Matricule « 46 307 » à Auschwitz
Jacques Rotsztajn : né en 1894 à Varsovie (Pologne) ; domicilié à Vincennes (Seine / Val-de-Marne) ; artisan maroquinier ; communiste ; arrêté le 27 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.
Jankiel (dit Jacques) Rotsztajn est né le 30 juillet 1894 à Varsovie (Pologne). Il est domicilié au 16, rue Faie Félix, à Vincennes Seine / Val-de-Marne). Il a épousée Rywka (Régine) Forover, une brodeuse, née en 1897 à Varsovie.
Artisan maroquinier, homme aux convictions proches du KPP (Komunistyczna Partia Polski) ou membre de celui-ci.
Il émigre avec sa famille en Belgique en 1920, après l’interdiction du KPP au moment de la guerre russo-polonaise (1919-1920) qui oppose la République des Soviets à la deuxième République polonaise indépendante.
Un premier enfant, Adolphe, leur naît le 4 décembre 1920 à Molenbeck-Saint-Jean, une des communes de Bruxelles (Belgique).
La famille émigre ensuite en France. Leur fille, Lucienne, naît à Paris en 1926.
Jacques Rotsztajn est naturalisé Français le 4 décembre 1928 (numéro de décret : 13090-28).
Il s’inscrit sur les listes électorales de Vincennes en 1929. La famille habite au 16, rue Faie Félix, à Vincennes.
Lors du recensement de 1931 il indique comme profession maroquinier à Paris. Son épouse est brodeuse. En 1936, il indique patron maroquinier, et son épouse est sans profession.
Jacques Rotsztajn est adhérent au Parti communiste français, membre d’une cellule à Vincennes « dont le siège se trouvait dans un café au 53, rue Diderot à Vincennes. M. Rotsztajn avait été signalé par le commissaire de Vincennes comme étant un élément particulièrement actif de la propagande communiste clandestine. Il est arrêté pour ce motif à son domicile 16, rue Faie Félix, le 27 juin 1941 vers 6 heures du matin ». In Note blanche des Renseignements généraux (mai 1955) transmise au Ministère des Anciens combattants pour l’obtention du titre de « Déporté politique » présenté par sa veuve, Rywka Rotsztajn.
Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent Ivry, Vitry et Villejuif les jours suivants. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Cette arrestation le 27 juin 1941 au matin se fait à son domicile, à la demande du commissaire de police de Vincennes qui inscrit « propagande communiste / israélite « . Son arrestation ne se fait donc pas pour motif racial, mais le commissaire a néanmoins précisé qu’il est israélite. La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin 1941, mentionne pour Jankiel Rotsztajn : « Meneur communiste très actif ».
Elle s’inscrit dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, à partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, les Allemands arrêtent plus de mille communistes avec l’aide de la police française (nom de code de l’opération : «Aktion Theoderich»). D’abord amenés à l’Hôtel Matignon (un lieu d’incarcération contrôlé par le régime de Vichy) ils sont envoyés au Fort de Romainville, où ils sont remis aux autorités allemandes. Ils passent la nuit dans des casemates du fort transformées en cachots.
Et à partir du 27 juin ils sont transférés vers Compiègne, via la gare du Bourget dans des wagons gardés par des hommes en armes. Ils sont internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht, camp destiné à l’internement des «ennemis actifs du Reich», alors seul camp en France sous contrôle direct de l’armée allemande.
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942
Depuis ce camp, le Frontstalag 122, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Jacques Rotsztajn est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Jacques Rotsztajn est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 835» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Sans profession utile pour la SS, il est maintenu à Birkenau avec Aimé Oboeuf, un vincennois comme lui.
On ignore à quelle date est mort Jacques Rotsztajn à Auschwitz. Agé de 48 ans, exerçant un métier plutôt sédentaire, il a dû être très tôt victime des sévices, malnutrition et épidémies qui ont décimé en quelques mois la majorité du convoi, composée d’hommes bien plus jeunes.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son camarade Aimé Obeuf, rescapé, vincennois comme lui, pensait qu’il était mort fin octobre 1942.
Un arrêté ministériel du 14 septembre 1998 apposant la mention Mort en déportation sur son acte de décès et paru au Journal Officiel du 2 décembre 1998, porte la mention « décédé le 30 octobre 1942 à Auschwitz (Pologne) ». On sait que dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives à partir des témoignages de rescapés (ici Aimé Obeuf), afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Jacques Rotsztajn est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté Politique » le 11 octobre 1955.
Son nom est gravé sur le Monument aux morts de l’ancien cimetière de Vincennes, 1 rue de Fontenay : Aux Vincennois Morts pour la France.
Relevé et photo Généanet le 14-05-2012.
Le nom de Jacques Rotsztajn est également inscrit sur le « Mur des noms » du Mémorial de la Shoah à Paris. Il y est référencé comme étant déporté à Auschwitz par le convoi n° 451 (1), qui est un des numéros attribué par Serge Klarsfeld au convoi du 6 juillet 1942.
- Note 1 : Dans le cadre de son considérable travail mémoriel, Serge Klarsfeld a numéroté tous les convois raciaux partis de France à direction d’Auschwitz, en reprenant les numéros attribués par les Nazis. Les convois n° 1 et 2 sont partis les 27 mars et 5 juin 1942 de Compiègne. 67 autres partiront de Drancy, 5 de Pithiviers, 2 de Beaune la Rolande et 1 de Lyon. Mais on trouve dans les listes du Mémorial de la Shoah, un numéro – le n° 451 sans précision de sa date de départ – qui correspond au convoi du 6 juillet 1942. S’il s’agit d’un convoi composé pour l’essentiel d’otages politiques, leur déportation s’inscrit dans le cadre de la politique allemande des otages contre le « judéo-bolchevisme » qui s’applique directement aux convois n° 1 et 2. Il comprend 50 otages Juifs déportés comme tels, et sa terrible mortalité (89 %) est proche de celle des convois raciaux. Il eut certainement mieux valu ne pas le numéroter, car ce numéro 451 introduit une confusion dans la chronologie : il est en effet historiquement le 3è convoi parti de Compiègne pour Auschwitz, et le 6è des convois partis de France pour Auschwitz selon sa date de départ.
Sources
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche et dossier individuel consultés en octobre 1993.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Témoignage d’Aimé Oboeuf.
- Photo de Jacques Rotsztajn, collection Pierre Cardon
- © Mémorial de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Paris IVè.
- © Site Internet Généanet.
- © Site Internet Legifrance.
- © Site Internet Memorial GenWeb
- Montage photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial © Pierre Cardon
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste des militants communistes internés le 27 juin 1941.
Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2008, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45 000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com