Réponse des RG concernant Maurice Rat au commandant du CSS d’Aincourt
Maurice Rat : né en 1897 à Biaches (Somme) ; domicilié à Aubervilliers (Seine) ; chauffeur poids lourds ; communiste ; arrêté le 6 décembre 1940  ; interné à la caserne des Tourreles, aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 21 août 1942.

Clément, Arsène dit Maurice Rat naît le 23 août 1897 à Biaches (Somme). Il habite au 22, impasse du Pont Blanc à Aubervilliers (Seine / Seine-Saint-Denis) au moment de son arrestation. Il est le fils d’Adèle Auculi (sic) Belaire, 27 ans, journalière et d’Arthur, Ovide Rat, 31 ans, journalier, son époux. Il a six sœurs et frères : Fernand, né en 1892, Alexandre Octave, né en 1893 (soldat décédé à Saint-Dié en 1914), Marguerite Angèle, née en 1896, Clémentine, née en 1903, Léa (1910), Firmine (1914).

Son registre matricule militaire indique qu’il habite à Rougnat (Creuse) au moment du conseil de révision et travaille comme mécanicien. Il sera plus tard chauffeur-générateur au Gaz de Paris. Il mesure 1m 73, a les cheveux châtains très clairs, les yeux gris, le front large, et le nez un peu fort. Il a un
niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1917, il est mobilisé par anticipation le 7 janvier 1916, (tous les jeunes hommes de sa classe sont mobilisés un an à l’avance). Il affecté le 10 janvier 1916 au 45è Régiment d’infanterie pour y suivre l’instruction. Après ses classes, il passe au 62è Régiment d’infanterie le 11 octobre 1916. Il est évacué le 10 avril 1917 vers l’hôpital temporaire n° 16 de Compiègne pour grippe (il s’agit de la grippe saisonnière H1N8, qui évolue en une souche H1N1 et sera à l’origine de la terrible épidémie de grippe espagnole qui fit des centaines de milliers de morts – 165.000 en France). Il sort de l’hôpital le 10 mai. Envoyé en convalescence, il rejoint le corps le 3 juin 1917.

Croix de guerre avec étoile d’argent (citation ordre division)

Il est cité à l’ordre de la 18è Division (O/J n° 225) le 22 mai 1918 pour des actes ayant eu lieu dans le secteur du Chemin des Dames : « fantassin d’élite d’une grande bravoure. Son char ayant été entouré et pris par les allemands au cours de l’attaque du 18 avril 1918, a fait l’impossible pour tenter de le délivrer. N’ayant pu y réussir, a rejoint un autre char où il ne restait qu’un seul homme d’élite ». Il a reçu la Croix de guerre avec deux citations.
Il passe au 16è régiment de tirailleurs algériens le 16 mai 1919. Il est nommé sergent le 16 mars 1919. Il est démobilisé le 5 septembre 1919 par le dépôt démobilisateur du 1er régiment de Zouaves, certificat de bonne conduite accordé ».
Dans la Réserve de l’armée active, il aura des affectations successives dans le cadre du plan A.
Maurice Rat « se retire » à Paris 19è au 155, rue de Flandre à Aubervilliers, chez ses parents et va alors habiter la région parisienne.

Maurice Rat épouse à Aubervilliers le 24 janvier 1920
Charlotte Mallet. Elle est née le 7 septembre 1901 à Paris 10è.
Elle est sans profession au moment du mariage, domiciliée chez ses parents au 65, rue du Vivier. Elle sera femme de ménage, puis allumettière à la fabrique Delabarre, au lieu-dit La Motte, rue du Vivier à Aubervilliers (l’actuelle rue Henri-Barbusse).
Le 23 février 1920, le couple habite au 65, rue du Vivier à Aubervilliers. En mai 1921, ils déménagent au 53, rue des Cités.
Ils ont un garçon, Marcel, qui naît à Aubervilliers le 17 octobre 1921 (en 1936, Marcel est tôlier, puis sera ajusteur en 1946).
En 1924, Maurice Rat s’inscrit sur les listes électorales d’Aubervilliers.
Le 6 novembre 1931 ils ont déménagé au 22, impasse du Pont Blanc, toujours à Aubervilliers, où il sera domicilié jusqu’à son arrestation.
Maurice Rat est chauffeur poids lourds (selon le DAVCC) à la Société du Gaz (usine de la Villette à Paris 19ème). Il est adhérent au syndicat CGTU des gaziers (producteurs et distributeurs d’énergie électrique de la Région parisienne).
Au recensement de 1936, il habite au 22, impasse du Pont-Blanc à Aubervilliers (profession indiquée : gazier. Profession de son épouse : femme de ménage).
Maurice Rat est membre du Parti communiste (les Renseignements généraux le qualifieront en 1940 de « meneur communiste actif, principal animateur de la propagande communiste auprès du personnel de la Compagnie du Gaz ».
En octobre 1938, il est affecté dans la réserve de l’armée « dans sa subdivision de domicile » comme employé de la société du gaz de Paris.
Après la déclaration de guerre, il est mobilisé – comme réserviste – d’avril 1940 au mois d’août dans l’aviation à La Rochelle (cette affectation dans une autre arme est peut-être due au fait qu’il a pu être membre de l’aéro-club d’Aubervilliers).

