Matricule « 45 472 » à Auschwitz  Rescapé

Fernand Devaux et André Montagne : ils ont été deux des trois derniers survivants du convoi
Fernand Devaux à Rouillé
Fernand Devaux : né en 1922 à Guingamp (Côtes d'Armor) ; domicilié à Saint-Denis (Seine) ; tôlier puis enseignant à son retour des camps ; communiste ; arrêté le 2 septembre 1940, libéré fin octobre ; arrêté le 9 novembre 1940 ; interné aux camps d'Aincourt, Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz ; rescapé ; décédé le 30 mai 2018.

Fernand, Alphonse Devaux est décédé le 30 mai 2018 à l’hôpital de Saint-Lô (Manche). Il avait 96 ans. Il était l’avant-dernier survivant (1) du convoi du 6 juillet 1942, dit des « 45.000 ».

Photo au Mémorial de Compiègne (in site du Mémorial)

On lira aussi dans ce site le long récit que Fernand Devaux a fait de ses engagements syndicaux et politiques depuis son arrivée à Saint-Denis, des épreuves de l’Occupation, de son internement dans les camps français et dans l’enfer d’Auschwitz, de Gross-Rosen, Hersbruck, Dachau jusqu’à son retour en France le 19 mai 1945.
Cliquez sur le lien : Fernand Devaux parle de son engagement et de sa vie jusqu’à sa libération en 1945.

 

Fernand Devaux, surnommé « Nounours » (1) est né le 3 janvier 1922 à Guingamp (Côtes du Nord / Côtes d’Armor).
Il habite 30, rue Marcel Sembat à Saint-Denis (ancien département de la Seine, aujourd’hui Seine-St-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Lebois née en 1881 à Crollas et de Delfin Devaux, né également en 1881 à Crollas, employé des chemins de fer, son époux.
Il est le cadet d’une famille de quatre enfants. Jeanne est née en 1912 au Houlme (Seine-Maritime), Jules, né le 14novembre 1914 au Houlme (Seine-Maritime, décédé le 12 décembre 2003 à Paris (voir note 3) et Emile né en 1918 à Guingamp.
La famille habite au 9, rue Jean Jacques Rousseau à Guingamp.
Son père meurt lorsqu’il a huit ans et la famille s’installe à Saint-Denis dans la région parisienne, où les emplois sont plus nombreux.
Sa mère fait des ménages. Très tôt il est sensibilisé à l’horreur du régime nazi.
Lorsqu’il prépare le certificat d’études, sa classe accueille un élève allemand dont le père a été « décapité à la hache ».
En 1935, il habite avec sa mère et ses deux frères au 30, rue Marcel Sembat à Saint-Denis. Jules est cordonnier (listes électorales de 1935) et Emile est ajusteur aux Chemins de fer de l’Etat (recensement de 1936).
En 1935, il assiste à un débat où un jeune Allemand vient témoigner sur les camps de concentration nazis. Ce dernier, en 1936, s’engagera en Espagne  dans les Brigades internationales pour lutter contre le fascisme.
En 1938, à 16 ans, il est embauché aux Usines Hotchkiss (automobiles et matériel militaire) de Saint-Denis où il apprend sur le tas le métier de tôlier en carrosserie. En mai 1940, il perd son emploi. Hotchkiss doit travailler pour l’occupant et construire du matériel militaire.
En 1937 Fernand Devaux adhère à la Jeunesse communiste, puis au Parti communiste l’année suivante.
Il se syndique  à la CGT et diffuse la Vie Ouvrière dans son entreprise. Après la dissolution des organisations communiste en septembre 1939, il participe à l’activité clandestine du parti en dehors de Saint-Denis et est mis en contact avec Rino Scolari, responsable de la jeunesse communiste de la région parisienne.
« Dès le début de son engagement militant, Fernand s’investit entièrement, notamment pour la défense des acquis du Front Populaire. Il sera d’ailleurs nommé secrétaire des Jeunesses Communistes de Saint-Denis, ville dans laquelle il a grandit, en 1938. Quand en 1939 les mouvements communistes (PCF et JC principalement) sont interdits en France, Fernand entre tout naturellement, comme la majorité de ses camarades, en clandestinité. La guerre éclair éclate et la famille de Fernand se réfugie à Guingamp, terre familiale et de naissance, mais dès juin 1940 Fernand reprend du service à Saint-Denis. Il reconstitue la JC locale, toujours en lien avec la direction clandestine. Tracts, papillons » in hommage de la Jeunesse communiste 4 juin 2018 Gwenn Herbin.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Elles ont occupé une partie de la banlieue-est la veille, puis la totalité les jours suivants. A Saint-Denis la Wehmarcht installe un Frontstalag à la caserne des Suisses, qui fonctionne en réseau avec le FT 111 de Drancy et le camp de Romainville.

