Matricule « 45 992 » à Auschwitz
Marcel Platteaut : né en 1911 à Condé-Sainte-Libiaire (Seine-et-Marne) ; domicilié à Boulogne-Billancourt (Seine) ; chocolatier, caoutchoutier chez Renault, garde à la STCRP ; arrêté comme otage le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt à Birkenau le 12 février 1943.
Marcel Platteaut est né le mardi 28 février 1911 à Condé-Sainte-Libiaire (Seine-et-Marne) près de la Chapelle-sur-Crécy où habitent ses parents.
Au moment de son arrestation, il habite au 91, bis rue d’Aguesseau à Boulogne Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine) .
Il est le fils de Rosalie, Véronique, Pauline Laborde, 21 ans, blanchisseuse, et de Léon, Jules Platteaut, 29 ans, cocher-jardinier.
Marcel Platteaut est l’aîné de cinq enfants (il a quatre sœurs : Antoinette, Paulette, Léone, Micheline).
Du 10 juin au 5 novembre 1928, il est manœuvre chez M. Rateau (entreprise de maçonnerie), au 56, rue des volontaires à Paris 15è.
Le 28 novembre 1928, Marcel Platteaut s’engage pour cinq ans dans la Marine nationale (matricule 5.380 C-28).
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 65 et porte un tatouage au bras gauche (un cœur percé d’un poignard). Il a successivement comme port de rattachement : Lorient, Toulon, Bastia, Casablanca, Halifax (Canada), les îles des Açores, Tanger, Tunis, Bizerte, Carthage, Mers-el-Kébir, Zarzis (Tunisie), Oran, Mogador, Mazagan (Maroc), Sfax, Saïgon, Tientsin (aujourd’hui Tianjin), Colombo (île de Ceylan), Djibouti, Rabat, Lisbonne, Saint-Nazaire.
Il navigue sur le croiseur cuirassé « Ernest Renan » (du 1 janvier 1929 au 1 juillet 1929). A ses débuts, il est matelot breveté canonnier (« Mousse » ou « Mataf »). Il embarque ensuite sur la frégate « Primauguet » (du 1 juillet 1929 au 14 janvier 1930), sur le torpilleur « Mars » (du 14 janvier 1930 au 4 décembre 1930), puis sur l’aviso « Suippe » (du 4 décembre 1930 au 25 juillet 1931). Il est nommé au grade de quartier maître de deuxième classe canonnier (« crabe ») le 1er juillet 1931.
Du 25 juillet 1931 au 1 septembre 1931, il est à terre à la base navale de Toulon à l’EMC (Ecole des Mécaniciens, Chauffeurs, Scaphandriers).
Il embarque sur le croiseur léger « Duguay-Trouin » du 1 septembre 1931 au 20 mai 1932, puis sur le transport d’hydravion « Commandant Teste » du 20 mai 1932 au 26 novembre 1933.
Il retourne à la vie civile le 23 novembre 1933.
Le 28 octobre 1933 à la mairie du 15è, Marcel Platteaut épouse en première noce Marie Félicie Hainaut, née le 26 août 1908 à Gosnay (Nord). Il habite alors au 29, rue de Saint-Cloud à Boulogne-Billancourt.
Le 30 novembre 1933, il est embauché comme chocolatier chez M. Lemaire, chocolatier
belge au 6 rue des Pâtures à Paris 16è. Il déménage au 131, rue de Billancourt à Billancourt.
Le 10 mai 1935, il est embauché comme caoutchoutier aux usines Renault de Boulogne-Billancourt (atelier 28).
Il habite alors au 121, rue de Silly à Boulogne-Billancourt.
Le 2 juin 1937, il est embauché à la Compagnie du Métropolitain de Paris (matricule 14252, FEM) comme «Garde Métropolitain» auxiliaire, agent de la CMP (Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris).
Le 2 août 1937 il est « garde stagiaire », rattachement Porte de Saint-Cloud. Le 7 septembre, il est « garde automotrice », rattachement Pont de Saint-Cloud.
