Raphaël Venance © UL CGT du Havre
Raphael Venance, médaillon sur la tombe de son épouse, in Annuaire des Havrais en Résistance(s)
Raphaël Venance : né en 1901 à Honfleur (Calvados) ; domicilié au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; docker, charbonnier ; militant CGT ; arrêté comme otage le 24 février 1942 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 25 août 1942.

Matricule « 46 183 » à Auschwitz

Raphaël, Etienne, Venance est né le 2 décembre 1901 à Honfleur (Calvados).
Il habite au 2, rue Gustave Lennier au Havre (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) en 1939 (l’immeuble qui se situait entre le bassin du commerce et le bassin du Roi a été détruit par les bombardements du 5 septembre 1944).
Raphaël Venance est le fils de Hyacinthe, Victoire Pézérel, 32 ans, journalière. Il est légitimé par le mariage de sa mère avec Raphaël, Edmond Venance le 2 avril 1906.
On sait qu’il a également habité à Méry-la-Bataille dans l’Oise où il a sans doute travaillé comme journalier (c’est l’adresse, mal retranscrite en Guilluy-la-bataille, qui est inscrite sur le site du Musée
d’Etat d’Auschwitz-Birkenau, mais qui l’est correctement retranscrite au DAVCC).

Selon sa fiche matricule militaire Raphaël Venance mesure 1m 63, a les cheveux châtain foncé et les yeux bruns, le front moyen et le nez rectiligne. Il a le visage ovale. Au moment du conseil de révision, il travaille comme journalier au Havre (Seine-Maritime) où habite sa mère au 54, rue de la Halle (son père est décédé). Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1921, Raphaël Venance est « appelé à l’activité » en avril 1921. Il est incorporé au 103ème Régiment d’artillerie lourde le 13 avril. Il est réformé temporaire par la commission de réforme de Rouen pour astigmatisme et hypermétropie le 12 mai. La commission du Havre le maintient réformé temporaire n°2 en mai 1922, 1923 et 1924. La commission de réforme du Havre d’avril 1925 le classe « service armé » pour « otite suppurée guérie et excellent état général ».
En avril 1923, Raphaël Venance est domicilié au 18, rue Jules Mazurier au Havre. En 1925 il a déménagé quai de Southampton, allée Byron (chez Duval).
En septembre 1926, il habite 16 rue de la Ruche à Aubervilliers (Seine) un petit quartier de logement sociaux.
Raphaël Venance revient au Havre, où il est journalier puis docker charbonnier sur le port.
En 1927, il est domicilié au 80, rue de la Halle.

Suzanne Leber-Venance 1906- 1971
Raphaël Venance © UL CGT du Havre

Le 3 septembre 1927, il épouse Suzanne Leber, au Havre. Sans profession, elle est née au Havre le 15 septembre 1906, domiciliée au 2 bis, rue Beauverger. Le couple aura trois enfants, qui ont 13, 11 et 9 ans en 1942.
En décembre 1927, le couple est domicilié au Havre, domicilié au 42, rue Gustave Lennier.
En 1934, père de famille de 3 enfants, il est reclassé « classe 1915 » en cas de mobilisation générale.

Il est un syndicaliste connu à ce titre par les services de police.
Raphaël Venance travaille ensuite aux Tréfileries et laminoirs du Havre, quai du garage
Pour l’armée cet emploi dans une entreprise qui fait partie des « usines à démarrage rapide » (1), le fait alors « passer » comme « affecté spécial » en tant que réserviste de l’armée active : c’est-à-dire qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit.
Après la déclaration de guerre, Raphaël Venance est rayé de » l’affectation spéciale » Le 18 novembre 1939, comme Jules Crampon qui travaille dans la même entreprise et comme la quasi-totalité des ouvriers soupçonnés d’être communistes ou syndicalistes. Il est alors réaffecté au centre mobilisateur d’artillerie n° 23. Le 18 novembre 1939, il est réformé temporaire n°2 par la commission de réforme du Havre pour « otite chronique », réforme confirmée par une commission ultérieure.

Le Havre occupé, 1941  AJPN © D.r.

Les troupes allemandes entrent dans Le Havre le jeudi 13 juin 1940, et transforment la ville et le port en base navale (on comptera jusqu’à 40.000 hommes de troupe). Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, et Rouen. Une Kreiskommandantur est installée à L’Hôtel de ville du Havre. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.