A 4 heures du matin le 14 juin 1940, l’armée allemande entre dans Aubervilliers.
Dès son arrivée, l’armée allemande prend possession de plusieurs entreprises. Par exemple à l’usine Quervel, 35, rue du Port, qui produisait de l’huile moteur essentielle pour les camions, chars et autres engins de l’armée du IIIè Reich.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Liste manuscrite des fonctionnaires arrêtés le 6 / 12/ 1940 (montage Pierre Cardon)

Maurice Rat est arrêté le 6 décembre 1940 par les hommes du commissaire Betchen (1) d’Aubervilliers dans le cadre d’une rafle qui concerne 58 responsables communistes et syndicalistes de la région parisienne. Hilaire Sartorio, un autre gazier parisien qui sera déporté en
même temps que lui, est arrêté le même jour.

D’abord conduit à la caserne des Tourelles (boulevard Mortier à Paris 20ème) Maurice Rat est interné administrativement avec 57 autres militants au camp de « Séjour surveillé » d’Aincourt, ouvert le 5 octobre 1940 par le gouvernement de Vichy pour y enfermer les communistes du département de la Seine. Lire dans ce site Le camp d’Aincourt .
Sur la liste « des militants communistes internés le 6 décembre 1940» reçue des Renseignement généraux par le directeur du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement (C 331/7).

Liste dactylographiée des fonctionnaires arrêtés le 6 / 12/ 1940

Pour Maurice Rat on lit : «meneur communiste actif, principal animateur de la propagande communiste auprès du personnel de la Compagnie du Gaz».
Le directeur reçoit une mention identique pour Hilaire Sartorio, qui est de plus présenté comme ami personnel de Corentin Cariou.

Le 6 septembre 1941, Maurice Rat est transféré au Centre de Séjour Surveillé de Rouillé pour l’ouverture de ce camp, avec 149 autres internés d’Aincourt.
Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎
Le 14 octobre, le directeur du camp demande au Préfet de la Seine les dossiers des internés arrivés à Rouillé 4 mois auparavant, dont celui
de Maurice Rat. Ces dossiers lui sont envoyés par les Renseignements généraux le 28 octobre 1941 : la note concernant Maurice Rat est identique à celle communiquée au directeur d’Aincourt.

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom de Maurice Rat (n° 153 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (2) qu’il arrive  à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Maurice Rat est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

 Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 46 193 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Maurice Rat meurt à Auschwitz le 21 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 3 page 986 et le site internet©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieu de naissance (Biacher) et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).

Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Un arrêté ministériel du 2/12/1996 paru au Journal Officiel du 19/02/1997 porte apposition de la mention «Mort en
déportation
» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Cet arrêté qui corrige le précédent qui indiquait mort
le 6 juillet 1942 à Compiègne
mentionne néanmoins encore une date erronée : décédé le 11 juillet 1942 à Auschwitz, soient les 5 jours prévus par les textes en cas d’incertitude quant à la date réelle de décès à Auschwitz. Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

  • Note 1: « Ces policiers appartenaient à ce que l’on appelait alors à Aubervilliers « la brigade politique ». Cette brigade placée sous le commandement du commissaire Georges Betchen groupait 12 membres. Cet effectif doit être rapporté à celui du commissariat qui s’élevait à 225 hommes, ce qui est très important, mais il faut le rappeler le commissariat couvrait les territoires d’Aubervilliers, de La Courneuve et du Bourget. Statistiques de la « brigade politique » du commissariat ’Aubervilliers pour la période octobre 1940-décembre 1941 : 18 personnes inculpées pour propagande gaulliste, 22 pour reconstitution du Parti communiste ; 81 pour  propagande communiste ; 1334 arrestations de suspects ; 465 visites domiciliaires ; 44 arrestations en vue d’internement administratif ; constitution d’un fichier de 2139 personnes avec 124 photographies ; constitution d’un fichier d’israélites ». « Georges Betchen sera, à la Libération, condamné à vingt ans de travaux forcés ». Jacques James / André Narritsens / Bernard Orantin In © Blog du PCF d’Aubervilliers, 24 octobre 2010.
  • Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François,
    Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit
    libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Mairie d’Aubervilliers, communications de M. Dabin, archiviste (juin 1990). Recensements de 1936 et 1946, listes électorales de 1939.
  • Archives en ligne de la Somme, tables décennales.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 par André Montagne.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp d’internement des communistes en zone occupée. dir. C. Laporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Archives du CSS d’Aincourt, Archives départementales des Yvelines, cotes 1W. Dossier individuel.
  • Camp de Séjour Surveillé de Rouillé : archives départementales de la Vienne.
  • Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Archives du CSS d’Aincourt aux Archives départementales des Yvelines, cotes W
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • ©Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique notice rédigée pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014,  2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005).  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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