Il est en instance de divorce dans cette période : celui-ci est prononcé le 23 décembre 1937 par la 18è chambre du tribunal civil de la Seine.
Il est nommé « garde commissionné » de 3è classe le 1erjuillet 1938.
Le 12 novembre 1938, Marcel Platteaut épouse en secondes noces Ida Génard, née le 13 juillet 1908 à Fontenelle (Aisne), domiciliée au 131, rue de Billancourt à Boulogne, où le couple va habiter (elle est décédée le 4 juin 1976).
Marcel Platteaut est membre du Parti communiste avant la dissolution de 1939 (selon sa sœur Paulette).
A la déclaration de guerre, il est mobilisé au « Havre Naval », comme réserviste quartier-maître canonnier, le 2 septembre 1939. Le 16 septembre 1939, il embarque sur le «Pessac», patrouilleur auxiliaire 23 de l’Escadre de la Mer du Nord et participe aux opérations navales franco-britanniques de l’hiver 1939-1940 en mer du Nord.
Le 1er novembre 1939, il est nommé second maître canonnier avec citation.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 12 août 1940, son bâtiment est à proximité des côtes anglaises, dont le port de Liverpool. « La nouvelle de l’Armistice, du 25 juin 1940 le laisse atterré » (1). Marcel Platteaut est démobilisé le 16 août 1940.
« Et puisqu’il ne peut combattre en uniforme, il continuera la lutte par tous les moyens » écrit sa sœur.
Il reprend son travail de garde à la STCRP le 1er octobre 1940, comme garde de 2è classe.
Selon sa sœur, qui reprend les termes des certificats pour homologation d’après guerre, il mène des actions contre l’Occupant : « sabotage
des voies ferrées, distribution de tracts, propagande anti-allemande ». Son dossier des FFI indique qu’il est membre du groupe de libération du Métropolitain, appartenant au « groupe Danton » (du nom de guerre de René Pajon, l’un de ses deux chefs directs) : « Il avait sous ses ordres un groupe de 10 hommes » (déclaration du chef du groupe FFI du Métro, le commandant Bouton, dit « La Bruyère ».
Lire dans le site : Ceux de la TCRP ( RATP en 1949) Métro et bus
La lettre qu’il adresse à sa sœur Paulette le 2 janvier 1942 exprime son état d’esprit et son engagement.
« Si l’équipe de Paulette a son message, pour lequel je la remercie, je t’envoie le mien pour 1942. Nous souhaitons à tous les Français, et en particulier à nos familles : paix dans l’honneur ; liberté dans une France libre et heureuse ; travail dans la libération contre l’esclavage ; fraternité de tous les Français, quelles que soient leurs opinions ou leur croyances ; et l’extermination de tous les traîtres, d’où qu’ils viennent et où qu’ils se trouvent.
Vois-tu, ma chère sœur, ton message est heureux pour des jeunes filles qui n’ont pas encore eu à subir tous les sacrifices. Le mien est plus long et plus sévère, mais, ajouté au tien, ces deux messages sont en tous points français, le tien pour
les jeunes et le mien pour les adultes qui s’occupent en ce moment de libérer la France. Mes vœux sont : santé, joie et bonheur pour vous».
Marcel Platteaut est arrêté le 28 avril 1942 « par la Gestapo » écrit sa sœur. Ce jour là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine : elle vise des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
Le 28 avril 1942, Marcel Platteaut est interné à Compiègne (Oise).
Le 4 mai 1942, le service du mouvement de la CMP envoie une lettre recommandée à son domicile pour lui annoncer sa suspension, en date du 28 avril 1942.
Le motif de cette suspension, conforme au règlement intérieur de la CMP vaut néanmoins d’être cité si l’on prend en compte qu’il est alors interné à Compiègne : « en raison de votre absence sans autorisation depuis le 28 avril 1942, je vous avise qu’à partir de cette date vous êtes suspendu de vos
fonctions (…) ».
