Raymond Rivoal : né en 1920 à Paris 10ème ; domicilié à Aubervilliers (Seine) ; journalier ; jeune communiste ; arrêté le 10 janvier 1941, condamné à 6 mois de prison (Fresnes); arrêté le 28 avril 1942 ; interné au  camp de de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Raymond, Pierre Rivoal est né le 7 septembre 1920 à Paris 10è. Au moment de son arrestation, Raymond Rivoal habite au 94, rue de la Goutte-d’Or (aujourd’hui rue André Karman) à Aubervilliers, Seine / Seine-Saint-Denis. Il est le fils de Julia, Anaïse Lebas, 27 ans, née le 24 décembre 1885 à Aubervilliers, journalière. Elle est alors mariée à Henri Lenfant, tous deux étant domiciliés au 50, rue des Cités à Paris 10ème. Par jugement du tribunal civil de la seine, en date du 19 juin 1922, Raymond Lenfant est officiellement désavoué par Henri Lenfant et ne pourra plus porter le nom de celui-ci, mais celui de sa mère.
En 1936, Raymond Lebas  vit avec sa mère Julia Lebas au 94, rue de la Goutte-d’Or : ils habitent avec Pierre Rivoal, journalier et ses deux enfants (Rolande, née en 1924 et Pierre, né en 1934, tous deux à Paris).
Raymond Lebas est est légitimé comme Raymond Rivoal le 2 décembre 1939, par le mariage de sa mère avec Pierre, Henri Rivoal (1), avec lequel elle vit depuis 1936.  Raymond Rivoal est journalier au moment de son arrestation en 1941.

Le jeudi 13 juin 1940, la Wehrmacht occupe Aubervilliers. Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’occupation Raymond Rivoal est dans le “groupe des jeunes” d’Aubervilliers, anciens membres des Jeunesses communistes avant-guerre (Marceau Lannoy, secrétaire des Jeunesses communistes d’Aubervilliers entre 1937 et 1939, Liliane Landreau, Robert Hours (2), Robert Recol, Robert Ferrero, Gambier et Cousin).
Raymond Rivoal participe aux distributions de tracts (Marceau Lannoy, détenteur d’une ronéo, est responsable des distributions).

Registre journalier de la Brigade spéciale en date du 10 janvier

Le 10 janvier 1941, Raymond Rivoal est arrêté par les hommes du commissaire Betsen, avec 4 autres jeunes (3). Il est inculpé avec six autres jeunes – dont Marceau Lannoy – d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 « pour participation à la reconstitution du groupement des Jeunesses communistes à Aubervilliers », il est placé sous mandat de dépôt à disposition du procureur. Incarcérés à la maison d’arrêt de la Santé, ils
comparaissent le 19 juin 1941, devant la 15ème chambre des mineurs
du Tribunal correctionnel de la Seine.
Raymond Rivoal est condamné à six mois de prison. Il a fait appel – en vain – de la sentence (4). Placé au dépôt de la Préfecture, le 20 juin, il est écroué à la maison d’arrêt de Fresnes. Il est vraisemblablement libéré à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, en juillet, sans être placé dans un camp d’internement.
Raymond Rivoal est en effet arrêté à nouveau le 28 avril 1942.
Ce jour-là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la  Seine. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » et libérés à l’expiration de leur peine.
Les autres sont connus ou suspectés par les services de police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril
un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff).

Raymond Rivoal est conduit le soir même au camp allemand de Compiègne (Frontstalag 122) où il reçoit un numéro matricule qui suit celui de Raphaël Manello « 4310 », arrêté le même jour. Maurice Courteaux, rescapé du convoi né à Aubervilliers, immatriculé « 4155 » à Compiègne se souvenait d’être arrivé au camp le même jour que lui. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Sa belle-mère, Julia Rivoal, effectue des démarches auprès de la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés afin d’obtenir des nouvelles de son beau-fils (mention d’un dossier dit de Brinon (5) au BAVCC).

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Rivoal est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «46062 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette biographie pourrait désormais en fournir la preuve.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, ni sa date de décès.
Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives à partir des témoignages de
rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Pour Raymond Rivoal cette date fictive est le 15 février 1942. Un arrêté ministériel du 31 juillet 1997 paru au Journal Officiel du 14 décembre 1997 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs et reprend la date fictive du 15 février 1943 à Auschwitz.

