Matricule « 46 253 » à Auschwitz
Marcel Nouvian : né en 1918 à Aubervilliers (Seine) où il est domicilié : modeleur-mécanicien ; communiste ; arrêté le 26 octobre 1940, condamné à 8 mois de prison (Santé), interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 14 janvier 1943.
Marcel Nouvian est né le 24 août 1918 à Aubervilliers (Seine / Seine-Saint-Denis), chez ses parents.
Il habite au 19, rue Hemet à Aubervilliers au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Hélène Beaurain, 20 ans et de Lucien Nouvian, 25 ans, plombier, son époux. Marcel Nouvian est modeleur-mécanicien.
Marcel Nouvian épouse à Aubervilliers le 12 septembre 1936, Louise Michon (*), une journalière née le 12 septembre 1918 à Paris 11è.
Le couple a trois enfants : Odette, qui naît le 22 février 1937, Monique, le 17 mars 1940, et André le 17 juin 1941.
En 1936, Marcel Nouvian travaille chez Bordes à Saint-Ouen.
Militant du Parti communiste, il participe aux grèves de 1936.
Conscrit de la classe 1938, il est réformé lors de son appel sous les drapeaux. Lors de la mobilisation générale de 1939, il travaille aux établissements Roche Aviation, à la Courneuve. Il y est vraisemblablement « affecté spécial » à son poste de travail lors de la mobilisation générale de 1939.
A 4 heures du matin le 14 juin 1940, l’armée allemande entre dans Aubervilliers.
Dès son arrivée, l’armée allemande prend possession de plusieurs entreprises. Ci-contre l’usine Quervel, 35, rue du Port, qui produisait de l’huile moteur essentielle pour les camions, chars et autres engins de l’armée du IIIè Reich. Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
A Aubervilliers, entre les mois de février et d’octobre 1940 la police procède à l’arrestation de personnes à qui l’on reproche une activité de propagande communiste. Emile Plas, Charles et Jeannie Jutteau, Eugène Cas, Baptiste Réchossière, Raoul Gosset, Marcel Nouvian, Pierre Prual, vont être inculpés et emprisonnés sous ce motif.
Le 24 ou le 26 octobre 1940 (la date est surchargée au DAVCC) Marcel Nouvian, qui est un des organisateurs de la propagande clandestine communiste à Aubervilliers, est arrêté par les hommes du commissaire Betsen (1). Inculpé d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939», il est placé sous mandat de dépôt à disposition du Procureur.
Il comparait le 28 octobre 1941, devant la 12ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine. Il est condamné à 8 mois de prison qu’il va effectuer à la Maison centrale de Poissy.
Depuis le 21 mai 1941, le directeur de la Centrale de Poissy transmet au Préfet de Seine-et-Oise, « en exécution des notes préfectorales des 14 novembre 1940 et 18 février 1941 », des dossiers de détenus communistes de la Seine devant être libérés à l’expiration de leur peine au cours des mois suivants.
Celui de Marcel Nouvian est envoyé aux Renseignements généraux via le Préfet de police de Paris.
Comme Marcel Nouvian est jugé être un « militant communiste très actif » par les RG, son sort est scellé et à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le Préfet de police de Paris, François Bard, ordonne donc son internement administratif en application du décret du 18 novembre 1939 et de la loi du 3 septembre 1940 (1).
Le document ci-contre, daté du 19 juin 1941 est un des seuls arrêtés dont nous ayons pu avoir connaissance aux Archives de la Préfecture de Police.
Mais comme le « Centre de Séjour surveillé » d’Aincourt – ouvert spécialement pour interner les communistes – est complètement saturé à cette époque, le Préfet demande au directeur de Poissy que Marcel Nouvian soit « interné à sa sortie de Poissy dans cet établissement, en attente qu’une place soit disponible à Aincourt ».
François Dallet, Georges Deschamps, Albert Faugeron, Raymond Langlois, Pierre Marin, Marcel Nouvian, Eugène Thédé (…) seront concernés par cette même disposition.
Le Centre d’Internement Administratif de Rouillé ayant été ouvert en septembre 1941, c’est finalement vers celui-ci qu’ils vont être transférés.
Lire dans ce site : le camp de Rouillé .
Marcel Nouvian est alors écroué au Dépôt en attente de son transfert. Celui-ci a lieu le 28 novembre 1941 pour le camp de Rouillé (3).
Marcel Nouvian et sept de ses co-détenus (2) de Poissy sont internés le 28 novembre.
Le 18 mars 1942, il fait partie du petit groupe de 15 communistes âgés de 21 à 35 ans internés au camp de Rouillé qui – à la demande des autorités allemandes – sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation
comme otages. A Compiègne, Marcel Nouvian reçoit le numéro matricule « 3797 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Son épouse effectue en vain des démarches auprès de la Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés afin d’obtenir des nouvelles de son mari (il y a mention d’un dossier dit de Brinon (4) au DAVCC).
