Raymond Le Bihan : né en 1921 à Paris 12è ; domicilié à Créteil (Seine / Val-de-Marne) ; ouvrier tireur ; jeune communiste de Créteil ; arrêté comme otage communiste le 28 avril 1942 ; interné au camp d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.
Raymond Le Bihan est né le 5 janvier 1921 à Paris (12è). il est domicilié au 43, quai de Halage à Créteil (Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Euphrasie, Louise Caradec, 35 ans, journalière, née en 1885 au lieu-dit Vegeçon (illisible) dans le Finistère) et de François, Yves, Pierre, Marie Le Bihan, 37 ans, garçon boucher, son époux. Célibataire, il travaille comme ouvrier papetier. Ses parents sont alors doliciliés au 72, rue de Fontenay à Paris 12è.
En 1936, son père est décédé. Il habite avec sa mère au 43, quai de Halage à Créteil.
Il est ouvrier routier-tireur chez Dimoro.
Il est adhérent des Jeunesses communistes avant guerre. Les JC « se réunissaient souvent au café « le poisson rouge » le bien nommé, avant leurs affrontements avec les héritiers des « Camelots du Roy »
de « l’Action Française » (René Besse).
Le 13 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht occupent Créteil. Le 14 juin elles entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Fin septembre 1940, Paul Hervy, ancien secrétaire des Jeunesses communistes avant guerre « fait le tour » des anciens adhérents de la Jeunesse communiste de Créteil : ils se retrouvent à une poignée « à vouloir continuer (…), poursuivre l’action désormais clandestine » (René Besse).
Outre René Besse il y a là Guy Camus, Paul Hervy, Georges Mapataud, Roger Ménielle (ils seront tous déportés avec lui à Auschwitz), Marguerite (dite Margot) Camus et Raymond Labadie (déporté au Struthoff). Ils vont manifester par tracts et affichettes leur opposition à l’occupation. Les tracts sont tapés par Marguerite Camus et imprimés par René Besse sur la ronéo cachée dans le pavillon en face du sien, chez son cousin Jean Vial, dit « Julot ».
Raymond Le Bihan est arrêté comme otage communiste par la police allemande, le 28 avril 1942 et conduit le jour même au camp de détention de Royallieu, à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht ( le Frontstalag 122).
Cette arrestation fait partie d’une rafle visant des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Raymond Le Bihan est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Le numéro d’immatriculation de Raymond Le Bihan lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45 742 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’ayant pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Raymond Le Bihan meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 91).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès paru au Journal Officiel du 18 février 1994.
Il est homologué comme « Déporté politique ».
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Créteil, avenue De Lattre de Tassigny.
Sources
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en avril et juin 1992 (André Montagne et Claudine Cardon-Hamet).
- Death Books from Auschwitz (Registres des décès d’Auschwitz), ouvrage publié par le Musée d’Etat (polonais) d’Auschwitz-Birkenau en 1995.
- René Besse / Laurent Lavefve « Mille et neuf jours » Les ardents éditeurs, 2009.
- © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb.
- © Site Internet Légifrance.gouv.fr
- © Site InternetWWW. Mortsdanslescamps.com
Notice biographique mise à jour en 2010, 2012, 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com