René Louis © Albert Giry
René Louis : né à Paris 12è ; domicilié à Romainville (Seine / Seine-Saint-Denis); livreur ; jeune communiste ; arrêté le 17 septembre 1940 ; condamné à 8 mois de prison, commués en 6 mois ; interné aux camps d’Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt dans les premiers mois.

René Louis est né le 16 juillet 1920 à Paris 12è.  Il habite chez ses parents au 109, rue Jean Jaurès à Romainville (Seine / Seine-Saint-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Lucie Dunan, mécanicienne, et de François Louis, 23 ans, né le 28 septembre 1896 emballeur, son époux. Il a un frère, Raymond. La famille est domiciliée au 6, rue Gustave Lepeu à Paris (dans la rue adjacente, 13, passage Emile Lepeu, habite Félix Néel, qui sera arrêté à Romainville en même temps que lui). Son père a été intoxiqué par les gaz de combat en 1917.
En 1928, la famille habite au 81, rue Jean Jaurès, à Romainville, son père est cocher livreur.
René Louis travaille passage Saint Sébastien, à Paris 11è. Puis il est livreur chez Levy, fabricant de chapeaux, rue du 4 septembre à Paris 1er.
René Louis est secrétaire des Jeunesses communistes de Romainville.

Dès le début de la guerre, il fait partie, avec Félix Néel, d’un groupe de romanvillois (1), créé à l’initiative d’Eugène Ducret, ouvrier soudeur, militant syndicaliste et communiste qui habite au 33, rue de la Fraternité. « Ils assurent l’impression et la diffusion de journaux et de tracts clandestins dans le nord de l’actuelle Seine Saint Denis » (Jacques Fath).

Jusqu’au 10 juin 1940 des troupes françaises (le 401è régiment d’artillerie de défense anti-aérienne), occupent le Fort de Romainville, qu’elles quittent sans combattre. Un détachement de la Luftwaffe l’occupe alors. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Pantin. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En octobre 1940, le MBF, Commandement militaire allemand installé à Paris, décide de faire du Fort de Romainville un camp d’internement. Les détenus sont officiellement enregistrés à partir du 1er novembre 1940. 3900 femmes et 3100 hommes y furent internés avant d’être déportés. ( 40% de toutes les Résistantes françaises seront internées au Fort de Romainville avant leur déportation).
Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre (JC et PCF).

René Louis est arrêté le 17 septembre 1940 (2) à son travail par la police française pour « activité communiste » (sur délation, selon l’indication portée sur sa fiche au DAVCC). Selon son père, 6 autres militants sont arrêtés avec lui, dont Bonnisol et Marcel Leclercq (toutefois nous savons que la date d’arrestation de celui-ci est antérieure).
René Louis est inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939. Conduit à la Santé le 19 septembre 1940, il est remis aux autorités allemandes le 20 septembre et sans doute incarcéré dans le quartier allemand. Le 22 octobre 1940, il est placé sous mandat de dépôt en attente de jugement. Le 8 février 1941 René Louis est jugé par la 15è chambre correctionnelle de Paris avec une cinquantaine de militants communistes (dont 16 seront déportés avec lui à Auschwitz). Il est condamné à 8 mois de prison.

Michel Rolnikas

Il est incarcéré à la Conciergerie durant un mois après le verdict. Son avocat, maître Michel Ronikas, un avocat communiste qui sera interné en juin 1940 à Compiègne et fusillé par les nazis le 20 septembre 1941, lui recommande de faire appel du
jugement. Sa peine est commuée à 6 mois, le 9 avril 1941.
Le préfet de police de Paris ordonne l’internement administratif (3) de René Louis, dossier 69.970, le 18 mars 1941.

Montage photo : liste des communistes internés à Aincourt le 18 mars 1941

Le 18 mars 1941, il est transféré au camp de « Séjour surveillé » d’Aincourt. Lire dans le site Le camp d’Aincourt.

Le 6 septembre 1941 René Louis est transféré au CIA de Rouillé  avec 148 ou 149 autres internés d’Aincourt, à l’occasion de l’ouverture de ce camp. Le 14 octobre 1941 le commandant du Centre d’Internement Administratif de Rouillé s’adresse au Préfet de la Seine pour obtenir des informations concernant les 149 internés provenant d’Aincourt et arrivés à Rouillé le 6 septembre (doc C-331.24).
Lire dans ce site :  le camp de Rouillé ‎

Le 28 octobre le 1er bureau des RG renvoie une liste avec les motifs d’internement.
Pour René Louis, on peut lire : « Meneur
communiste particulièrement actif. A été condamné le 9.2.1941 à 8 mois de prison pour infraction au décret du 26.9.1939 ».

