Mention « Mort pour la France » sur son acte de décès
François Olivo : né en 1899 au Bourg de Guern (Morbihan) ; domicilié à Orsonville (Seine-et-Oise / Yvelines) ; manœuvre, maraîcher, cheminot (cantonnier) ; présumé communiste ; arrêté en septembre 1939, condamné à 6 mois de prison, révoqué de la SNCF ; libéré à l’expiration de sa peine ; arrêté le 21 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.

François Olivo est né le 14 novembre 1899 au Bourg de la commune de Guern, canton de Pontivy (Morbihan). Il habite Orsonville (Seine-et-Oise / Yvelines) à la limite du département d’Eure-et-Loir, au moment de son arrestation (1).
Il est le fils d’Anne Le Pennec, 30 ans, ménagère, née le 6 décembre 1868 à Locrio – Guern, Morbihan et de Joseph Olivo, journalier, 61 ans, né le 22 mai 1838 à Guémené-sur-Scorff, Morbihan.
Il a deux sœurs jumelles, Louise et Joséphine, nées en 1883, et un demi-frère, Louis-Marie Le Pennec, né en 1897.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Bobigny au 59, rue de Saint-Denis au moment du conseil de révision et travaille comme manœuvre. Il sera maraîcher ultérieurement, puis cheminot.
Conscrit de la classe 1919, il est mobilisé par anticipation en avril 1918, comme tous les jeunes gens de sa classe. Il est incorporé au 18è Régiment d’infanterie à compter du 18 avril 1918 et arrive au corps le 23 du mois. Après 5 mois d’instruction, il « passe » au 116è Régiment d’infanterie le 28 août « aux armées », dans la région de la ferme et du fort Saint-Hilaire (offensive de Champagne).

Photocopie du livret de famille des époux Olivo

Après l’armistice, au cours d’une permission, le 4 décembre 1918 , à Bobigny (Seine / Seine-Saint-Denis), François Olivo épouse Henriette Taupin. Elle a 18 ans,  née le 9 février 1900 à Saizy, Nièvre, elle est  maraîchère (elle est décédée le 7 décembre 1959 à Boinville-le-Gaillard, Yvelines).
Le couple a un Garçon, Lucien, François, né le 13 décembre 1921 à Orsonville où le couple a élu domicile à partir de mars 1921.(il est décédé le 3 avril 1995).

Revenu à l’armée, François Olivo « passe » au 118è Régiment d’infanterie le 1er mars 1919 : il est affecté à la 9è compagnie le 9 mai. Il passe ensuite au 2è Régiment de chasseurs à pieds le 26 juillet 1919, et va participer au sein de celui-ci, à l’occupation des pays Rhénans. Il est « renvoyé dans ses foyers » le 25 mars 1921, « certificat de bonne conduite accordé ». Il « se retire » à Saint-Denis, au 159, route de Bobigny.
En application du traité de Versailles, la première occupation militaire de la Rhur par l’armée française va avoir lieu en mai 1921 (les effectifs de l’armée du Rhin d’occupation passent de 100.000 à 210.000 hommes) : le gouvernement rappelle les réservistes. François Olivo est donc « rappelé à l’activité » (article 33, loi 8 mars 1905) et arrive au 2è Régiment de chasseurs le 4 mai 1921. Il est affecté au 8è régiment de dragons le 9 mai, puis réaffecté au 2è Chasseurs le 3 juin. Il est démobilisé le 7 juin 1921.
Le 2 mars 1921, le couple habite Orsonville (Seine-et-Oise / Yvelines).
En avril 1923, ils ont déménagé à Chalo-Saint-Mars (Seine-et-Oise / Essonne).
En avril 1925, François Olivo est embauché à la Compagnie des chemins de fer d’Orléans, comme cantonnier à Paray-Douaville (matricule « 11343 ») dans le secteur d’Ablis-Paray.  Pour la réserve de l’armée, cet emploi le fait automatiquement « passer » à la 3è section des chemins de fer de campagne en tant qu’ « affecté spécial » (i.e. qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).
En 1927 son registre matricule militaire indique qu’il habite Ablis-Paray (Paray-Douaville).
Le 1er mars 1936, il est domicilié à Bienville-la-Gaillarde (Seine-et-Oise), puis il revient habiter Orsonville. La mairie d’Orsonville rapporte que, d’après son fils « il s’occupait de défendre les droits des agriculteurs ».

