Liste de la préfecture du Calvados (document CDJC).
Empreintes d’Henri Philippard et extraits des signalements le concernant / Maison d’arrêt de Pont-l’Evêque

Matricule « 45 979 » à Auschwitz

Henri Philippard : né en 1909 à Lisieux (Calvados) ; domicilié à Deauville (Calvados) ; jardinier ; arrêté comme otage communiste le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; décédé à Auschwitz-Birkenau le 12 août 1942. 

Henri Philippard (1) est né le 22 mars 1909 à Lisieux (Calvados).
Il habite au 49, rue Albert Fracasse à Deauville (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Célestine, Albertine Lefrançois, 20 ans, chemisière et d’Alfred, Eléonor Philippard, 31 ans, dresseur de chevaux à Lisieux, son époux. Ses parents habitent 28, place Victor Hugo à Lisieux. Ils habiteront au n° 64 de la place en 1914.
Il a deux sœurs (Yvonne née le 22 mars 1911 et Louise née le 8 avril 1912) et un frère (Georges né le 11 février 1916).
Henri et ses frères et sœurs sont « adoptés par la Nation » (Henri le 6 septembre 1918 : son père en effet a été porté disparu le 17 juin 1915 lors des combats à Ecurier (Pas-de-Calais).
Henri Philippard est marié avec Rachel, née en 1901 à Barville (Eure). Le couple a deux enfants.
Lors du recensement de 1936, le couple habite au 1, route de Saint-Arnoult à Deauville.

Ouest-Eclair du 6 octobre 1936, photo montage Pierre Cardon

Henri Phillipard est jardinier chez Strasburger, comme un des locataires au même numéro (recensement).
En octobre 1936 il obtient le quatrième prix d’un concours organisé lors de la fête mutualiste des Jardiniers de France, pour la composition d’un parterre fleuri représentant un bateau. Puis il est jardinier à la ferme du Côteau à Deauville. A cette époque, ils ont déménagé dans le quartier du Coteau. Selon la Préfecture «il vivait maritalement avec Yvonne Richer de 1936 à 1942 ».

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.  Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

D’opinions anti-nazies selon son épouse, Henri Phillipard est fiché comme communiste par la Préfecture.
Il est arrêté à 23 heure le 1er mai 1942 par la police française (témoignage d’Yvonne Richer). Selon le témoignage d’Emmanuel Michel, rescapé : « Le premier mai 1942, nous avons été arrêtés à cinq, à Trouville-sur-Mer, par le Commissariat de Police de Trouville à l’époque. Il s’agit de moi même, Philippard Henri, Guerrier Maurice, Mizrahy Dixime et Kaliski Wolf ».  

liste d’arrestation n°2 des communistes arrêtés sur désignation de l’autorité allemande (Feldkommandantur 723)  et remis à celle-ci le 3 mai 1942 (montage photo à partir du document de la Préfecture de Caen / CDJC).

Son nom figure en effet sur la liste de 120 otages « communistes et Juifs » établie par les autorités allemandes. Son arrestation a lieu en représailles au déraillement de deux trains de permissionnaires allemands à Airan-Moult-Argences (38 morts et 41 blessés parmi les permissionnaires de la Marine allemande à la suite des sabotages par la Résistance, les 16 et 30 avril 1942, de la voie ferrée Maastricht-Cherbourg où circulaient deux trains militaires allemands. Des dizaines d’arrestations sont effectuées à la demande des occupants. 24 otages sont fusillés le 30 avril à la caserne du 43ème régiment d’artillerie de Caen occupé par la Werhmarcht. 28 communistes sont fusillés en deux groupes les 9 et 12 mai, au Mont Valérien et à Caen. Le 9 mai trois détenus de la maison centrale et des hommes condamnés le 1er mai pour « propagande gaulliste » sont passés par les armes à la caserne du 43ème RI.  Le 14 mai, 11 nouveaux communistes sont fusillés à Caen.