Renseignements généraux : exposé des motifs de l’arrestation.

Fernand Devaux est arrêté le 2 septembre 1940, rue des Ursulines, à Saint-Denis, lors d’une distribution de tracts. Conduit au commissariat de la ville, il est incarcéré à la Santé le 4 septembre.
Il est libéré fin octobre 1940, et reprend rapidement ses activités militantes, cette fois hors de sa ville, en compagnie de Rino Scolari, responsable pour la région parisienne. Mais il est désormais sur les listes de la Préfecture de police.

Il est arrêté à nouveau le 9 novembre 1940.
Cette arrestation a lieu dans le cadre de rafles organisées à partir du 5 octobre 1940 (avec l’accord de l’occupant) par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine et de la Seine-et-Oise (élus, cadres du parti et de la CGT) avec la remise en vigueur du décret du 18 novembre 1939 sur «l’éloignement des suspects et indésirables».

Le camp d’Aincourt. In blog de Roger Colombier,  qui a rendu un chaleureux  hommage à Fernand Devaux, le 1er juin 2018

Il est interné en novembre 1940 avec ses camarades, au camp d’Aincourt , en Seine-et-Oise, ouvert spécialement, le 5 octobre 1940 à Aincourt pour y enfermer les militants arrêtés. (Lire dans le site Le camp d’Aincourt) et Rouillé 29 juin 2014. Allocution de Fernand Devaux.
Il se retrouve à la DJ, « le dortoir des jeunes », où il fait la connaissance de Georges Dudal (qui deviendra son beau-frère après guerre).
Lors de la « révision trimestrielle » de son dossier (les « internés administratifs » à Aincourt en 1940 et 1941 n’ont en effet pas été condamnés : la révision trimestrielle de leurs dossiers est censée pouvoir les remettre en liberté, s’ils se sont « amendés »… Le commissaire Andrey, directeur du camp dont l’anticommunisme est connu, a émis très peu d’avis favorables, même s’il reconnaît la plupart du temps la bonne tenue de l’interné, ce qui est le cas pour Fernand Devaux) le commissaire Andrey, directeur du camp, émet un avis négatif sur une éventuelle libération « À envoyer dans un camp de jeunesse pour le soustraire à l’influence des dirigeants du Parti communiste ».

Au camp de Rouillé. Fernand Devaux est le troisième assis en partant de la gauche

Le 6 septembre 1941, il est transféré avec 147 autres internés d’Aincourt au camp de Rouillé « pour l’ouverture du camp ».
« Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles« . In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.

Le 14 octobre 1941, le directeur du camp de Rouillé demande au Préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé un mois auparavant, dont celui de Fernand Devaux.
Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre.

Rouillé. Exposé des motifs de l’arrestation de Fernand Devaux

Il se souvient de ses dix camarades internés à Rouillé qui sont qui sont fusillés comme otages : le 7 mars 1942 : Huart, Jurquet et Martin, 3 jeunes venant du camp d’Aincourt, le 30 avril 1942 : Bréant, Dejardin, Grinbaum, Pentier, Vedzland et André Giraudon le 5 mai 1942, fusillé au Mont-Valérien (in Rouillé 29 juin 2014. Allocution de Fernand Devaux).