Dans une lettre adressée le 9 juin 1942 à sa sœur depuis le camp de Compiègne il écrit : «Notre martyr est plus supportable par notre esprit de fraternité, à moins que le soir on en choisisse 5 ou 6, comme cela se présente souvent. Mais rien ne m’ébranlera ; vous pouvez être fiers de moi et avoir la tête haute. Toute la famille ne doit rien craindre ; aucun reproche ne doit lui être adressé. Courage, Patience et Force : on les aura tous. C’est nous qui les garderons dans les barbelés».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Son épouse multiple les démarches, notamment auprès de l’assistante sociale de la mairie de
Boulogne, qui essaie d’obtenir des secours de la CMP.
Le 6 juillet 1942, il est dans le même wagon que Louis Boccard qui commence à écrire une lettre à son épouse en gare de Compiègne. Il la jettera sur le ballast et elle sera ramassée par des cheminots, et postée.
Lire dans le site l’article : les Lettres jetées du train.
« 9 heures moins le quart et le train s’ébranle à l’instant, ainsi que l’écriture. Nous sommes 45 par wagon, avec deux petites ouvertures et un vieux bidon pour nos besoins. Cà va sentir bon plusieurs jours comme çà. Enfin faut pas s’en faire et le moral est toujours excellent. Il donne les noms de camarades qui sont dans le même wagon que lui : Burette (Léopold Burette), Moyen (Raymond Moyen), un petit gars de la Chaussée du Pont nommé Guilbert (Marcel Guilbert, dit « Mickey »), un de la rue d’Aguesseau (il s’agit de Fernand Lafenetre), Platteaut (Marcel Platteaut),Henri Duplat (Henri Duplat) etc…etc… »
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Platteaut est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Marcel Platteaut est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 420» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Marcel Platteaut entre à l’infirmerie de Birkenau le 1er janvier 1943.
Il meurt à Birkenau le 12 février 1943 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 940 et © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
En 1945 et 1946, son épouse Ida entreprend des recherches auprès du ministère des Anciens combattants et Victimes de Guerre.
Marcel Platteaut est homologué « Déporté politique » (n° 110123843) le 15 juillet 1957.
Il n’est déclaré « Mort pour la France » que le 11 juillet 1963.
L’arrêté ministériel du 13 mars 1995 apposant la mention « Mort en déportation » sur son acte de décès et paru au Journal Officiel du 26 avril,
porte la mention « décédé en décembre 1942 à Birkenau (Pologne)». Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995.
Voir l’article : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz .
Son nom est inscrit depuis 1995 sur le monument aux morts de la commune de La Chapelle-sur-Crécy où Paulette et Marcel Platteaut ont été élevés.
Une cérémonie en son honneur a eu lieu en présence de sa famille et des corps constitués le 11 novembre 1995 (1).
Ses camarades de la CGT interviennent auprès de la RATP en 1946, pour connaître les circonstances de son arrestation.
Une plaque honore sa mémoire de Résistant du Métro, à la station « La Chapelle ».
- Note 1 : Article paru dans « La Marne » du 16 novembre 1995, transmis par Paulette Platteaut
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Paulette Platteaut le 4 septembre 1995. Elle m’a transmis également de nombreux et précieux documents.
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Archives définitives de la RATP, Maison de la RATP, dossier personnel de Marcel Platteaut. Remerciements à Mme Laurence Loy et Mr. Thiriau.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste des déportés ayant reçu des médicaments à l’Infirmerie de Birkenau entre le 1ernovembre 1942 et le 28 mars 1943.
- Liste des déportés ayant reçu des médicaments à l’infirmerie de Birkenau, kommando d’Auschwitz, Registre des décédés(n° d’ordre, date,
matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au 15.07.1943. - © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- © Site InternetLégifrance.gouv.fr
- © Site Internet WWW. Mortsdanslescamps.com
- © Site Les plaques commémoratives, sources de Mémoire.
- © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger , vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com