Lucien Preuilly © André Montagne
Lucien Preuilly le 8 juillet 1942

Matricule « 46 013 » à Auschwitz

Lucien Preuilly : né en 1920 à Paris 16ème ; il habite à Paris 15ème ; ouvrier d’aviation ; arrêté le 1er mai 1940 : interné à la Santé, évacué sur Gurs, d’où il s’évade en août 1940 ; arrêté de nouveau fin novembre 1940, condamné à 3 mois de prison à Fresnes ; interné aux camps d’Aincourt, Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Lucien Preuilly est né le 16 juin 1920 à Paris 16ème. Il habite au 14, rue des quatre frères Peignot à Paris 15ème au moment de son arrestation. On notera que dans le même ensemble HBM habite également Georges Malbec, qui sera déporté dans le même convoi.
Lucien Preuilly est le fils de Louise, Adolphine Normand, 33 ans, ménagère et de Ferdinand, Jean Preuilly, forain, né le 12 décembre 1878 à Sèvres en Seine-et-Oise / Hauts de Seine.
Ses parents se sont mariés le 6 septembre 1913 à Paris 18ème après le divorce de son père d’avec Octavie Georget. Le couple a trois autres enfants (Jacques, né le 29 juillet 1916, Louis, et une fille).
La famille habite d’abord au 58, rue Letellier, puis au 42, rue Emile Zola à Paris 15ème dans le quartier Grenelle, puis au 5, rue des Entrepreneurs, dans le quartier Javel. Son frère aîné est monteur électricien.
Lucien Preuilly est ouvrier métallurgiste à l’usine d’avions Amiot de Colombes (la SECM – dite Amiot – Société d’emboutissage et de construction mécaniques (151/179 boulevard du Havre à Colombes). Trois autres ouvriers qui ont travaillé dans cette même entreprise, Raoul Bertrand, Charles
Barthelemy
 et Maurice Bertouille seront déportés dans le même convoi que lui.
Lucien Preuilly est célibataire. Militant actif des Jeunesses communistes, il est arrêté une première fois le 1er mai 1940 à la suite d’une distribution de tracts à Colombes. Incarcéré à la Santé le 16 mai 1940, il va être dirigé vers le camp de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), à la suite de l’évacuation des prisons militaires du Cherche Midi et de la Santé à l’arrivée des Allemands à Paris.
En effet en juin 1940, 584 détenus « politiques » composent à près de 47 % les effectifs de la « prison militaire de Paris ». L’instruction de Lucien Preuilly comme celle de ses camarades est diligentée par le tribunal militaire de Paris (commandant Vimard, juge d’instruction au 2ème tribunal militaire et juge Benoit-Stain).

Mais la Prison militaire de Paris (les prisons de la Santé et du Cherche-Midi) est évacuée sous escorte armée entre le 10 et le 12 juin 1940, sur ordre de Georges Mandel, ministre de l’Intérieur. Ils sont 1865 au départ de Paris. Le repli  a pour but de transférer les détenus « dangereux » de la « prison militaire de Paris » au camp de Gurs (arrondissement d’Oloron) puis à Mauzac.
Ils sont évacués par des autobus de la TCRP, le 10 juin 1940. A Orléans, les gardiens du convoi apprennent que la maison d’arrêt est bondée ; le convoi repart donc jusqu’au camp des Grouës, proche de la gare des Aubrais, où 825 prisonniers, sont débarqués. Prisonniers et gardiens y resteront quatre jours, du 11 au 15 juin. Le séjour au camp des Grouës est marqué par les raids incessants de l’aviation allemande qui terrorisent détenus et gardiens. C’est pourquoi, le 15 juin, tout le monde repart. Mais cette fois, plus question d’autobus, le transfert se fera à pied et de nuit. Ils rejoignent le lendemain à Jouy-le-Potier des camions qui les conduisent à la base aérienne 127 d’Avord, près de Bourges. Ils y retrouvent un autre groupe d’Ile de France venu du camp de Cépoy, près de Montargis (Loiret). (…). Gardiens et détenus n’y restent que quelques heures, puis repartent en autobus jusqu’à Bordeaux, Mont-de-Marsan, Orthez et Gurs. Ils arrivent au camp en deux groupes, les 21 et 23 juin. Ils y resteront plusieurs mois, jusqu’au début de l’hiver (L’histoire du camp de Gurs, in © Amicale du camp de Gurs).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Lucien Preuilly s’évade du camp de Gurs en août 1940.

Revenu à Paris, il est arrêté de nouveau fin novembre 1940 par la gendarmerie française. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est écroué à la Santé. Le 19 décembre 1940, il est condamné par la 12ème chambre correctionnelle pour activité communiste, à 3 mois de prison qu’il effectue à la maison d’arrêt de Fresnes. A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, il n’est pas libéré, et il est envoyé au Dépôt de la Préfecture. Camille Marchand, Préfet de police de Paris, ordonne son internement administratif (69.970) au camp d’Aincourt le 18 mars 1941 (lire dans le site : Le camp d’Aincourt ).

Montage photo : liste des communistes internés à d’Aincourt le 18 mars 1941, avec une erreur sur le prénom de Lucien Preuilly

Le 18 mars 1941, il est interné au camp d’Aincourt avec Eugène Guillaume, René Louis, Henri Mathiaud et Edouard Dufour. Tous seront déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942. Seul le frère d’Henri Mathiaud, Raymond, ne le sera pas.
Le 6 septembre 1941, il est transféré au camp de Rouillé (1) au sein d’un groupe
de 150 internés. Fernand Devaux se souvient de lui à cette période.
Le 9 février 1942, il fait partie d’un groupe de 52 internés communistes qui sont
remis aux autorités allemandes à leur demande, et transférés au camp allemand
de Royallieu à Compiègne (le Fronstalag 122). 36 d’entre eux seront déportés à
Auschwitz avec lui.
A Compiègne, Lucien Preuilly reçoit le matricule « 3550 » et il est affecté au bâtiment A8. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Lucien Preuilly est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Lucien Preuilly est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «46 013» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Lucien Preuilly le 8 juillet 1942

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz, mais selon le témoignage de Georges Dudal, il serait mort sous les coups en décembre 1942, vers la Noël.

La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 3 novembre 1997 paru au Journal Officiel du 27 janvier 1998). Cet arrêté porte la mention : décédé postérieurement au 6 juillet 1942 à Auschwitz (Pologne).
Lucien Preuilly est homologué comme «Déporté politique» en 1955.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en janvier 1992 (André Montagne) et juin 1992 (Claudine Cardon).
  • Témoignage de Georges Dudal et de Fernand Devaux, rescapés du convoi.
  • Photo transmise par André Montagne, rescapé.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internetwww.Mortsdanslescamps.com
  • Archives en ligne de Paris, recensements.
  • Archives départementales de Paris, rôle correctionnel (jugement du tribunal correctionnel de la Seine).
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003.Premier camp d’internement des communistes en zone occupée, Dir. C. Delporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités
  • Internés au camp d’Aincourt / Archives de la police / BA 2374.

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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