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstallag 122).
Le nom de Fernand Devaux (n° 68 de la liste) y figure. Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (2) qu’il arrive à Royallieu à Compiègne. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
A Compiègne il constitue un « triangle » du Parti communiste clandestin du camp, avec Marcel Boyer d’Ivry et Paul Copin de Vincennes

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Fernand Devaux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45472 ».
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942.et8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dès son arrivée à Auschwitz, il tente de reconstituer un « triangle » avec ses camarades Paul Copin et Marcel Boyer, mais ses camarades meurent très vite, et lui-même se retrouve dans de nombreux Kommandos d’affectation : « Hutta« , Tannerie, Entretien, travaux sur les voies ferrées, désinfection, DAW.
Vers le mois d’avril 1943, il se trouve à l’infirmerie avec Lucien Ducastel, Louis Eudier, Adrien Fontaine et Robert Jarry.
Leur état physique est tel que le nouveau chef de bloc de l’infirmerie, un communiste allemand les cache pendant la séance de « sélection ».
Lire dans le blog Etre « Musulman à Auschwitz I » Fernand Devaux et d’autres « 45 000 » témoignent.
Sorti de l’infirmerie par le chef de Block pour lui éviter une nouvelle séance de sélection, Fernand Devaux retrouve Georges Dudal, Louis Faure, Marcel Guilbert. Trois Luxembourgeois feront partie du groupe qui leur viendra en aide.

La quarantaine d’août 1943 au Block 11  Les « 45000 » au Block 11 – (14 août-12 décembre 1943)  permet
à chacun d’eux de se refaire une santé et d’affronter le long parcours qui leur reste à faire, jusqu’à l’année 1945.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.  Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".  
Gross-Rosen
Flossenbürg

Le 7 septembre 1944, il est transféré à Gross-Rosen (avec un petit groupe de trente «45 000» dont Georges Dudal, puis à Flossenbürg, le 15 février 1945 après quatre jours de voyage en wagons découverts : il est affecté au Kommando d’Hersbrück le même jour (matricule 84 476), Kommando K 11.
Hersbruck est évacué le 8 avril 1945 à pied en 5 colonnes, vers le camp de Dachau où Fernand Devaux est immatriculé le 24 avril 1945 (matricule 160 111).
L’arrivée des troupes américaines et la libération du camp le 29 avril, ne met pas fin à ses épreuves : afin d’échapper à la quarantaine motivée par une épidémie de typhus, Fernand Devaux s’évade de Dachau avec Georges Dudal dans un camion de l’armée française qui les dépose quelques kilomètres plus loin. Marchant le long d’une voie ferrée, ils arrêtent un train (une locomotive et un wagon ) qui les amène à Augsbourg où ils trouvent un centre de rapatriement.
Partis de Dachau le 13 mai ils arrivent à Paris le 19 mai 1945.

1945 : Fernand Devaux (à Gauche) et Georges Dudal au Centre de la Croix rouge de Romilly

Dès le mois d’août, Fernand Devaux reprend son travail à l’usine et ses activités militantes à la CGT et au Parti communiste.

Fernand Devaux épouse Yvonne 
et devient ainsi le beau-frère de son camarade Georges Dudal (ils ont en effet épousé les deux sœurs, Yvonne et Germaine).
Le couple aura deux filles, Régine et Martine.
Il entreprend plus tard des études qui feront de lui un professeur de l’Enseignement technique (PTA).
D’abord homologué « Déporté politique » en 1955, le titre de « Déporté résistant » ne lui est reconnu que dans les années 1980.

Avec trois autres « 45 000 » (Georges Dudal, Lucien Ducastel, André Montagne) il passe de nombreuses journées pour m'aider à comprendre, évaluer, trier parmi les témoignages recueillis. Chacune de ces séances a été pour eux quatre, une douloureuse épreuve leur faisant revivre l’enfer d’Auschwitz.
1992, à Compiègne avec les rescapés du convoi (il est le troisième en partant de la droite).

En 1996, il participe avec ses trois camarades à la création de l’association “Mémoire Vive des convois 31000 et 45000”. Il participe à la création de l’association “Mémoire d’Aincourt”. Il est membre actif de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé-Aincourt.

Il participe à toutes les commémorations et pèlerinages.
La précision de ses récits en fait un témoin de qualité auprès de la jeunesse. Sans se ménager, il répond aux sollicitations des enseignants et des associations et intervient en milieu scolaire).

En 2006, nous parlons, Fernand Devaux et moi, de la déportation à des élèves de troisième au collège Albert Camus de Guingamp (Côtes d’Armor), ville dont nous étions tous deux natifs. Il avait profité de cette conférence pour nous montrer – à mon mari et moi – la maison où il avait habité avec ses parents, frères et sœur à Guingamp.

