Paulin Coutelas le 8 juillet 1942

Matricule « 45.408 » à Auschwitz

Paulin Coutelas : né  en 1908 à  Reuil (Marne) ; domicilié à  Rosny-sous-Bois (Seine - Seine-Saint-Denis) ; menuisier SNCF ; communiste ; arrêté le 26 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 13 août 1942.

Paulin Louis Coutelas est né  le 1er novembre 1908 à  Reuil (Marne). Il habite au moment de son arrestation au 29, rue Paul Cavaré à Rosny-sous-Bois (Seine / Seine-St-Denis), à proximité de la gare.

Le 29, rue Paul Cavaré

Il est le fils d’Aline Thibault, 35 ans, vigneronne et de Paulin, Augustin Coutelas, 44 ans, couvreur en bâtiment. Il a deux demi-sœur et frères, nés du premier mariage  de son père (12 janvier 1890) avec Mélanie Martin : Laure, née en 1892 et Adolphe, né en 1891.
Du remariage de son père avec Aline Thibaut, le 2 mars 1899, il a une sœur, Mélanie, née en 1900, et deux frères ainés, Gustave, né en 1904 et Isidore, né en 1906. 

Le 15 décembre 1934, Paulin Coutelas épouse Hélène, Henriette, Marseille (1914-2006) à Paris 3ème, cinq minutes avant le mariage de son frère aîné Isidore avec Marie Loueillé. Il est leur témoin, comme Isidore l’est pour son mariage. Hélène Marseille est née le 24 août 1909 à Reuil (Marne). Elle travaille comme bonne à tout faire, domiciliée à Reuil, mais habitant au 45, rue des Boulainvilliers à Paris 16ème. les deux frères sont domiciliés au 4, rue des Arquebusiers à Paris 3ème. Le couple a une fille, Claudie.
Paulin Coutelas est cheminot, menuisier aux ateliers SNCF de Noisy-le-Sec. Il est un militant communiste connu.
Cheminot, il est vraisemblablement « affecté spécial » sur son poste de travail lors de la mobilisation générale de 1939.

Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Pantin. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Rosny dépend d’une Kommandantur installée à Nogent-sur-Marne. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre. Paulin Coutelas est arrêté pour ce motif, le 26 octobre 1940. 

Le camp d’Aincourt, blog de Roger Colombier

L’arrêté préfectoral ordonnant son internement administratif (1) avec celui de 37 autres militants du département de la Seine est daté de ce jour. Il est transféré le 26 au “Centre de séjour surveillé”
(CSS) d’Aincourt
(Seine-et Oise / Val-d’Oise).
Lire dans le site Le camp d’Aincourt.

Demande de renseignements aux RG

Le 6 septembre 1941, il est transféré au camp de Rouillé, au sein d’un groupe de 149 internés.

Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎.
Le 14 octobre 1941, le directeur du camp demande au préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé un mois auparavant, dont celui de Paulin Coutelas. Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre.

Réponse des RG concernant Paulin Coutelas

Pour Paulin Coutelas on peut lire « Employé  à la SNCF, se livrait à une propagande acharnée parmi ses camarades de travail », ce qui confirme que c’est uniquement sur ces motifs qu’il a été arrêté.

Le camp de Rouillé

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne
(le Frontstalag 122). Le nom de Paulin Coutelas (n°54 de la liste) y figure.
Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (2) qu’il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Paulin Coutelas est déporté à Auschwitz avec son fils dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Paulin Coutelas est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45408» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée  d’Etat d’Auschwitz.

Son matricule sera tatoué sur son avant-bras
gauche quelques mois plus tard. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Registre du Revier le 13 août 1942

Paulin Coutelas meurt à l’infirmerie d’Auschwitz le 13 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 186 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique). On sait par les registres de la morgue du Block 20, subtilisés par la Résistance du camp, que des piqûres de phénol dans le cœur furent massivement utilisées à l’été 1942 pour exécuter des déportés à l’infirmerie (Revier).
Le registre du 13 août 1942 porte plus de 160 matricules, avec la mention « szpila » (piqûre en polonais) : le matricule de Paulin Coutelas, « 45408 » y figure (cf document ci-contre avec flèche jaune). In «Death books from Auschwitz», Tome 1, page 120*).

Un arrêté ministériel du 18 novembre 1987 paru au Journal Officiel du 29 janvier 1988 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de naissance et jugement déclaratif de décès et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz.
Paulin Coutelas a été déclaré « Mort pour la France » et il est homologué « Déporté politique » le 12
août 1955.

Plaque commémorative FNDIRP

Son nom est honoré sur le monument de Place des Martyrs de la Résistance et de la Déportation à Rosny-sous-Bois.
Son nom est honoré sur la plaque installée dans l’ancien cimetière de Rosny à l’initiative de la
FNDIRP en mémoire des 56 rosnéens arrêtés par les autorités allemandes et dont 22 ne sont pas rentrés des camps où ils ont été déportés. Il est gravé sur la plaque SNCF en gare de Noisy-le sec « à la mémoire des agents tués pour fait de guerre en 1939-1945 ».

Plaque commémorative à Reuil

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Reuil (Marne), sa ville natale.
Sa veuve est décédé à Bayeux (Calvados) le 13 avril 2006.

  • Note 1 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le
    décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la
    défense nationale ou la sécurité publique
    « . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai 1942. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.
  • Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du Musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Internet MemorialGenWeb.
  • © Photo du CSS d’Aincourt, in blog de Roger Colombier.
  • © Photo du CCS de Rouillé. In site Vienne Résistance Internement Déportation.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / © collection André Montagne.

Notice biographique mise à jour en 2013, 2019 et 2022 à partir de la notice succincte que j’avais préparée à l’occasion du 60ème anniversaire
du départ du convoi et publiée dans la brochure éditée par le Musée d’histoire vivante de Montreuil. Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour
Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»
, éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et
coordonnées du  blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour la compléter ou la corriger, vous
pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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