Matricule
« 45 928 »
à Auschwitz Rescapé
Camille Nivault : né en 1906 à Paris 17è ; domicilié à Saint-Ouen (Seine / Seine-St-Denis) ; menuisier STCRP ; communiste ; arrêté le 27 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Buchenwald. Elu conseiller municipal de Saint-Ouen en 1953 ; décédé le 13 décembre 1982 à Gap.
Camille Nivault est né le 3 septembre 1906 au domicile de ses parents, 45, rue de la Jonquière à Paris (17è). Il habite 6, avenue des Marronniers à Saint-Ouen (ancien département de la Seine, aujourd’hui Seine-St-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Anne, Marie, Catherine Heimberger, 32 ans, sans profession et d’Armand, Elisée Nivault, son époux âgé de 29 ans, contrôleur aux Tramways, employé à la STCRP (qui deviendra RATP).
Camille Nivault épouse Suzanne, Germaine Nalis le 24 mai 1930 à Saint-Ouen. Elle est née le 4 mai 1910 à Reims. Camille Nivault est père de deux enfants. Il est d’abord menuisier à la STCRP, puis employé.
Il a été secrétaire des Jeunesses communistes du 17è (rapport de la Sûreté Nationale). Sa femme est adhérente à l’UFF (Union des femmes française). Il est sportif (il joue au handball) et féru d’histoire.
Conscrit de la classe 1926, Camille Nivault est incorporé au 8è régiment du Génie à Tours le 8 novembre 1926. Il effectue un stage de colombophilie au 18è régiment du Génie à Nancy. Il est renvoyé à la vie civile le 16 avril 1928.
Il effectuera les deux périodes de réserve auxquelles il est appelé par l’armée.
En 1933, il s’inscrit sur les listes électorales de Saint-Ouen, domicilié au 6, rue des Maronniers.
Il adhère au Parti communiste en 1938. Après l’interdiction du Parti communiste, il demeure un « communiste notoire » selon la formule policière.
Le 4 septembre 1939 il est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale. Il est affecté au 8è régiment du Génie. Il est possible qu’il ait été rapidement « Affecté spécial » et de ce fait mobilisé sur son poste de travail.
Une perquisition menée par les Renseignements généraux le 7 mars 1940 amène à la découverte du n°1 du « Trait d’Union » s’adressant en particulier aux soldats « et de nature à favoriser les entreprises de l’ennemi » selon les RG. Il est arrêté avec sa femme, mais ils sont relaxés faute de preuves.
Son épouse sera également engagée dans la Résistance (un dossier d’homologation a été déposé à son nom après guerre).
Le 13 juin 1940 l’armée allemande occupe Saint-Denis, puis Saint-Ouen. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Camille Nivault est démobilisé le 17 juillet 1940. A l’automne 1940 des militants communistes de Saint-Ouen diffusent les tracts et journaux du Parti clandestin. Fin octobre 1940, les services de police notent une recrudescence de la propagande communiste et perquisitionnent aux domiciles des communistes connus.
Un rapport de police daté d’octobre 1941 signale que Camille Nivault « n’a cessé de poursuivre une activité révolutionnaire en dépit du décret de dissolution des groupements contrôlés par la IIIème Internationale.« .
Camille Nivault participe de façon effective à la formation de la 5è région Nord du Front National, créé à l’initiative du Parti communiste clandestin. Il transporte et diffuse du matériel de propagande anti-nazie à l’intérieur de son usine, et fait des distributions « massives » de tracts.
Camille Nivault est arrêté le 27 juin 1941 par la police française, en application du décret de novembre 1939.
La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin 1941, mentionne pour Camille Nivault : « Meneur communiste très actif. Ex secrétaire du comité des JC ».
Son arrestation a lieu dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici le Fort de Romainville), ils sont envoyés en vue de leur déportation comme otages, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Camille Nivault est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Camille Nivault est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 928 ». Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Le 13 juillet : Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi. Les autres, dont je suis nous restons à Birkenau où
nous sommes employés pour le terrassement et pour monter des baraques appelées Block. (…) Pierre Monjault.
Compte tenu de son métier de menuisier, Camille Nivault est affecté au camp principal ‘Auschwitz I) au Block 18 A et au Kommando de travail de la D.A.W. (Deutsche Ausrüstungswerke) : Il y travaille avec Robert Lambotte, Charles Limousin, Lucien Penner, Raymond Montégut et Lucien Matte, notamment au démontage des ferrures de ski pour en récupérer le métal.
Il est témoin de l’horreur au quotidien, décrite minutieusement par René Maquenhen (lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz).