Le pont de la Barre

Pendant l’Occupation, Raphaël Venance est arrêté comme otage le 24 février 1942, lors de la rafle du Pont de la Barre, au Havre, après l’attaque d’une colonne de marins allemande par la Résistance communiste (Groupe Chatel, 2ème Compagnie de FTP).

Extrait du livre de Marie Paule Dhaille-Hervieu. « Communistes au Havre »

Après l’attentat, les Allemands arrêtent au jugé des hommes dans les cafés de la place de l’Arsenal et dans tout le quartier. La rafle se poursuit le lendemain au Pont de La Barre en direction des milieux communistes et syndicalistes.   Raphaël Venance est écroué à la prison « Bonne nouvelle » de Rouen.

Lire dans le site 3 articles : Le Havre, sabotages et attentats (avril 1941-février 1942)  et Le « brûlot » de Rouen. Lire également La prison « Bonne Nouvelle » de Rouen. Témoignage d’André Pican, fusillé au Mont Valérien.
Les Allemands internent Raphaël Venance au camp de police allemande de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

 Depuis le camp de Compiègne, Raphaël Venance est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Entrée du camp principal à Auschwitz

Raphaël Venance est enregistré à son arrivée à Auschwitz sous le numéro matricule « 46 183 » selon la liste desmatricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Raphaël Venance meurt, à Auschwitz, le 25 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1275) et le site © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Son camarade Louis Eudier a écrit qu’il était « mort d’épuisement ».

La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 2 mai 2001, paru au Journal Officiel du 8 juillet 2001. Cet arrêté comporte néanmoins une erreur : « mort le 6 juillet 1942 à Compiègne, (Oise) », qui est le jour du départ du convoi. Il serait souhaitable que le ministère prenne en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Il est homologué «Déporté politique».

©Thierry Prunier / Mémorial Genweb

Le nom de Raphaël Venance est inscrit sur le monument commémoratif dela
Résistance et de la Déportation situé dans les jardins de l’Hôtel de ville du Havre : « Le 29 avril 1990, l’urne contenant des cendres de nos héros et de nos martyrs morts en déportation a été transférée dans ce monument« .

Son épouse est enterrée avec un portait de son mari « à la mémoire de son époux », photo in Annuaire des Havrais en Résistance(s)

  • Note 1 : Usines aptes à entreprendre rapidement la production – dès le début d’un conflit – de produits primordiaux pour la Défense nationale. Une note manuscrite classée « secret » en explique la teneur (C.f. © site de Louis Renault).

Sources 

  • Louis Eudier, Notre combat de classe et de patriotes (1934-1945) publié au Havre, en 1977, p.21.
  • Claude-Paul Couture, chercheur, relate l’arrestation dans son dossier du CRDP de Rouen 1986, (p.15) : «En Seine Maritime, de 1939 à 1945».
  • Thèse de doctorat de Marie-Paule Daille-Hervieu : « Communistes au Havre, communistes du Havre » (1930-1983), IEP de Paris, 1997.
  • ACVG juillet 1992. Acte de décès daté du 25 octobre 1946
  • Renseignements fournis par Mme Sylvie Barot, conservateur des Archives du Havre (18 juin 1992).
  • Archives municipales du Havre : acte de décès daté des Listes électorales 1939 (communication 18 juin 1992).
  • Le pont de la Barre © Photo in Le Havre et Sainte-Adresse par Dan et Nicéphore (WWW. havrais-dire.over-blog.com/article-tout-le-monde-sur-le-pont.
  • ©Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
  • Photo de Raphaël Venance avant-guerre © Union Locale Cgt du Havre, in exposition photographique de 78 militants CGT du Havre fusillés ou déportés. Remerciements à Pierre Lebas et Thierry Leballeur. Photo transmise par Jean-Paul Nicolas
    en janvier 2015.
  • Registres matricules militaires.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • « Communistes au Havre » Histoire sociale, culturelle et politique, 1922-1983, par Marie Paule Dhaille-Hervieu. Publications de
    l’Université de Rouen et du Havre (11 janvier 2010). Thèse de doctorat.
  • Etat civil de Honfleur en ligne.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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