En septembre 1939, François Olivo est arrêté pour « distribution de tracts d’origine étrangère ». Le 13 septembre 1939, il est suspendu de son emploi (note de la SNCF). Inculpé d’infraction au décret du 26 septembre 1939, il est condamné à six mois d’emprisonnement. Le 31 janvier 1940, François Olivo est officiellement révoqué de son emploi à la SNCF par arrêté ministériel pour « menées antinationales depuis le début de la guerre ». Il est libéré à l’expiration de sa peine.

A partir du 14 juin 1940, l’armée allemande occupe le département de Seine-et-Oise. Le grand état-major allemand du Maréchal Von Rundstedt s’installe à Saint-Germain-en-Laye. Une Kommandantur provisoire est installée à Chatou, 20, avenue des Tilleuls dans les jours suivants. En novembre 1940, elle est déménagée au Vésinet. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

François Olivo est à nouveau arrêté, à Orsonville, le 22 juin 1941 par des policiers allemands cantonnés à Auneau (Eure-et-Loir), à moins de 6 kilomètres.  Sa peine d’emprisonnement pour motifs politiques a entraîné son inscription aux sommiers judiciaires de la préfecture (mention RG sur sa fiche au DAVCC), ce qui explique qu’il soit arrêté dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique.
Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française en application du décret-loi du 18 novembre 1939 : « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique ».

D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand (Frontstalag 122) de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des ennemis actifs du Reich. A Compiègne il reçoit le n° matricule 1342.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Lire également dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Le 6 juillet 1942, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, François Olivo est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. 

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45935 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz

Un des fours crématoires du camp

François Olivo meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 882 et le site internet © Mémorial
et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau
).
Ce certificat porte comme cause du décès « Phlegmone Enterite» (Entérite et phlegmon). L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz».
Il convient par ailleurs de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18, 19, 20 ou 21 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp ont été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.

Un arrêté ministériel du 6 juillet 1995 paru au Journal Officiel du 6 septembre 1995 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de François Olivo.
François Olivo est déclaré « Mort pour la France » le 11 août 1950.
Il est homologué (GR 16 P 450172) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Son nom figure sur le Monument aux Morts de Boinville-le-Gaillard (78) et une plaque honorant sa mémoire a été apposée dans la gare de Paray-Douaville (78), gare commune aux trois communes de Boinville, Paray et Orsonville.

  • Note 1 : Sur l’acte du 11 août 1950 du Ministère des Anciens Combattants, il est indiqué qu’il est domicilié rue d’Anneau à Orsonville-par-Ablis (Seine-et-Oise / Yvelines). De même c’est la localité que François Olivo a indiquée lors de son interrogatoire à Auschwitz.
    On sait également que son fils Lucien Olivo était domicilié 12, rue d’Aunay à Orsonville. Mais c’est sur le monument aux morts de Boinville-le-Gaillard que son nom est inscrit d’après le site © Genweb.

Sources

  • Dossier ministère des ACVG n° 12502 (11 août 1950.
  • Recherches de la Mairie d’Orsonville (18 juillet 1992).
  • Avis de décès et acte de mariage : pièces fournies par son fils par l’intermédiaire du  secrétaire de la Mairie d’Orsonville.
  • Acte de mariage, registre de la mairie de Bobigny, 1918-1919 page 23, acte n° 36.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juin 1992.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7. Liste V (N°  31738) – Liste S (N° 261)
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet Lesmortsdanslescamps.com
  • © Site Internet Rail et mémoire, notice de François Olivo.
  • © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
  • Registres matricules militaires du Morbihan.

Notice biographique  rédigée par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6
juillet 1942
», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition de l’association «Mémoire Vive» sur les “45000” et “31000” des Yvelines. Installée sur le site en 2013, complétée en 2016, 2018 et 2024. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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