Matricule 45.307 à Auschwitz

Georges Brunet : né en 1897 à Paris (14ème) ; domicilié à Arcueil (Seine / Val-de-Marne) ; brocheur ; CGT, communiste ; arrêté le 29 mai 1941, condamné à 6 mois de prison (Fresnes, Poissy) ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Georges Brunet est né le 30 juillet 1897 à Paris (14ème) au domicile de ses parents, 156, rue de Vanves.  Il habite au 43, rue Voltaire à Arcueil (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation. Il est le fils de Jeanne, Julie Lacoste, 28 ans, brocheuse et d’Emile, Dominique Brunet, 32 ans, lamineur, son époux. Il a un frère aîné, Ernest, né en 1893.
Conscrit de la classe 1917, il est mobilisé par anticipation en 1916, comme tous les jeunes hommes de sa classe, dans le cadre de la Loi de
mobilisation générale du 1er août 1914. Il est blessé deux fois, intoxiqué par les gaz. Il reçoit la croix de guerre.

Le 10 juillet 1920, il épouse Jeanne, Marie Conseil à Arcueil.  Née le 28 mai 1903 elle aussi à Paris 14ème, elle est également brocheuse. L’année de leur mariage, le couple s’installe au 8, passage de la Tour de Vanves dans ce même arrondissement.
Le couple aura deux fils : Georges, né le 11 septembre 1921, et Fernand, né le 21 octobre 1922, tous deux à Paris 14ème.
Georges Brunet travaille comme brocheur dans une imprimerie du labeur et il est adhérent au syndicat du Livre et du Papier (labeur).

Le 12 février 1934, jour de la grande manifestation antifasciste place de la République à l’appel du PCF et de la CGT-U, le couple est dénoncé comme
un « ménage de révolutionnaires » par une lettre anonyme adressée au commissariat du quartier Plaisance. Le rapport des Renseignements généraux qui suit cette dénonciation indique que Georges Brunet, alors au chômage, « ne reçoit aucune visite à son domicile et son courrier ne se compose que de quelques lettres de famille et de journaux corporatifs ». Il serait alors adhérent au Parti communiste, membre du rayon du 14ème arrondissement,
assistant « régulièrement aux réunions et manifestations, faisant volontiers étalage de ses opinions révolutionnaires ».
En 1936, il est adhérent aux « Amis de l’URSS ».
À partir de la mi-juillet 1938 et jusqu’à son arrestation, Georges Brunet et sa famille déménagent au 43, rue Voltaire à Arcueil (une courette à l’arrière du n° 45). Il s’inscrit sur les listes électorales de la ville en 1939.

Le  213ème  veille

Avec la déclaration de guerre du 3 septembre 1939, il est à nouveau mobilisable. Père de deux enfants, il fait valoir ses droits et  « passe » de la classe de mobilisation de 1917 à celle de 1913 en vertu de la Loi du 31 mars 1928 (2 ans de moins par enfant en cas de mobilisation générale). Il est néanmoins mobilisé en 1940 au 213ème Régiment régional à Paris, caserne Latour-Maubourg. Les unités combattantes se replient avec l’Armée de Paris en compagnie des 212ème 214ème  215ème  Régiments régionaux après le 25 juin.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.  Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Pendant l’Occupation, Georges Brunet, qui travaille alors comme forain, participe à la confection de matériels de propagande du Parti communiste clandestin.
Il est arrêté le 29 mai 1941 dans le cadre d’une rafle qui concerne treize anciens militants communistes suspectés de fabrication et diffusion de tracts communistes (on trouve la date du 27 mai au DAVCC, mais celle du 29 mai figure dans les registres de la Préfecture de police de Paris).

Edition du 3ème trimestre 1940

Le 29 mai 1941, à 20 heures, deux inspecteurs de la première section des Renseignement généraux de la préfecture de police se rendent chez Georges Brunet, au 43, rue Voltaire, afin d’y effectuer une perquisition. Dans un placard de la cuisine, ils trouvent six tracts récents intitulés “À la porte les incapables” et deux numéros de L’Humanité clandestine, dans la table de nuit, un autre numéro de L’Humanité et deux autres tracts, un exemplaire des Cahiers du Bolchevisme du 3ème trimestre 1940 dans le buffet de la salle à manger, ainsi que d’autres brochures antérieures à l’interdiction du Parti communiste dans l’armoire de la chambre.
Georges Brunet est appréhendé et conduit à la préfecture de police.
Interrogé, il déclare n’avoir reçu ces documents que pour sa lecture personnelle, sans avoir cherché à étendre leur diffusion. Au cours des perquisitions effectuées au domicile de certains d’entre eux, il a été trouvé 30.000 cartes à l’adresse de Brinon (1), 10.000 papillons et 5000 tracts intitulés « Au secours de nos emprisonnés. Le scandale du camp d’Aincourt ou comment M. Chevalier s’érige en bourreau des travailleurs ». Lire dans le site Le
camp d’Aincourt
.

