Matricule « 45 508 » à Auschwitz

Henri Duplat le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Henri Duplat : né en 1912 à Paris 5ème ; domicilié à Paris 16ème ; employé de librairie ; communiste ; arrêté le 6 décembre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Henri Duplat est né le 11 décembre 1912 à Paris 5ème. Il habite au 187, boulevard Murat à Paris (16ème) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Anne-Marie Latimier 23 ans, ménagère et  de Henri, Léon Duplat , 27 ans, infirmier, puis livreur, puis mécanicien son époux. Ses parents habitent au 141, avenue de Versailles à Paris 5ème.
Ils se sont mariés le 18 juillet 1911 à Paris, 15ème. Henri Duplat a un frère aîné, Eugène, né en 1904, et une sœur, Paulette.
Il effectue son service militaire en 1932 dans un régiment du Train.
Henri Duplat épouse le 18 juin 1932, Louise, Berthe, Carnet à la mairie du 16ème. Employée de maison âgée de 21 ans, orpheline, elle est née en 1911 à Lolif, un petit bourg dans la Manche. Elle est domiciliée au 2, rue du Capitaine Olchanski.
Au moment de son mariage, Henri Duplat, domicilié chez ses parents au 28, boulevard Exelmans, travaille comme employé de librairie.
Le couple aura deux enfants (Claude qui naît le 8 mai 1932) et Françoise.
En 1934, Henri Duplat s’inscrit sur les listes électorales du 16ème, quartier Auteuil. La profession indiquée est toujors libraire.
En 1936, lors du recensement, son père, chef mécanicien, habite avec eux au 187, boulevard Murat.
Henri Duplat fils est connu des renseignements généraux comme «Meneur communiste actif et dangereux ».
Il est mobilisé le 2 septembre 1939, dans le cadre de l’ordre de mobilisation générale des classes d’âge 1909-1938, à la 149ème compagnie du Train qui appuie la 3ème division légère de cavalerie du Général Petiet. Il est cité à l’ordre de la compagnie et sera titulaire de la croix de guerre.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Henri Duplat est arrêté le 6 décembre 1940 pour activité communiste : « arrestation de militants communistes en vue de leur internement au camp d’Aincourt » peut-on lire sur les documents de la Préfecture. Il est arrêté sous la responsabilité de  l’inspecteur « D. » du commissariat d’Auteuil. Il s’agit d’une rafle qui concerne 58 militants communistes de la région parisienne (dont 9 de différents quartiers parisiens).
D’abord conduit avec ses camarades à la caserne des Tourelles (boulevard Mortier à Paris 20ème), Henri Duplat est interné administrativement avec 57 autres militants au camp de « Séjour surveillé » d’Aincourt, ouvert le 5 octobre 1940 par le gouvernement de Vichy pour y enfermer les communistes du département de la Seine.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt

RG, exposé des motifs de son arrestation

Sur la liste « des militants communistes internés le 6 décembre 1940» reçue des Renseignement généraux par le directeur du camp, figurent des mentions
caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7). Pour Henri Duplat on lit : «Meneur communiste actif et dangereux ». Henri Duplat écrit le 3 janvier 1941 au préfet de la Seine pour « solliciter l’inscription au chômage ou l’attribution de secours » à sa femme et à ses enfants. Comme plusieurs autres internés il poursuit : « Je n’ai – au moment de mon internement – été ni interrogé, ni entendu sur les motifs de cet acte auquel j’étais loin de m’attendre après un an de mobilisation (…). J’espère en une mesure de clémence justifiée qui mettra ailleurs que derrière les barbelés ceux qui ont fait leur devoir ».
Henri Duplat est transféré depuis le camp d’Aincourt, saturé, au Dépôt de la Préfecture de Police, en attente d’un  transfert vers le Camp de Voves.
Le 16 avril 1942, Henri Duplat fait partie des 60 détenus en provenance du dépôt de la Préfecture qui sont transférés à Voves (1). Au « Grand camp » de Voves, il reçoit le n° 79 (dossier n° 285.196).

camp de Voves © MRN Champigny

Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. Henri Duplat est inscrit sur la première liste (28è de la liste)  figure sur la première liste. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».

Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, arrivés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) les 10 et 22 juin 1942, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Le 6 juillet 1942, il est dans le même wagon que Louis Boccard qui commence à écrire une lettre à son épouse en gare de Compiègne.
Il la jettera sur le ballast et elle sera ramassée par des cheminots, et postée. Lire dans le site l’article : Lettres jetées du train.
« 9 heures moins le quart et le train s’ébranle à l’instant, ainsi que l’écriture. Nous sommes 45 par wagon, avec deux petites ouvertures et un vieux bidon pour nos besoins. Cà va sentir bon plusieurs jours comme çà. Enfin faut pas s’en faire et le moral est toujours excellent. Il donne les noms de camarades qui sont dans le même wagon que lui : Burette (Léopold Burette), Moyen (Raymond Moyen), un petit gars  de la Chaussée du Pont nommé Guilbert (Marcel Guilbert, dit « Mickey »), un de la rue d’Aguesseau (il s’agit de Fernand Lafenetre), Platteaut (Marcel Platteaut), Henri Duplat (Henri Duplat) etc…etc… » 

Depuis le camp de Compiègne, Henri Duplat est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Henri Duplat le 8 juillet 1942

Henri Duplat est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 508» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Henri Duplat entre au Revier (3) de Birkenau le 5 novembre 1942.

Certificat d’appartenance à la Résistance

On ignore la date exacte de sa mort à Auschwitz, qui est néanmoins postérieure au 11 novembre 1942. Un arrêté ministériel du 29 mars 1989, paru au Journal Officiel du 28 mai 1989, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet acte porte la date fictive « décédé le 15 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des
dates de décès fictives (à partir des témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés). Voir l’article :Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Henri Duplat est homologué comme « Déporté politique » et déclaré « Mort pour la France ».
Le 22 juin 1949, il a été – à titre posthume comme membre de la Résistance Intérieure Française – homologué « soldat de deuxième classe » au titre du « Front National ».

  • Note 1 : Le Centre de Séjour Surveillé n° 15 de Voves a été ouvert en tant que camp d’internement administratif, le 5 janvier 1942.
  • Note 2 :522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
  • Note 3 : L’hôpital (le « Revier ») des prisonniers du KZ Auschwitz ne possède aucun équipement et le travail des rares médecins – prisonniers se résume à ce qu’auraient pu faire des infirmiers ou des aides-soignants, matériel et médicaments en moins. Au sein d’un seul bâtiment, les Blocks avaient pour numéros : 19, 20, 21 et 28.

Sources

  • Certificat RIF transmis par M. Dominique Doreau, petit-fils d’Henri Duplat © 3 août 2005.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Archives de la police / BA 2374.
  • Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines (W).
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai  1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • (Centre de Documentation Juive Contemporaine. Mémorial de la Shoah.XLII-66).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • «Livre des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz» (n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 15.07.1943.
  • © Site Internet Legifrance.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Photo d’immatriculation d’Henri Duplat à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /©collection André Montagne.
  • © Le CCS de Voves. Musée de la Résistance Nationale (Champigny).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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