camille, Roger, née en 1907, émailleuse. Elle travaille comme lui aux établissements René Gaillard, entreprise de traitement de surface des métaux, au 2 rue René Boileau à Amiens.
Le couple a une fille, Fernande, Céline, qui naît le 21 mai 1930.
Le 15 octobre 1929, Fernand Boulanger est embauché à la Compagnie des chemins de fer du Nord.
Son épouse Yvonne décède de maladie le 27 juillet 1931.

Le 29 septembre 1934
à Amiens, Fernand Boulanger épouse en secondes noces Fernande, Malvina, Félicie Guelque, née le 20 mai 1912 à Eperlecques (Pas-de-Calais). Elle est femme de chambre. Le couple a un fils, Daniel, qui naît le 19 septembre 1937.
Fernand Boulanger est alors cheminot au dépôt d’Amiens, où il est « chauffeur de manœuvre ».

Début 1942 D.r, publiée sur le site de « Mémoire Vive »

Il est membre du Parti communiste d’après les témoignages d’enfants de camarades déportés et il est présumé tel par les services de la police.
« Affecté spécial » sur son poste de travail en tant que cheminot, au moment de la déclaration de guerre, il est rayé de l’affectation spéciale comme la quasi totalité des cheminots syndicalistes et/ou communistes.
Il est mobilisé le 15 mars 1940.

Amines. Chars allemands sur la route de Paris

Après la percée allemande à Sedan, les troupes allemandes se ruent vers Amiens. Située sur la Somme elle est le dernier obstacle naturel avant la Seine et Paris : la ville est un nœud ferroviaire et routier de première importance. Le 19 mai 1940, les Allemands sont aux portes d’Amiens. Malgré une résistance acharnée des armées françaises, Amiens est prise le 20 mai. La prise d’Amiens ouvre à la Wehrmacht la route de Paris et lui permet de poursuivre son offensive vers le sud. Les conditions d’occupation sont très dures. Dès l’été 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy. Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures de résistance sont opérationnelles à l’automne 1940. 

Pendant l’Occupation, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1942, une grue de relevage de 32 tonnes est sabotée au dépôt d’Amiens. La plaque tournante du dépôt d’Amiens saute le 11 mai 1942 (ce qui paralyse pour longtemps le trafic). A titre de représailles, les Allemands arrêteront au total 37 cheminots du dépôt d’Amiens pour ces deux sabotages.

Amiens : manifestation du souvenir « Camarades livrés par les traîtres, 1er mai 1942, disparus au camp d’Auschwitz, Poyen, Poiret, Baheu, Dehorter, Charlot, Boulanger, Morin, Allou »

Des policiers allemands (Gestapo) arrêtent Fernand Boulanger le 8 mai 1942 : motif inscrit sur sa fiche au DAVCC : « Participation présumée aux actes de sabotage du 30 avril 1942 « . Huit autres cheminots du dépôt d’Amiens-Longueau sont arrêtés entre le 3 et le 20 mai et seront également déportés à Auschwitz avec lui : Roger Allou, Fernand Charlot, Clovis Dehorter, Paul Baheu, Albert Morin, Emile Poyen, Francois Viaud.

Lire l’article du site : Des cheminots d’Amiens-Longueau dans la Résistance.

Fernand Boulanger est transféré sans jugement fin mai 1942 de la maison d’arrêt d’Amiens au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Fernand Boulanger est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignorait son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 45582 ?« 

figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne pouvait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Il est immatriculé le 8 juillet 1942

Mais la photo de famille envoyée par un parent de Fernand Boulanger à l’association « Mémoire Vive », permet d’identifier la photo du matricule « 45 284 » comme étant celle de Fernand Boulanger

Le matricule sera tatoué sur les avant-bras gauches des déportés quelques mois plus tard. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Fernand Boulanger meurt à Auschwitz le 6 janvier 1943 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 123).

Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 15 décembre 1942 à Birkenau (Pologne)». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site
Les dates de décès à Auschwitz.

La mention « mort en déportation » a été apposée sur son acte de décès (Journal officiel du 28 octobre 1987).
Fernand Boulanger a été homologué «Déporté politique».
Fernand Boulanger est homologué (GR 16 P 79501) au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .

© Geneanet

Son nom est inscrit sur la stèle commémorative située dans l’enceinte de l’E.M.T de Haute-Picardie, sur le Monument aux Morts SNCF de la Gare du Nord d’Amiens.

 Sources

  • Lettres de la fille de Claudius Dehorter (2/12 octobre 1990) et de celle de Georges Poiret (10 octobre 1990).
  • Courriers d’André Lalou, grand résistant amiénois, déporté à Dachau, ADIRP d’Amiens. Décédé en décembre 2006.
  • Courrier de M. Griffoin, adjoint au maire d’Amiens (22 août 1990).
  • Madame Jacqueline Jovelin, la fille de Clovis Dehorter m’a envoyé en octobre 1990 la photocopie d’une carte postale (manifestation du souvenir, après la guerre : sur la pancarte «Camarades livrés par les traîtres, 1er mai 1942, disparus au camp d’Auschwitz, Poyen, Poiret, Baheu, Dehorter, Charlot, Boulanger, Morin, Allou»).
  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juillet 1992.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site Internet « Rail et mémoire ».
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • © The Central Database of Shoah Victims’ Names
  • www.lesmortspourlafrance80.fr/amiens/…/citadelle.htm 
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en juillet 2011, complétée en 2015, 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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