Léon Bauquier : né en 1911 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il habite ; ouvrier terrassier ; arrêté le 23 février 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 septembre 1942.

Léon Bauquier est né le 26 décembre 1911 au Havre (Seine-Inférieure/Seine-Maritime) où il habite au 2, rue Jean Lainé au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Angèle, Marie Fouque, 23 ans, sans profession, et de Pascal, Jules Beauquier, 33 ans, charretier son époux.
Ouvrier terrassier au moment de son arrestation Léon Bauquier travaille chez Lepage (entreprise de terrassement, 128, place Massillon), au Havre.
Le 9 février 1940 au Havre, il épouse une veuve, Renée, Adrienne, Marie Bourrat.
Selon les services de police, il n’appartenant à aucun parti politique « même modéré », et aurait refusé par trois fois de rejoindre un syndicat. Il n’est connu de la police que pour des délits mineurs.

Le Havre, 1941

Les troupes allemandes entrent dans Le Havre le jeudi 13 juin 1940, et transforment la ville et le port en base navale (on comptera jusqu’à 40.000 hommes de troupe). Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, et Rouen. Une Kreiskommandantur est installée à L’Hôtel de ville du Havre. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.

Léon Bauquier est arrêté le 23 février 1942 dans un café de la ville (24, place Gambetta), à la suite de l’attentat de la Place de l’Arsenal au Havre. Lire dans le site Le Havre, sabotages et attentats : avril 1941-février 1942.

Extrait du livre de M.P. Hervieu, « Communistes au Havre »

Certains des havrais raflés, comme Léon Beauquier, seront maintenus en prison au vu de rapports antérieurs de la police française. C’est ce qu’indique la réponse du Préfet à De Brinon (1) le 15 octobre 1942, à la suite de sollicitations de son épouse et de M. Lesage, concluant : «au vu des condamnations récentes relevées à l’encontre du nommé Bauquier arrêté par les autorités allemandes le 23 février 1942, en raison de sa mauvaise conduite et de sa moralité douteuse, je n’ai pas jugé bon d’intervenir auprès des autorités allemandes » (compte tenu de l’implication du Préfet Bouffet dans la « Révolution nationale » de Vichy, ces condamnations ne signifient pas pour autant un lourd passé de droit commun).  La rafle se poursuit le lendemain au Pont de La Barre en direction des milieux communistes et syndicalistes.
A la demande des autorités allemandes, Léon Bauquier est transféré au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122).

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Léon Bauquier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros «45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «46 317 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Léon Bauquier meurt le 21 septembre 1942, à Auschwitz, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 60). La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès paru au Journal Officiel du 3 juillet 1987.

©Thierry Prunier / Mémorial Genweb

Son nom est désormais honoré depuis 2016 sur le Monument commémoratif de la Résistance et de la Déportation, dans les jardins de l’Hôtel de ville du Havre : « Le 29 avril 1990, l’urne contenant des cendres de nos héros et de nos martyrs morts en déportation a été transférée dans ce monument » : en effet, lors de la préparation
de l’exposition « Les visages des martyrs » réalisée en 2015 par l’Union des Syndicats CGT Le Havre, les recherches ont mis à jour un ensemble de dossiers de déportés, fusillés et massacrés non inscrits au monument « Résistance-Déportation-Souviens-toi » du Havre. Edouard Philippe, Maire du Havre et Député de la Seine-Maritime, a souhaité que leurs noms soient inscrits au monument et honorés lors de la cérémonie organisée dans le cadre de la Journée Nationale d’Hommage aux Héros et Victimes de la Déportation, le 24 avril 2016. Parmi eux, neuf « 45.000 ».

  • Note 1 : Mention au DAVCC, « dossier Brinon » : Fernand Brinon, dit marquis de Brinon, représente le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation.

Sources

  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juillet et novembre 1993.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère dela Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar,mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. (Liste V, n° 32124, Liste S, n° 20).
  • © Site InternetLégifrance.gouv.fr
  • « Communistes au Havre » de Marie Paule Dhaille-Hervieu. Publications de l’Université de Rouen et du Havre (11 janvier 2010).

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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