Léon Duthuin : né Léon Rossin le 21 juillet 1895 à Paris 20è ; domicilié à Athis-Mons (Seine-et-Oise / Essonne) ; grillageur, découpeur ; communiste ; arrêté le 14 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 octobre 1942.

Léon Duthuin est né Léon Rossin le 21 juillet 1895 à Paris 20è.  Il habite au 114, boulevard des Dahlias à Athis-Mons (Seine-et-Oise / Essonne) au moment de son arrestation.
Il est grillageur, puis découpeur.
Sa mère Marie Louise Rossin, 30 ans est journalière. Elle habite au 74, rue de Belleville à Paris 20è. Son père est Charles Joseph Duthuin, qui le reconnait un mois après sa naissance.
Le registre matricule militaire de Léon Duthuin nous apprend qu’il mesure 1 m 56, a les cheveux et les yeux châtains, le visage long, le font moyen et le nez rectiligne. Il a pour l’armée un niveau d’instruction n°3.

De la classe 1915, Léon Duthuin n’est pas mobilisé par anticipation à l’appel de sa classe au moment de la mobilisation générale en 1914. Il est en effet ajourné pour « faiblesse » (classement « dans la 5e partie de la liste » à trois reprises en 1914,1915 et 1916). Le 21 mai 1917, la 1ère commission de réforme de la Seine le classe « service armé », et le 3 septembre suivant, il est incorporé au 89e régiment d’infanterie. Il arrive au corps ce même jour. Après la période d’instruction militaire, il est affecté au 31e régiment d’infanterie, puis, le 25 juillet, au 49e régiment d’infanterie. Le 8 février 1918, il « passe » au 8e régiment d’infanterie.
Le 13 septembre de la même année, il est envoyé en congé illimité de démobilisation, « certificat de bonne conduite accordé » par le dépôt mobilisateur du 4è Régiment de Zouaves de Rosny. Il « se retire » chez ses parents au 8, cité Besson (Paris 20è).
Il est affecté dans la réserve de l’armée active aux 22è et 3è Régiments infirmiers, puis dans deux centres de mobilisation de Cavalerie (1933/1938).
En octobre 1919, Léon Duthuin déménage au 14, impasse des Couronnes, à Paris 20è.
Il y vit alors avec Louise Georgette  Virginie Prével, née à Avranches (Manche) le 8 juillet 1879. Puis il sont domiciliés au 9, cité d’Isly en 1921.
Le couple a deux garçons : Charles, Louis Joseph, né le 20 octobre 1921 à Paris 20è qui décède le 6 août 1923, Louis né et décédé en 1924 et une fille, qui naît le 22 juin 1926.
Léon Duthuin est un militant communiste.
En mars 1929, il déménage à nouveau au 140, rue de Ménilmontant, toujours dans le 20è.
A partir du 11 novembre 1933 et jusqu’à son arrestation, Léon Duthuin a changé de département et habite au n° 65 (en 1936) puis au n°114 boulevard des Dalhias à Athis-Mons (Seine-et-Oise / Essonne).
Léon Duthuin vit alors en concubinage avec Marie Launay (née en 1888 à Guénin, Morbihan). En 1936, lui et sa compagne sont sans profession.
Mais Elie Launay, fils de sa compagne, né en 1910 à Guénin, travaille comme polisseur chez Moindreau.
Père de famille, il n’est mobilisé à nouveau que du 14 mars 1940 au 22 mai 1940 au dépôt du 22è B.O.A.

Le département de la Seine-et-Oise (une partie constituera l’Essonne le 1er  janvier 1968) est occupé malgré la résistance acharnée du 19è régiment de tirailleurs algériens sous les ordres du colonel Chartier, qui ne capitulera – faute de munitions – que le 16 juin. Le 14 juin, l’armée allemande est entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Léon Duthuin est démobilisé le 4 août 1940 et retourne à Athis. Se retrouvant alors au chômage, il est l’un des responsables du Comité des chômeurs d’Athis-Mons et dépose en mairie le cahier de revendications de l’Union régionale Paris-Sud des Comités de chômeurs.
Léon Duthuin est arrêté le 14 octobre 1940 (arrêté du Préfet de Seine et Oise du 13 octobre 1940 décidant sa résidence forcée au camp d’Aincourt (Lire dans le blog Le camp d’Aincourt). « Militant communiste influent de la section locale du Parti communiste d’Athis. Propagandiste acharné et dangereux« . Le commissaire de police d’Athis-Mons précise qu’il « appartient au comité local des chômeurs« . Cette arrestation a lieu dans le cadre des rafles organisées à partir du 5 octobre 1940 (avec l’accord de l’occupant) par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine et de la Seine-et-Oise (élus, cadres du parti et de la CGT) avec la remise en vigueur du décret du 18 novembre 1939 sur «l’éloignement des suspects et indésirables».

Le camp d’Aincourt, © blog de Roger Colombier

Le 22 octobre 40, il est interné à Aincourt. Il y est affecté à la chambrée 50.
Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier, le commissaire Andrey, directeur du camp, émet un avis négatif sur une éventuelle libération « du Parti communiste et de la 3è Internationale », « participe à toutes les manifestations collectives organisées au Centre » écrit-il. Sa correspondance est censurée. Les « internés administratifs » à Aincourt de 1940 et début 1941 n’ont en effet pas été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est
censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont « amendés »… Andrey, dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables, même s’il reconnaît la plupart du temps la bonne tenue de l’interné.

Le 27 juin 1941, Léon Duthuin est transféré à la demande des autorités allemandes avec quatre-vingt-sept internés d’Aincourt au camp allemand de Compiègne, le Frontstalag 122 (mémoire de maîtrise d’Emilie Bouin). Ils ont tous été désignés par le directeur du camp avec l’aval du préfet de Seine-et-Oise. Ce transfert intervient peu après la grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, à partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, les Allemands arrêtent plus de mille communistes avec l’aide de la police française (nom de code de l’opération : «Aktion Theoderich»).
A Compiègne il est affecté au bâtiment A1 et reçoit le matricule « 858 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Léon Duthuin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 45518 ? » inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro est plausible au plan alphabétique et l’âge du déporté semble correspondre, tout comme les caractéristiques portées sur son registre matricule militaire (visage ovale, nez rectiligne), mais seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou un ami, du portrait d’immatriculation publié ci-dessus pourrait en fournir la preuve.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Léon Duthuin meurt à Auschwitz le 18 octobre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz(in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 247).

Sources

  • «Death Books from Auschwitz», Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Paris 1995 (basés essentiellement sur les certificats de décès, datés du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943, relatifs aux détenus immatriculés au camp d’Auschwitz. Ces registres sont malheureusement fragmentaires.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin – Juin 2003 – Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © The Central Database of Shoah Victims’ Names
  • © Archives en ligne, Paris, état civil, recensement et registres matricules militaires.

Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018, 2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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