Tract aux habitants de Seine-et-Oise

Il s’agit d’un tract destiné aux habitants des communes de
la petite couronne parisienne en Seine-et-Oise : il fait référence à la rafle de plus de 300 militants parisiens et de Seine-et-Oise au début d’octobre 1940 décidée par le ministre de l’intérieur de Vichy, Marcel Peyrouton, qui devant la recrudescence de l’activité communiste a pris la décision de faire interner les militants communistes connus et jugés particulièrement actifs. Le préfet de Seine-et-Oise, Marc Chevallier, a exécuté une rafle identique à celle de son homologue parisien dans son département. Il a en outre adressé des menaces aux « fauteurs de trouble » (cf. l’avis ci-dessous).

Le 30 mai, le commissaire Cougoule inculpe Georges Brunet d’infraction au décret du 26 septembre 1939 et le conduire au Dépôt, à la disposition du Procureur de la République en attente de son jugement. (une note du 30 octobre 1941 indiquera que Georges Brunet a également été arrêté « pour s’être livré au transport de papier destiné à l’impression de tracts »).

Le procès a lieu le 11 août 1941 devant la 14ème chambre du tribunal correctionnel de la Seine qui condamne Georges Brunet à six mois de prison. Le 22 août 1941, il est transféré et écroué à la Maison d’arrêt de Fresnes. Le 28 août il est transféré et écroué à la Maison centrale de Poissy.

Avis à la population de Seine et Oise

A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, il n’est pas libéré et le Préfet de police de Paris ordonne le 15 octobre 1941 son internement administratif en application de la loi du 3 septembre 1940 (2). En attente de
son transfert, il est maintenu au Dépôt de la Préfecture.

Le 10 novembre 1941, Georges Brunet est interné administrativement au camp de Rouillé (3) dans la Vienne, avec un groupe de 57 autres militants communistes parisiens. Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎

Liste du camp de Rouillé (montage)

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom de Georges Brunet (n° 40 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (4) qu’il arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Georges Brunet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Georges Brunet est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45307 » selon la liste par matricules du convoi établie en
1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Travaillant dans l’imprimerie il est ramené à Auschwitz, au Block 16 et vraisemblablement affecté au Kommando Drukerei (imprimerie). Rapidement malade, très affaibli, il est envoyé à l’infirmerie.

Dessin de Franz Reisz

Georges Brunet meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 139). Selon l’acte de décès n° 31674, il est mort des suites d’une « maladie du cœur et caillot sanguin ».
Mais il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18
et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail,
opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

Après la guerre, l’état civil français n’ayant pas eu connaissance de ces registres, fixe la date de son décès au 15 janvier 1943 sur la base du témoignage (plus ou moins précis) de deux de ses compagnons de déportation. Sur décision du procureur de la République le 9 mai 1994, un arrêté (n°94-3882/B/TC) rectifie cette date et établit son décès à Auschwitz à la date du 18 septembre 1942.

Stèle des déportés d’Arcueil

Georges Brunet est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL).
Cf. service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 94946.

Son nom est honoré sur la stèle des déportés, en « hommage aux victimes de la Seconde guerre mondiale (1939-1945) » d’Arcueil.

  • 30.000 cartes en blanc de ce type sont saisies

    Note 1 : Fernand Brinon (dit marquis de Brinon) représente le gouvernement français auprès du Haut-Commandement allemand dans le Paris de l’Occupation. Il est nommé le 5 novembre 1940 ambassadeur de France auprès des Allemands, puis le 17 novembre suivant «délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés». Il a été le destinataire des démarches des familles de « 45000 » qui cherchent à obtenir des informations sur le sort de leur déporté.

  • Note 2 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au
    camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. /
    In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 4 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Archives en ligne de Paris.
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 et liste des décès au camp d’Auschwitz établie par la mission néerlandaise de recherche.
  • Carton Brigades Spéciales des Renseignements généraux (BS1), aux Archives de la Préfecture de police de Paris. Procès-verbaux des interrogatoires.
  • Liste des militants communistes internés administrativement au CSS de Rouillé le 10 novembre 1941.Archives de la police /C – 331 – 24.
  • Liste du 22 mai 1942, liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne (Centre de Documentation Juive Contemporaine XLI-42).
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre).
  • Liste – incomplète – du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (archives des ACVG).
  • Death Books from Auschwitz(Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat (polonais) d’Auschwitz-Birkenau en 1995.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Registres matricules militaires de la Seine.
  • Monument aux morts d’Arcueil, Genweb / © Laetitia Philippi.

Notice biographique mise en ligne en 2013, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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