Martial Georget : né en 1910 à Crézancy (Aisne) ; domicilié à Alfortville (Seine / Val-de-Marne) ; manœuvre chez SKF ; trésorier du syndicat CGT des métaux d’Ivry, communiste ; arrêté 15 octobre 1940 ; condamné à 18 mois de prison, Fresnes ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 28 août 1942.

Martial Georget, surnommé « barbouille » (1), est né le 28 février 1910 à Crézancy (Aisne).
Il habite au 24, rue Anatole France à Alfortville au moment de son arrestation.
Il est le fils de Léontine, Victorine Lhomer, 37 ans, née le 23 octobre 1872 à Paris 20è, boutonnière, et de Jules, Paul Georget, 35 ans, né le 8 novembre 1874 à Paris 20è, boutonnier, son époux.
Il est le cadet d’une fratrie de huit enfants (dont Ferdinand, né en 1899, Léopold, né en 1901, Adrien, né en 1902 et Louise, née en 1906).

Le 24, rue A. France

Martial Georget est manœuvre Chez SKF à d’Ivry (Svenska Kullager Fabriken), fabrique suédoise de roulements à billes. L’entreprise compte 3000 ouvriers en 1927.
René Robin qui sera déporté dans le même convoi est secrétaire de la section syndicale CGT de l’entreprise.
En 1931, Martial Georget s’inscrit sur les listes électorales d’Alfortville : il indique qu’il est manœuvre, domicilié au 28, quai d’Alfortville.
Syndicaliste, il est trésorier de la section locale CGT des Métaux d’Ivry.
Il est membre du Parti communiste depuis 1935. Ces militants sont bien connus des services de police : Lire dans le site : Le rôle de la police française (Ivry et Vitry, BS1)

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Militant du Parti communiste clandestin, Martial Georget est arrêté le 15 octobre 1940, à Alfortville par des agents du commissariat de Charenton ou à Charenton selon autre autre source (généalogie), qui découvrent sur lui des tracts et deux carnets à en-tête du Comité populaire des travailleurs des Métaux de la région parisienne portant des noms sur les souches. Suite à la perquisition de son domicile plusieurs affichettes, papillons, brochures imprimées sont saisis, ainsi qu’un matériel complet d’hectographie et de papier vierge. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, pour « propagande communiste », il est transféré au Dépôt de la Préfecture. Il est incarcéré à la maison d’arrêt de la Santé le 18 octobre 1940 en attente de jugement.

Le 22 octobre 1940, présenté devant la 12è chambre du tribunal correctionnel de la Seine, Martial Georget est condamné par celle-ci à 18 mois d’emprisonnement. Il se pourvoit en appel. Son pourvoi au greffe du tribunal est suivi d’un arrêt de la cour d’appel de Paris le 16 décembre 1940, qui maintient la condamnation à 18 mois, et il est transféré à la Maison d’arrêt de Fresnes le 23 décembre 1940. Si l’’hypothèse d’une remise en liberté anticipée n’est pas à écarter (le 8 mars 1941, Martial Georget est à nouveau inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et incarcéré à la Santé), il s’agit plus vraisemblablement d’un jugement en appel. Il passe en jugement le 29 avril 1941 et comparait à nouveau devant la 12è chambre du tribunal correctionnel de la Seine, avec une vingtaine d’autres militant(e)s, dont plusieurs habitants d’Alfortville et des communes voisines. Trois d’entre eux seront déportés avec lui à Auschwitz (René Caron, Lucien Tourte et Felix Vinet) (2).

Il est à nouveau transféré à Fresnes le 3 juin 1941 pour purger sa peine qui a été maintenue à 18 mois selon le principe de confusion des peines (3). Son pourvoi en appel a dû ramener celle-ci à 9 ou 12 mois. En effet, à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, Marial Georget n’est pas libéré, mais il est renvoyé au Dépôt de la Préfecture et le préfet de police de Paris, François Bart, ordonne son internement administratif au CSS de Rouillé (4) en application de la Loi du 3 septembre 1940 (5).

Maquette en bois  du CSS de Rouillé par Camille Brunier

Le 10 novembre 1941, Martial Georget qui a été maintenu entre temps au Dépôt est transféré au CSS de Rouillé avec un groupe de 57 autres militants communistes parisiens.
Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstalag 122). Le nom de Martial Georget (n° 86 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (6) qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Martial Georget est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore le numéro d’immatriculation de Martial Georget à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.

Le numéro «45592 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée ci-contre et au début de cette notice pourrait désormais en fournir la preuve.

Martial Georget meurt à Auschwitz le 28 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Le nom de Martial Georget est inscrit sur une plaque commémorative apposée dans le square Jean Albert (mairie d’Alfortville).

  • Note 1 :  In Mémorial des déportés du Val de Marne (AFMD).
  • Note 2 : Une seule certitude quant  à la date de cette deuxième possible arrestation : le nom de Martial Georget ne figure pas sur la liste des 20 militants arrêtés le 31 décembre 1940 par les inspecteurs de la brigade des Renseignements généraux en collaboration avec le commissariat dePuteaux, et dont la plupart seront jugés en même temps que lui le 29 avril 1941.
  • Note 3 : Si les infractions sont de même nature, une seule peine est prononcée dans la limite du maximum légal de la plus élevée.
  • Note 4 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes
  • Note 5 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 6 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne le 22 mai 1942, n° 181, (XLI-42, Centre de Documentation Juive Contemporaine, Mémorial de la Shoah, Paris IVème).
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • ©Archives en ligne du Val de Marne
  • © Bulletin de l’Amicale Châteaubriant, Rouillé, Voves.Maquette du CSS Rouillé, œuvre de Camille Brunier, ancien Résistant, ancien menuisier, professeur d’atelier au Lycée de Vonours.
  • © Alfortville, Google Maps.

Notice biographique mise en ligne en 2013, complétée en 2017, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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