Albert Miklichansky : né en 1910 à Novorossjsik (Russie) ; domicilié à Paris (12ème) ; ouvrier tapissier ; syndicaliste et communiste ; arrêté le 18 juillet 1941, condamné à deux mois de prison ; interné aux camps de Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 23 août 1942.

Abram Miklichansky (dit Albert, surnommé Mikli) est né le 5 mai 1910 à Novorossjsik (Новороссийск, Russie) sur la mer Noire (Kraï De Krasnodar). Il est le fils de Cécilia (Tzipa / Cepil) Katz et de Yanko (Joseph, Jacob) Miklichansky (1).
Il obtient la nationalité française le 15 mars 1933 (décret n° 4550-33). Il a trois sœurs et un frère (Ester née en 1914 dans la même ville, Ethel, Rachel et Leib (Léon), né en 1905 à Novorossjsik).
Naturalisé en 1945, son frère prit ensuite le nom d’Arié.
Le 5 mars 1931 Albert Miklichansky épouse Rosalie (dite Lili) Chariton. Le couple aura deux enfants : Danièle, née en 1934 et Jacques, né en 1936.
En 1936, la famille habite au 48 bis, rue de la Gare de Reuilly à Paris (12ème).
Albert Miklichansky effectue alors son service militaire. C’est l’adresse portée sur la fiche d’Albert Miklichansky au DAVCC, comme adresse au moment de son arrestation.
Mais pour Roger Abada, il habite rue du Niger au moment de son arrestation.
En 1935, Albert Miklichansky travaille comme ouvrier tapissier chez un maître tapissier du Faubourg Saint-Antoine, qui sera lui-même déporté. Son
épouse est employée chez Matford, au 125, quai Aulagnier à Asnières, puis comme infirmière à l’hôpital Rothschild de Neuilly.
Adhérent du Parti communiste depuis 1933, Albert Miklichansky est aussi un syndicaliste actif de la CGT. Il milite au sein du syndicat dont André Tollet (https://maitron.fr/spip.php?article24450), lui-même tapissier – et qui se souvenait de lui comme un militant actif – est le secrétaire général (Fédération nationale unitaire de l’Industrie du Bois, affilié à la CGTU).
Il participe avec lui en 1936 à l’organisation des arrêts de travail dans les ateliers du faubourg Saint-Antoine.
Albert Miklichansky, citoyen français, âgé de 29 ans, est certainement mobilisé après la déclaration de guerre du 3 septembre 1939.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Albert Miklichansky est arrêté le 18 juillet 1941 par la police française et allemande pour « propagande communiste ». Il a été pris en flagrant délit d’inscriptions sur les murs et de collage de papillons. Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est mis à disposition du Procureur de la République et incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé le 20 juillet en attente de jugement. Il est condamné le 23 septembre 1941 à deux mois de prison qui couvrent sa détention préventive. Mais il n’est pas libéré : en application de la Loi du 3 septembre 1940 (1), le préfet de police de Paris ordonne son internement administratif.

CSS de Rouillé © VRID

Maintenu un temps au Dépôt de la Préfecture, Albert Miklichansky est transféré au Centre de Séjour Surveillé de Rouillé le 9 octobre 1941, au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus viennent du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et  20 viennent de la caserne des Tourelles).  Il y est interné administratif du 10 octobre 1941 au 9 février 1942.
Le 9 février 1942, il fait partie d’un groupe de 52 internés communistes qui sont remis aux autorités allemandes à leur demande, et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Fronstalag 122), via Poitiers. 36 d’entre eux seront déportés à Auschwitz avec lui.
Le 11 février 1942 il est immatriculé au camp de Compiègne sous le matricule n° 3541.
Albert Miklichansky y est affecté au camp des politiques (bâtiment A8). Durant ces cinq mois qui précèdent le départ du convoi, il suit les cours organisés par le Comité du camp (Roger Abada).
Lire dans le site : Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne.
Il est ensuite extrait du camp A pour le camp des otages Juifs. Comme le pensait Roger Abada, il a été transféré au camp Juif peu avant le départ du convoi, comme plusieurs autres militants communistes aux noms à consonance slave.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Albert Miklichansky est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.  Le numéro « 45880 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

A Auschwitz, selon le témoignage de Roger Abada qui est un des membres du triangle de direction du groupe français de résistance, Halphen, un déporté Juif travaillant comme interprète à la Politishe Abteilung du camp a pu conserver quelques fiches d’entrée de déportés du convoi du 6 juillet, dont celle d’Albert Miklichansky, dont il est sûr qu’il portait l’étoile jaune à Auschwitz. Il lui a transmis ces informations à leur retour en France. Lire l’article : Les déportés juifs du convoi 

Albert Miklichansky meurt le 23 août 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz
Tome 3 page 812 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « glaubenslos » (athée, sans religion). Pour Fernand Devaux, il a été « abattu par un SS, parce qu’il s’était rebiffé« . Le certificat du camp d’Auschwitz porte un diagnostic médical posthume comme cause du décès « Herz und Kreislaufschwäche » (cœur et faiblesse de circulation). L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient « en blanc » des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

Albert Miklichansky est homologué comme « Déporté politique » en 1963. Albert Miklichansky ( GR 16 P 418932) est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Sa veuve, « Lili » est décédée en 1979.

  • note 1 : Courriel de Madame Sophie Arié (mars 2018), arrière petite nièce d’Albert Miklichansky pour une rectification des patronymes des parents (source), in https://www.geni.com/people/Albert-Abram-Miklichansky/6000000012857993357, qui diffèrent de ceux figurant dans son dossier au DAVCC.
    Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.

Sources

  • Camp de Séjour Surveillé de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • Entretien de Claudine Cardon-Hamet avec Roger Abada (juillet 1987). Eléments de la fiche d’entrée transmis par Haphen (ou Alphen).
  • Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau
    de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (il a collecté les numéros matricules de « 283 à 3800 » avec les noms de ses camarades) (DAVCC).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche et dossier individuel consultés en octobre 1993.
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7 (DAVCC Caen).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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