A la fin de l’année 1942, ils ne sont plus que 220 survivants et 150 environ en mars 1943 !
Camille Nivault, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments (en application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres). Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Lire dans le site : Le droit d’écrire pour les détenus politiques français.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du site « les 45 000 au block 11.
Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Le 3 août 1944, il est à nouveau placé en “quarantaine”, au Block 10, avec les trois quarts des “45000” d’Auschwitz pour être transférés vers d’autres camps (ce qu’ils ignorent).
Lire dans le site , « les itinéraires suivis par les survivants ».
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Le 23 février 1944, Camille Nivault est transféré avec 3 autres « 45000 » à Buchenwald dans un convoi de détenus travaillant pour la D.A.W. Il est immatriculé à Buchenwald au Block 14 sous le numéro matricule « 34 191 ». Robert Lambotte a le matricule « 34 150 », Raymond Montégut le « 34 162 », et Lucien Penner le « 34 161 ».
Camille Nivault y est apprécié, entre autres par Roger Arnould, qui l’y a connu, comme « un homme calme, bon camarade » et « digne de confiance » : « il était très brun et avait un bon regard ». Alexandre Briand se souvient que Camille Niveau lui avait dit « avoir vu tellement d’actes horribles à l’arrivée des déportés raciaux alors qu’il était chargé du déchargement des wagons à Auschwitz, qu’il s’étonnait qu’on l’ait transféré à Buchenwald » .
Le 26 octobre 1944, Robert Lambotte est transféré à Neuengamme et affecté dans un kommando de la D.A.W., près de Kiel.
Camille Nivault et ses deux camarades restent à Buchenwald, avec d’autres déportés français (Gaston Roger ancien maire de Garges, Roger Arnould, Volat, dont l’épouse Julienne sera la première femme maire d’Achères en 1950, Guerneau de Pont-Labbé,) jusqu’à la libération du camp, le 11 avril 1945.
Camille Nivault fait partie de la Brigade française d’action libératrice du camp de Buchenwald, homologuée du 15 janvier 1945 au 15 avril 1945 (la brigade française a été classée « unité combattante » le 26 novembre 1947 par la commission de l’Etat major général, 3è bureau, n° 10776 bis). Il est affecté au bataillon Saint-Just (commandant Artous, de la Garde républicaine de Paris) à la 3è compagnie (capitaine Dangelle).
Camille Nivault regagne Paris-Orsay le 29 avril. Il souffre de dysenterie grave et chronique dont il ne guérira jamais.
Il est titulaire d’une pension d’invalidité définitive au taux de 100 % + 1.
Il est homologué comme sergent FFI (7 août 1948).
Camille Nivault qui habite Saint-Ouen, boulevard Victor Hugo, est élu conseiller municipal de Saint-Ouen en mai 1953 sur la liste communiste. On le voit sur la photo ci-contre en visite à la colonie de vacances de Chaudon (au château de Mormoulins acheté par la ville de Saint-Ouen en 1947).
A sa retraite, il se retire en Touraine au Bourg à Rivière près de Chinon.
Il milite à la FNDIRP. Lors d’un Comité national de la FNDIRP se tenant à Valence, il cherche à avoir une dédicace du livre « Les témoins de la nuit » de Roger Arnould… Demande que Roger Arnould ne trouvera que plus tard. Il demandera alors à Marceau Lannoy, qui habite Chinon, de rechercher Camille Nivault, qu’il écrit Niveau.
Comme de nombreux déportés, Camille Nivault n’a jamais vraiment parlé de sa déportation à sa famille.
Il est homologué « Déporté politique » le 4 décembre 1953.
Il est titulaire de la Croix du combattant volontaire de la Résistance (16/12/1960), de la Croix du combattant volontaire 1939-1945 (4/05/1963) et de la Croix du combattant.
Camille Nivault est décédé à Gap (Hautes Alpes), le 13 décembre 1982. Depuis son retour des camps, il aura souffert de dysenterie jusqu’à sa mort.
Sources
- Rapport de la Sûreté Nationale octobre 1941.
- Homologation comme sergent FFI (7 août 1948).
- Certificat d’appartenance au Front National.
- Témoignages de Roger Arnould, d’Alexandre Briand ( « d’un très grand calme »), et de Roger Gaston (élu communiste après la Libération).
- Mairie du 17°, archives consultées le 9 mars 1994.
- Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste des militants communistes internés le 27 juin 1941.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC) consulté en novembre 1993.
- Le Trait d’Union. In © BNF Gallica
- © Documents et photos transmis par son fils P. Nivault en 2010. Il est né le premier décembre 1948.
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com