Raymond Rivoal est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté politique » en 1955. La carte est délivrée à Mme Julia Rivoal, sa mère, domiciliée au 138, boulevard Félix Faure à Aubervilliers.
Il est homologué R.I.F. dossier GR 16 P 513501.
Par un arrêté de 1949 paru au Journal Officiel du 22 juillet 1950, il est homologué comme « Sergent » à titre posthume au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 27 avril 1942.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts, dans le cimetière communal.
Le 8 mai 2013, à l’occasion du 68ème anniversaire de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie, son nom est honoré par le Maire d’Aubervilliers,
Jacques Salvator, parmi les 10 noms de fusillés ou déportés qu’il cite à cette occasion. Il est le seul déporté du convoi du 6 juillet 1942 mentionné (ils
sont 8 Albertivillariens déportés à Auschwitz).

  • Note 1. Pierre Rivoal est né 14, novembre 1897 à Carmoët dans les Côtes-du-Nord. Il est manœuvre. Il vit avec Julia Lenfant vers 1936, qu’il épousera. Selon le Maitron « en janvier 1925, Rivoal était secrétaire de la cellule communiste des Grands Moulins à Pantin (Seine). Il habitait à Aubervilliers ». Il est plausible qu’il s’agisse du père de Raymond Rivoal. Il est décédé en 1995.
  • Note 2 : Robert Hours, né le 23 octobre 1924 est déporté en 1944 à la prison de Potsdam, Aux camps de Sachsenhausen et Flossenbürg. Il est libéré le 23 avril 1945.
  • Note 3 : « Ces policiers appartenaient à ce que l’on appelait alors à Aubervilliers « la brigade politique ». Cette brigade placée sous le commandement du commissaire Georges Betchen groupait 12 membres. Cet effectif doit être rapporté à celui du commissariat qui s’élevait à 225 hommes, ce qui est très important, mais il faut le rappeler le commissariat couvrait les territoires d’Aubervilliers, de La Courneuve et du Bourget. Statistiques de la « brigade politique » du commissariat ’Aubervilliers pour la période octobre 1940-décembre 1941 : 18 personnes inculpées pour propagande gaulliste, 22 pour reconstitution du Parti communiste ; 81 pour  propagande communiste ; 1334 arrestations de suspects ; 465 visites domiciliaires ; 44 arrestations en vue d’internement administratif ; constitution d’un fichier de 2139 personnes avec 124 photographies ; constitution d’un fichier d’israélites ». « GeorgesBetchen sera, à la Libération, condamné à vingt ans de travaux forcés ». Jacques James / André Narritsens / Bernard Orantin In © Blog du PCF d’Aubervilliers, 24 octobre 2010.
  • Note 4 : Le procureur de la République est Maurice Gabolde, nommé Procureur général à Paris le 1er janvier 1941. Il participe à la rédaction de la loi du 14 août 1941 qui crée les sections spéciales dans chaque cour d’appel qui peuvent prononcer sans possibilité de recours des peines capitales contre les communistes et les anarchistes. Du 26 mars 1943 au 17 août 1944 il est Garde des Sceaux dans le gouvernement Laval. Il s’enfuit en Espagne en 1945. Il est condamné à mort par contumace par la Haute cour de justice, le 13 mars 1946. Jacques James / André Narritsens / Bernard Orantin In © Blog du PCF d’Aubervilliers.
  • Note 4 : Fernand Brinon (dit marquis de Brinon) représente le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation. Il est nommé le 5 novembre 1940 ambassadeur de France auprès des Allemands, puis le 17 novembre suivant «délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés». Il a été le destinataire des démarches des familles de « 45000 » qui cherchent à obtenir des informations sur le sort de leur déporté.

Sources

  • Fichier national de la Dibvision des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet Memorial GenWeb.
  • Archives départementales de Paris, rôle correctionnel.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, cartons occupation allemande, Carnet B, BA 1774.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau /© collection André Montagne.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité parl’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • www.aubervilliers.fr/IMG/pdf/2013-5-8, Discours JS 8 mai 1945.
  • Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.

Notice biographique rédigée en novembre 2007 (complétée en 2014,  2019, 2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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