Henri Riochet le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Matricule « 46 059 » à Auschwitz

Henri Riochet : né en 1903 à Troyon (Meuse) ; domicilié à Châtenay-Malabry (Seine); électricien, monteur téléphonique ; cégétiste et communiste ; arrêté le 20 mars 1940, condamné à 2 ans de prison (Fresnes), libéré en juin ; arrêté le 20 janvier 1941 interné à la maison centrale de Clairvaux et aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 26 novembre 1942.

Henri Riochet est né le 6 mai 1903 à Troyon (Meuse). Au moment de son arrestation, il habite au  3, avenue Albert Thomas, à Châtenay-Malabry (Seine / Hauts de Seine).
Il est le fils d’Alphonsine, Marie, Henriette Hillion, 20 ans, employée des Postes et de Pierre, Marie Riochet, 32 ans, adjudant de carrière au 154è Régiment d’Infanterie stationné au Fort de Troyon.
Sportif, Henri Riochet participe, avant son service militaire, à des courses cyclistes régionales (il est notamment engagé dans la course cycliste Nancy-Ligny en Barrois et retour en avril 1923, in l’Est Républicain).
Henri Riochet vient travailler en région parisienne et habite à Châtenay-Malabry.
Il est chauffeur, puis monteur téléphonique.
De décembre 1934 à novembre 1936, Henri Riochet est employé comme électricien aux établissements Clémançon, à Paris 9è, qui deviendront plus tard « Compagnie générale des travaux d’éclairage et de force ».
Adhérent au syndicat CGT des Métaux, il est membre du Parti communiste.

Le 6 août 1932, à Paris 7è, Henri Riochet, épouse Raymonde Cantagrel. Elle est brocheuse, née le 8 février 1911 à Bordeaux (Gironde). Ils sont tous les deux domiciliés au 166, rue de Grenelle à Paris 7è.
Le couple a deux garçons : Christian, né le 23 avril 1932, et Bernard, né le 5 mai 1933, tous deux nés à Paris 18è.

De janvier 1937 à mars 1938, Henri Riochet est employé à la société du « Téléphone privé national » (la « TPN »), à Paris 14è. Du mois d’avril 1938 au mois de  septembre 1939, il travaille à la piscine municipale de Chatenay-Malabry (elle est construite dans les années 1930, en même temps que la cité-jardin de la Butte Rouge. Elle est devenue aujourd’hui le théâtre Firmin Gémier). Du 26 septembre au 6 décembre 1939 il est embauché à l’arsenal d’aviation de Villacoublay, puis à nouveau à la piscine municipale de Chatenay.

Pendant « la drôle de guerre », il est accusé par la Police de « propos défaitistes » et soupçonné de se livrer à la propagande communiste clandestine : son domicile est perquisitionné le 24 mars 1940. Mais seuls des documents antérieurs à l’interdiction du Parti communiste y sont trouvés. Il est néanmoins arrêté et inculpé d’infraction au décret du 1er septembre 1939 (mobilisation générale) et du 20 janvier 1940 (réglementation des cercles… et des foyers des équipages) pour des propos tenus les 7 et 8 février 1940. Il est condamné à 2 ans de prison le 22 avril 1940 par la 4è chambre. Cette condamnation est doublée en appel le 7 juin. Il est écroué à la maison d’arrêt de Fresnes. Henri Riochet est remis en liberté le 24 juin 1940 sur décision des autorités allemandes (1).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Henri Riochet est arrêté à nouveau le 20 janvier 1941 à Châtenay-Malabry. Ce jour là 68 militants communistes de la Seine sont arrêtés et transférés à la Maison d’arrêt de Clairvaux en application d’arrêtés (du 18 janvier 1941) du Préfet de police de Paris ordonnant leur internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939…

Clairvaux : renseignements de la Préfecture concernant Henri Riochet

Lors de leur transfert pour la Maison d’arrêt de Clairvaux, ils sont rejoints à la gare de l’Est par un autre groupe de communistes internés à Fontevraud qui ont transité par les gares de Saumur et d’Austerlitz. A leur arrivée à « l’arrêt Clairvaux » de la gare de Ville-sous-la-Ferté, ils sont transférés à Clairvaux par rotations d’un unique wagon cellulaire, escortés par des gardes mobiles (souvenirs de Pierre Kaldor et d’Henri Hannart).
Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux.

Le camp de Rouillé : Conservatoire de la Résistance et de la Déportation des Deux-Sèvres

A Clairvaux le directeur du camp reçoit le 26 février 1941, via le préfet de police de l’Aube, un courrier émanant du Préfet de police délégué (Camille Marchand) – une liste répertoriée « confidentiel » de militants internés le 20 janvier, dont le nom est accompagné des motifs de l’arrestation.
Pour Henri Riochet, il est indiqué : « communiste très actif. Déjà condamné le 22.02.1940 à 2 ans de prison pour propos défaitistes. Libéré, continue son activité clandestine ».
Henri Riochet est à nouveau transféré le 26 septembre 1941 au sein d’un groupe de 56 internés de Clairvaux.
Ils sont transférés au CSS de Rouillé (2) et y sont internés le 27 septembre.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé ‎
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés (3) qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).
Le nom d’Henri Riochet (n°158 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il arrive au camp de Royallieu à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Riochet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Henri Riochet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46 059» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz (in BAVCC et © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).

Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Henri Riochet meurt à Auschwitz le 26 novembre 1942 d’après la liste établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.

L’Aube Nouvelle n° 96 du 2 novembre 1946

Un arrêté ministériel du 15 juillet 1995 paru au Journal Officiel du 28 juillet 1995 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès d’Henri Riochet. Faute d’informations officielles, le Ministère à y inscrire un mois et une date de décès fictifs « décédé le 31 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Châtenay-Malabry.

L’Aube Nouvelle n° 346 du 25 août 1951

Après la Libération, les amicales de déportés et la section du Parti communiste de Châtenay rappellent régulièrement son sacrifice et celui de ses camarades. En 1946, la section de la FNDIRP demande que lui soit attribuée la Légion d’honneur à titre posthume, ainsi qu’à deux autres déportés (Eugène Clotrier et Louis Cluet) morts dans les camps et à un rescapé (Camille Samson).

Henri Riochet est homologué « Déporté politique » N° 1101 13859 le 9 décembre 1954.
La carte est délivrée à son épouse Madame Raymonde Riochet, qui avait déménagé au 28, rue de l’Union à Clichy-la-Garenne (aujourd’hui rue Charles et René Auffray).

  • Note 1 : Les Allemands ont libéré ainsi un certain nombre de prisonniers de Fresnes dans les premiers jours de l’Occupation. Ces libérations (souvent d’incarcérés mineurs) ne sont pas liées aux démarches, engagées au début juillet (initialement avec le plein accord de l’Internationale communiste – puis désavouées par elle quelques jours plus tard) auprès des autorités d’occupation pour négocier la reparution de l’Humanité. Et au cours desquelles « Abetz libère plus de 300 communistes emprisonnés depuis l’automne 1939 ».
  • Note 2 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 3 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
  • Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives départementales du Val-de-Marne, dossiers individuels des détenus.
  • Denis Peschanski : Les avatars du communisme français de 1939 à 1941, dans La France des années noires, éditions du Seuil, coll. Points, 1993, p. 446.
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374. « Militants communistes internés administrativement en application du décret du 18 novembre 1939 et conduits à la Maison d’arrêt de Clairvaux le 20 janvier 1941 ».
  • Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en décembre 1992.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb. Relevé François Leplus
  • © Site InternetLégifrance.gouv.fr
  • © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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