En 2013, il a 91 ans. Il témoigne à Chaumont (Haute-Marne) devant des lycéens chaumontais, dans le cadre de l’exposition sur « le convoi des 45 000 à Auschwitz-Birkenau« , organisée par l’Association des déportés, fusillés, massacrés, victimes de la barbarie nazie (président Jacky Fréchin) et l’association « Mémoire vive », en partenariat avec l’ONAC et le Club-Mémoires 52, manifestation dont rend compte le journal local (sous la signature de Lionel Fontaine, journaliste et à l’époque président du Club Mémoires 52).
27 hauts marnais faisaient partie de ce convoi : aucun n’est revenu.

Lire également dans notre site son allocution à l’occasion du 70° anniversaire de la libération du camp de Rouillé et du massacre de Vergeton : Rouillé 29 juin 2014. Allocution de Fernand Devaux.

Le décret du 7 novembre 2014 le fait chevalier de la Légion d’honneur.
Une de ses dernières interventions en milieu scolaire  : le 19 janvier 2015, Fernand Devaux est venu au lycée Charles de Gaulle à Compiègne, témoigner devant les élèves dans le cadre du concours de la Résistance et de la Déportation.

Fernand Devaux est décédé le 30 mai 2018 
à l’hôpital de Saint-Lô (Manche). Il était l’avant dernier survivant du convoi. Il avait 96 ans.
On lira sur le site de Beauvais Canopé (ex CRDP/CNDP) plusieurs interviews de Fernand Devaux : La déportation en quelques dates : http://youtu.be/j9kuoyNvq-s.
Une jeunesse française : http://youtu.be/lMIHnLipOHE
La déportation le convoi des 45 000 : http://youtu.be/6j9dLkCYFbo

Le mouvement de la Jeunesse communiste lui a rendu un bel hommage dans « l’Avant-Garde » du 4 juin 2018 : MORT DE FERNAND DEVAUX, JEUNE COMMUNISTE PENDANT LA GUERRE… « Fernand Devaux est décédé le 30 mai 2018 à l’âge de 96 ans. Sa vie, ses combats, auront marqué de très nombreuses personnes. Des milliers et des milliers de jeunes ont appris de Fernand. Fernand était un camarade, un passeur de mémoire, un constructeur d’avenir. Portrait d’une personne en or qu’on aurait aimé être éternel. 4 juin 2018 Gwenn Herbin.

Extrait de l’hommage, de Dachau à son retour en France : « Le 1er mai 1945, une délégation française conduite par Fernand Grenier se rend au camp de Dachau ; ceci permettra à Fernand de faire savoir à sa famille qu’il est encore en vie. Encore en vie, mais toujours pas libre. Les américains mettent sous quarantaine le camp rongé par le typhus. Le 13 mai, Fernand et un de ses camarades, Georges Dudal, s’évadent pour rentrer en France. Ils y arriveront le 19 mai, et seront transférés au Lutetia, où étaient regroupé tous les déporté-e-s. Les camarades qu’ils avaient laissé à Dachau… sont déjà là ! Fernand parlait souvent de se souvenir avec ironie. L’impatience de rentrer, et la crainte de cette nouvelle quarantaine, les ont poussé à rentrer par eux-mêmes mais sont au final arrivés après ceux laissés à Dachau, et avec en prime l’expérience de manger des escargots crus pour survivre à la faim. Le 20 mai 1945, Fernand rentre enfin chez lui, à Saint-Denis, dans sa famille.  Et son histoire ne s’arrête pas là. Dès août, il reprend son travail, son militantisme. Il faut oublier, passer à autre chose, puisque personne ne les croit… Il trouve bientôt l’amour, et s’installe en 1947 à Saint-Ouen (93). Mais revient le temps du besoin mémoriel, de ne pas garder pour soi ce qu’on a subi, ce qu’il en a été. Dénoncer. Ne plus taire, pour que les gens sachent ce qu’est l’horreur du fascisme, et du nazisme. Fin des années 1980, il participe à la rédaction d’un livre retraçant l’histoire du convoi des 45000 (Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, Le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, collection mémoires, Paris 2005, pages 262).
ll participe à la création de l’association “Mémoire d’Aincourt”. Il est membre actif de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé-AincIourt. Il intervient dans de nombreuses écoles, dans de nombreuses conférences. Il fait de nombreux témoignages vidéos, mais aussi papiers. Il initie et fait partie de nombreux voyages mémoriel, que ce soit en Alsace, pour le Strudthoff, ou en Pologne, pour Auschwitz-Birkenau. En juillet 2017, Fernand faisait partie du voyage mémoriel en Pologne dans lequel étaient présent-e-s sept jeunes communistes de Nanterre et Saint-Denis. De Fernand ils en retiennent quelque chose de fort : un résistant de toujours, un remarquable passeur de mémoire, qui a su transmettre avec une grande pédagogie et attention des choses très dures, très violentes, mais nécessaire.
Fernand était de celles et ceux qui faisaient de la mémoire un rouage essentiel à la construction d’une société meilleure. Connaître le passé, pour comprendre le présent, pour construire l’avenir. Plus qu’un camarade, c’est un constructeur d’avenir que nous avons perdu. Nous adressons toutes nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches ».