Lire dans le site : Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942) et la note du Préfet de Police de Paris à propos des deux sabotages de Moult-Argences : Collaboration de la Police français (note du Préfet de police, François Bard).

Avec quatre autres habitants de Trouville et Jacques Grynberg de Honfleur, il est amené à la maison d’arrêt de Pont-L’Evêque le 3 mai 1942.
Madame Christine Le Callonec, parente par alliance du petit-fils fils d’un déporté, M. Jacques Sergeff, m’a fait parvenir les registres d’écrou de la prison de Pont-L’Evêque, concernant les arrestations effectuées par la Gendarmerie nationale française sur réquisition des Autorités allemandes le 3 mai 1942. Sur les quatre pages de ces registres d’écrou figurent les noms de 15 hommes. Parmi eux, 11 seront transférés à la Maison d’arrêt de Caen le 3 mai, puis à Compiègne et de là déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942. Il s’agit de Maurice Auvray, Maurice Monroty, Pierre Lelogeais, Jacques Grynberg, Maurice Guerrier, Henri Philippard, Emmanuel Michel, Lucien Lehmann, Henri Hasman, Chaïm Levinsky et son fils, René Levinsky.

Empreintes d’Henri Philippard et extraits des signalements le concernant / Maison d’arrêt de Pont-l’Evêque

Pour Henri Philippard, après l’appositions de ses deux empreintes digitales, le signalement du registre relève son âge : 42 ans et ses caractéristiques physiques. 1 m 76, Barbe : rasée, Menton : saillant, Bouche : bée, Nez : ab, Sourcils : horizontaux, Yeux : châtains, Cheveux : châtains, Teint : pâle. Sa date et lieu de naissance : le 22 mars 1909 à Lisieux (Calvados). Suivent sur la même ligne les mentions concernant l’identification des autorités ayant effectué l’arrestation (elle est « passagère » réalisée par la Gendarmerie nationale française) et l’autorité l’ayant commandée (autorités allemandes). Suivent : le dernier lieu de « séjour » (Trouville-sur-Mer), la date d’entrée à la prison de Pont-L’Evêque : le 3 mai 1942 et la date de sortie : le 3 mai 1942, puis la mention du transfert à la Maison d’arrêt de Caen le 3 mai 1942.

Henri Philippard et dix autres otages – Juifs et communistes -, sont conduits en autocars le 3 mai au « Petit lycée » de Caen occupé par la police allemande, où sont regroupés les otages du Calvados. On leur annonce qu’ils seront fusillés. Par la suite, un sous-officier allemand apprend aux détenus qu’ils ne seront pas fusillés mais déportés. Après interrogatoire, ils sont transportés le 4 mai 1942 en cars et camions à la gare de marchandises de Caen. Il est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Le train démarre vers 22 h 30 pour le camp allemand de Royallieu à Compiègne le Frontstalag 122 (témoignage André Montagne).
Henri Philippard y est interné le lendemain soir en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Phillipard est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45979 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Henri Philippard meurt à Auschwitz le 12 août 1942 d’après les registres du camp.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Henri Phillipard est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 474115.
Il a été déclaré « Mort pour la France ».

  • Note 1 : Dans le livre « De Caen à Auschwitz », son nom est orthographié par erreur Philippart, avec un T. Après vérifications sur les listes de la préfecture et allemandes (reproduites ci-dessus), sur son acte de naissance et au Journal officiel (14 décembre 1997), il s’orthographie bien avec un D.

Sources

  • Fiche de renseignements FNDIRP établie par sa veuve (N° 21470 : 8356).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
  • « De Caen à Auschwitz » ouvrage collectif réalisé par les professeurs et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, du lycée Malherbe de Caen et de l’association « Mémoire Vive ». Pages 125 et 133.
  • Recherches généalogiques (état civil, recensement, registre matricule militaire) effectuées par Pierre Cardon

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2016, 2017, 2020 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *