Marcel Randou : né en 1902 au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) où il est domicilié ; journalier, docker ; peut-être adhérent CGT, arrêté comme otage le 24 février 1942 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 7 octobre 1942.
Marcel Randou est né le 7 avril 1902 au Havre (Seine-Inférieure/Seine Maritime).
Il habite Le Havre au 95, rue Victor Hugo au moment de son arrestation.
Il est le fils de Victoria, Eugénie Schuft, 24 ans, journalière.
Il est légitimé par le mariage de sa mère avec Marius, Edouard Randou le 24 février 1904.
Il a une sœur aînée, Valentine, née en 1900.
Vers l’âge de 18 ans il subit plusieurs condamnations pour vol, prononcées par le tribunal correctionnel du Havre, certaines accompagnées d’arrêtés d’interdiction de séjour.
A 21 ans, il travaille comme journalier et il est domicilié au 9 Cité Desmarais.
Le 28 décembre 1923 au Havre, il épouse Andréa, Edwige, Lydie Argentin. Elle a 17 ans, née le 26 février 1906 au Havre, journalière, domiciliée au 5, rue Dombasle au Havre. Le couple se sépare par jugement de divorce prononcé par le tribunal civil du Havre le 31 octobre 1925.
Selon Louis Eudier, Marcel Randou serait docker sur le port du Havre, et syndiqué à la CGT.
Domicilié alors au 141, boulevard de Graville, il se remarie au Havre le 28 mai 1926 avec Lucienne, Jeanne Portier, 20 ans. Elle a 31 ans, née au Havre le 18 novembre 1894, ouvrière d’usine, domiciliée à la même adresse.
Marcel Randou serait père de trois enfants (le couple élève quatre enfants, âgés de 20 ans, 17 ans, 15 ans et 8 ans en 1942. En juin 1930, il est condamné à quinze jours de prison pour abandon de famille.
Les troupes allemandes entrent dans Le Havre le jeudi 13 juin 1940, et transforment la ville et le port en base navale (on comptera jusqu’à 40.000 hommes de troupe). Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, et Rouen. Une Kreiskommandantur est installée à L’Hôtel de ville du Havre. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Pendant l’Occupation, en 1940, il se réfugie à Rouen, puis revient au Havre un mois après. Il s’inscrit à l’Office Régional du Travail à Rouen en 1941. Cet organisme l’aurait envoyé un mois plus tard travailler en Allemagne (le 20 octobre 1941, il signe un contrat de 6 mois de travailleur volontaire en Allemagne). Etant devenu «inapte au travail», il revient en France au début de février 1942 et retourne au Havre.
Il est arrêté le 24 février au Havre par des gendarmes allemands après l’attentat de la place de l’Arsenal du 23 février. Les Allemands ont opéré immédiatement une rafle, notamment dans les cafés de la place. Annonce est faite que 30 otages seront fusillés si les coupables ne sont pas découverts (20 otages juifs et communistes internés à Compiègne seront fusillés). La rafle se poursuit le lendemain au Pont de La Barre en direction des milieux communistes et syndicalistes.
Lire dans le site Le Havre, sabotages et attentats : avril 1941-février 1942.
Il est alors interné à la prison du Havre pendant deux mois. Il est remis en avril 1942 aux autorités allemandes à leur demande.
A la suite des démarches de son épouse auprès des autorités de Vichy pour obtenir sa libération, on sait par l’enquête demandée par De Brinon (Délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés) au Préfet de Seine-Inférieure le 12 octobre 1942, qu’il a eu maille à partir avec la police et subi plusieurs condamnations (« de conduite et de moralité douteuse, violent » écrit le Préfet qui ne fera pas de démarches auprès des autorités allemandes). Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de
Son épouse effectue des démarches pour sa libération auprès de Brinon (une première lettre en septembre 1942 qui est suivie d’une demande de renseignements par Brinon auprès du préfet et une deuxième lettre le 13 janvier 1943 (fichier Brinon BR 59).
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Randou est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 46033 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage «Triangles rouges à Auschwitz».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz
Marcel Randou meurt à Auschwitz le 7 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 985).
Son nom est honoré depuis 2016 sur le Monument commémoratif de la Résistance et de la Déportation, dans les jardins de l’Hôtel de ville du Havre : « Le 29 avril 1990, l’urne contenant des cendres de nos héros et de nos martyrs morts en déportation a été transférée dans ce monument » : en effet, lors de la préparation de l’exposition « Les visages des martyrs » réalisée e 2015 par l’Union des Syndicats CGT Le Havre, les recherches ont mis à jour un ensemble de dossiers de déportés, fusillés et massacrés non inscrits au monument « Résistance-Déportation-Souviens-toi » du Havre. Edouard Philippe, alors maire du Havre et député de Seine-Maritime, a accédé à la demande de la CGT que leurs noms soient inscrits au monument et honorés lors de la cérémonie organisée dans le cadre de la Journée Nationale d’Hommage aux Héros et Victimes de la Déportation, le 24 avril 2016. Parmi eux, neuf « 45.000 ».
A la suite de plusieurs enquêtes et malgré les contestations de sa veuve et de la FNDIRP du Havre, le titre de « Déporté politique » lui est refusé en 1958 au motif suivant « Non justiciable du statut, l’intéressé était sous l’effet d’un contrat de travailleur volontaire pour l’Allemagne lors de son arrestation ». La mention « Mort pour la France » avait été radiée le 13 décembre 1950, certainement pour les mêmes motifs.
Sources
- Deux rescapés du Havre, Louis Eudier et Jules Le Troadec ont témoigné de son incarcération au Havre, à Compiègne et de sa déportation à Auschwitz.
- Liste de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen, dossier individuel consulté.
- Death Books from Auschwitz (Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat d’Auschwitz en 1995.
- Renseignements fournis par Mme Sylvie Barot, conservateur des Archives du Havre (18 juin 1992, acte de décès).
- © Site Internet «Mémorial-GenWeb» Le Havre (relevé Thierry Prunier).
- © Site Internet «Légifrance.gouv.fr».
- « Communistes au Havre » Histoire sociale, culturelle et politique, 1922-1983, par Marie Paule Dhaille-Hervieu. Publications de l’Université de Rouen et du Havre (11 janvier 2010). Thèse
de doctorat.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com