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Nouvian est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Marcel Nouvian est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «46 253» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Marcel Nouvian reste à Birkenau. Son nom est mentionné à plusieurs reprises, notamment le 13 novembre 1942, dans les registres de l’infirmerie de Birkenau (relevé au cours d’un pèlerinage par André Montagne).
Marcel Nouvian meurt à Auschwitz le 14 janvier 1943 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 868 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « glaubenslos » (sans religion, athée).
Après-guerre, Marceau Lannoy, seul rescapé Albertivillarien du convoi, atteste de son décès à Auschwitz, qu’il pense être fin 1942. Le témoignage de son compagnon de déportation a incité le Ministère à inscrire un mois probable de décès « mort le 31 décembre 1942 à Auschwitz » sur son acte de décès le 14 mai 1946.
Un arrêté ministériel du 3 juillet 1995 paru au Journal Officiel du 18 août 1995 porte apposition de la mention «Mort en
déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs et reprend la date fictive du 31 décembre 1942 à Auschwitz.
Il serait
souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le blog l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Lire dans le site : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Marcel Nouvian a été déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique » le 15 juillet 1954 (n° 14117).
La demande d’homologation comme Déporté résistant déposée par Mme Louise Nouvian a été rejetée (Tampon DR inadmis n° 11505).
Lire dans le site « La carte de « Déporté-Résistant »).
La carte de « Déporté politique » a été délivrée à Mme Louise Labergris, domiciliée à Aubervilliers (elle s’est remariée le 18 janvier 1947).
Le nom de Marcel Nouvian, inscrit sur le monument aux morts de la commune a été honoré le 17 décembre 1961 par la municipalité.
Une allée de la Cité Gabriel Péri porte son nom.
- (*) : pas d’erreur dans la date et le jour du mariage et la date et le jour de naissance de l’épouse.
- Note 1: « Ces policiers appartenaient à ce que l’on appelait alors à Aubervilliers « la brigade politique ». Cette brigade placée sous le commandement du commissaire Georges Betchen groupait 12 membres. Cet effectif doit être rapporté à celui du commissariat qui s’élevait à 225 hommes, ce qui est très important, mais il faut le rappeler le commissariat couvrait les territoires d’Aubervilliers, de La Courneuve et du Bourget. Statistiques de la « brigade politique » du commissariat ’Aubervilliers pour la période octobre 1940-décembre 1941 : 18 personnes inculpées pour propagande gaulliste, 22 pour reconstitution du Parti communiste ; 81 pour propagande communiste ; 1334 arrestations de suspects ; 465 visites domiciliaires ; 44 arrestations en vue d’internement administratif ; constitution d’un fichier de 2139 personnes avec 124 photographies ; constitution d’un fichier d’israélites ». « Georges Betchen sera, à la Libération, condamné à vingt ans de travaux forcés ». Jacques James / André Narritsens / Bernard Orantin In © Blog du PCF d’Aubervilliers, 24 octobre 2010.
- Note 2 : Six d’entre eux seront déportés à Auschwitz : François Dallet, Albert Faugeron, Raymond Langlois, Pierre Marin, Antoine Ossott d’Aubervilliers et Eugène Thédé. Le septième est Georges Deschamps.
- Note 3 : Il s’agit de Marcel Algret, Maurice Alexis, Henri André, Jean Bach, Roger Desjameau, Louis Faure, René Faure, André Giraudon,
Georges Guinchan, Faustin Jouy, René Louis, Henri Migdal, Marcel Nouvian, René Tessier, Jean Valentin : tous sont déportés à Auschwitz sauf Jean Valentin qui est déporté en 1944 à Buchenwald, où il meurt. André Giraudon, de Bourges, est fusillé dans la forêt deCompiègne le 10 mai 1942. - Note 4 : Fernand Brinon (dit marquis de Brinon) représente le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation. Il est nommé le 5 novembre 1940 ambassadeur de France auprès des Allemands, puis le 17 novembre suivant «délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés». Il a été le destinataire des démarches des familles de « 45000 » qui cherchent à obtenir des informations sur le sort de leur déporté.
Sources
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle microfilmée consultée en octobre 1993. Photo d’identité dans le dossier.
- Claudine Cardon-Hamet, notice pour le 60è anniversaire du départ du convoi des 45 000, brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, page 22.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Archives départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine.
- Camp de Séjour Surveillé de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
- Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (BAVCC).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Krankenbau Birkenau Medikamenten Verbrauch Vom 1.11.1942 bis 15.7.1943Livre des déportés
ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz (n° d’ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 15.07.1943. Relevé André Montagne. - Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet MemorialGenWeb.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, cartons occupation allemande, Carnet B, BA
1774. - © Bulletin de l’Amicale Châteaubriant, Rouillé, Voves. Maquette du CSS Rouillé, œuvre de Camille Brunier, ancien Résistant, ancien menuisier, professeur d’atelier au Lycée de Vonours. et https://www.vrid-memorial.com/le-camp-dinternement-de-rouille-vienne/
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique notice rédigée pour le 60è anniversaire du départ du convoi des 45 000, brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 ( 2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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