Fernand Devaux était le parrain des « Sentinelles de la Mémoire » de l’ARMREL (Association de Recherche pour la Mémoire de la Résistance en Eure-et-Loir), qui ont annoncé son décès.

« Témoin infatigable, Fernand n’aura eu de cesse de raconter, non pas son parcours, mais celui de tout ceux qui avaient partagé ses luttes et ses souffrances. Du sanatorium d’Aincourt, près de Mantes, au camp de Rouillé dans la Vienne, de Compiègne-Royallieu à Auschwitz, il aura été jusqu’à la fin une Mémoire Vive. Nous l’avons accompagné à bien des reprises sur ces chemins improbables et
c’est lui qui éclairait nos consciences autant par le verbe que par le silence.
Nous garderons de lui le souvenir, l’image ineffaçable d’une extrême modestie, d’une profonde humanité, d’une amitié sincère et fraternelle. Une page se tourne, il nous appartient de maintenir le livre ouvert ».

Sur le site du Mémorial de Compiègne : « Fernand a été aux côtés du Mémorial de Compiègne à de nombreuses occasions ces dernières années, témoignant inlassablement, en particulier devant les jeunes, de l’enfer de l’internement et de la déportation.  Il a inspiré les « Slameurs de la mémoire » en 2015 pour cette reprise de la chanson de Brel « Ces gens-là ».

In site « Mémoire vive ». Un hommage solennel lui a été rendu à l’initiative de l’association « Mémoire Vive des convois des 45.000 et 31.000 » le 23 juin à la Maison des Métallos à Paris, en présence de ses deux filles et de nombreux amis, dont j’étais.

  • Note 1 : Richard Girardi , ajusteur de Villerupt (Meurthe-et-Moselle) né en février 1921 en Italie, naturalisé français, est décédé le 12 décembre 2018 à 97 ans.
  • Note 2 : Tous les internés et déportés le connaissaient sous ce surnom. Georges Gourdon déporté de l’Oise, lorsqu’il envoya à Roger Arnould une liste des rescapés dont il se souvenait l’avait désigné ainsi  : « Nounours, de Saint-Denis« .
  • Note 3 : D’après les recherches effectuées par M. Lionel Fontaine (ancien président du club Mémoires 52), dans le cadre de son ouvrage à paraitre fin novembre 2024 sur « Fabien dans l’Est », Jules Devaux, fut un militant du PCF et du Front national – alias « Célestin » – durant l’été 1943 dans l’est de la France. « Célestin » devait rencontrer le futur colonel « Fabien » en Haute-Saône avec l’interrégional du FN Marcel Mugnier durant l’été 1943 (cité par Albert Ouzoulias dans « Les Bataillons de la jeunesse »).

Sources 

  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin – Juin 2003 – Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités
  • Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
  • Bureau des archives des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
  • Outre sa participation à l’élaboration de l’histoire du convoi («Mille otages»), il a témoigné dans des publications (« Les barbelés de Vichy », « le camp de Rouillé, réserve d’otages »  Plaquette éditée par l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé), et le bulletin municipal de Saint-Denis.
  • Fernand Devaux (le 26 novembre 1991) a rempli le questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987.

Notice biographique rédigée en janvier 2001, complétée en 2018, 2019 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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