Le 18 mars 1942, il fait partie du petit groupe de 15 jeunes communistes du camp de Rouillé qui – à la demande des autorités allemandes – sont transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otage (5).
A Compiègne, René Louis reçoit le matricule n° 3800. Il est affecté au Bâtiment A2.

Comité des loisirs, son nom est mentionné en haut du document
Le Frontstalag 122

Jeune militant, interné depuis plus de 18 mois dans les prisons et camps français, il est rapidement associé aux activités du Comité des loisirs, comme en témoigne le compte rendu du comité du 29 avril 1942 rédigé par Guy Lecrux, où son nom est mentionné dans le comité d’organisation : il est chargé avec Gillot de l’organisation pratique de la fête du bâtiment, le 6 mai.
Lire dans le site l’importance de cette organisation dans la vie des internés : Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Louis est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.  Le numéro « 46249 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. Par ailleurs, la photo portant ce numéro n’a pas été retrouvée, rendant impossible une comparaison avec la photo d’archives.

Entrée du camp principal  d’Auschwitz

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, ni sa date de décès. Mais selon Henri Gorgue, rescapé d’Auschwitz qui habitait Romainville et le connaissait bien, a témoigné à son retour des camps que René Louis est mort « dans les premiers mois de notre arrivée ».

Plaque au 25 rue Voltaire

Le ministère des Anciens combattants a fixé fictivement sa date de décès au 15 septembre 1942, sur la base du témoignage de ses compagnons de déportation. L’arrêté du 28 août 2008 paru au Journal Officiel du 3 septembre 2008 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de René Louis, reprend cette date.
Il est déclaré « Mort pour la France » le 16 février 1948, homologué « Déporté politique » le 22 juillet 1957.
Son nom est inscrit en lettres d’or sur la plaque de marbre à l’intérieur de la Mairie (Victimes de la guerre 1939-1945 – Morts dans la Résistance).
Une stèle érigée le 25 août 1965 rue Voltaire, rappelle sa mémoire.
Dans un document non daté, mais postérieur à la Libération, rempli par son père, on lit que la famille Louis a reçu une aide 1500 F de l’UFF de Romainville.

  • Note 1 : Une plaque a été apposée rue Voltaire le 25 août 1965 sur décision du conseil municipal de
    Romainville. Elle honore les noms des romainvillois ayant constitué un groupe de résistance à l’initiative d’Eugène Ducret : René Louis, Gabrielle Ethis, morte à Auschwitz en 1942, Marcel Ethis, fusillé au Mont Valérien le 11 août 1942, Jean Lemoine, fusillé à Caen le 14 mai 1942, Eugène Ducret, déporté à Neungamme le 21 mai 1944, mort le 11 mai 1945 à l’hôpital de Ludwigslust.
  • Note 2 : Dans un courrier de 1988, l’archiviste de la mairie de Romainville me communiquait deux
    dates possibles d’arrestation pour René Louis : le 5 octobre 1940 ou le 17 septembre 1940. J’avais retenu la deuxième date, d’abord parce que c’est la date indiqué par son père à la Libération et que par ailleurs tous les militants arrêtés le 5 octobre dans le cadre de la grande rafle décidée par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine sont internés le même jour au CSS d’Aincourt. En consultant ultérieurement son dossier aux ACVG, cette date y figurait bien.
  • Note 3 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 5 : il s’agit d’Henri André, Marcel Algret, Maurice Alexis, Jean Bach, Roger Desjameau, Louis Faure, René Faure, Georges Guinchan, Gaston Jouy, Henri Migdal, René Louis, Marcel Nouvian, Roger Tessier  tous déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.  Jean Valentin sera déporté à Buchenwald. André Giraudon sera fusillé à Compiègne le 10 mai 1942.

Sources

  • Renseignements fournis à la Maire de Romainville à la Libération par son père, François Louis.
  • Photo de René Louis transmise par Albert Giry.
  • Lettre d’Albert Giry à Louis Odru, ANACR 93 concernant les dates de naissance des 45000 de Romainville (27 juin 2003), transmise par Madeleine Odru.
  • © Photo et commentaire sur la plaque commémorative de la rue Voltaire : Claude Fath, in © Site Les plaques commémoratives, sources de Mémoire.
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993. Dossier individuel consulté en 1994.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. Premier camp
    d’internement des communistes en zone occupée. Dir. C. Laporte. Université
    de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • Archives de la police / BA 2374. © Site InternetMemorialGenWeb.

Notice biographique mise à jour en 2013, 2019 et 2022 à partir de la notice succincte que j’avais préparée à l’occasion du 60ème anniversaire
du départ du convoi et publiée dans la brochure éditée par le Musée d’histoire vivante de Montreuil. Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour
Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»
, éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et
coordonnées du  blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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