Matricule « 45 804 » à Auschwitz
Jean-Baptiste Lory : né en 1909 à Sarzay (Indre) ; domicilié à Levallois-Perret (Seine) ; ébéniste, ajusteur, puis chauffeur de taxi ; communiste ; arrêté fin juin, début juillet 1941 ; interné aux camps des Tourelles, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 novembre 1942.
Jean-Baptiste Lory (il signe Jean) est né le 10 mai 1909 à Baudry, commune de Sarzay (Indre).
Il habite au 74, rue Marius Aufan à Levallois-Perret (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Aubard, 22 ans, sans profession et de Louis , Eugène Lory, 29 ans, charron, son époux, domiciliés à Baudry.
Jean Lory est ébéniste à la SNCASO, puis chauffeur de taxi selon Madame Faurie (1).
il est un « militant communiste actif » selon la terminologie de la police.
Alors qu’il est domicilié à Houilles au 10, rue de la Fédération Jean Lory épouse le 22 mars 1930, à Houilles (Seine-et-Oise / Yvelines), Marguerite, Afrédine Lebrun, née le 20 juillet 1902 dans le Calvados. Sans profession au moment du mariage, domiciliée à la même adresse, elle travaillera plus tard comme fille de salle à Paris 19è .
En 1936, il s’inscrit sur les listes électorales de Levallois, domicilié au 74, rue Marius Aufan, profession : ébéniste chez Jabouille à Levallois. Lors du recensement de 1936, seule son épouse et recensée à cette adresse (profession vendeuse).
En février 1937, il est embauché comme ajusteur à la Société nationale de construction aéronautique du Sud-Ouest (la SNCASO), 5 quai Galliéni, à Suresnes.
Il est militant du Secours Rouge (Secours Populaire), en témoigne l’hommage qui lui est rendu dans le journal du Secours Populaire « La Défense » en 1945. (Voir en fin de notice, la coupure de presse).
Il est mobilisé à la déclaration de guerre en septembre 1939, selon les listes municipales officielles, et « affecté spécial » à la SNCASO au 5, quai Galliéni à Suresnes. Selon le commissaire de police de Levallois il est l’un des principaux responsables du « Comité populaire » de l’usine. En janvier 1940, un indicateur lui fait savoir que Jean-Baptiste Lory a reçu des tracts à son domicile. La perquisition policière qui s’ensuit se révèle négative.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Si la SNCASO, passée sous contrôle allemand, continue de produire des avions pour le compte de la Luftwaffe, Jean-Baptiste Lory est au chômage en juillet 1940. Il retrouve du travail le 25 novembre 1940 au Paris Studio Cinéma, 49, quai du Point-du-Jour, à Boulogne-Billancourt, puis, fin janvier 1941, aux établissements Niepce, 8, boulevard de la République, à Boulogne-Billancourt. Selon les Renseignements généraux, il retrouve du travail fin 1940 et travaille comme menuisier à la maison Niepce, 14, boulevard de la république à Boulogne.
Signalé comme militant communiste par le commissariat de Levallois, il va être filé par deux inspecteurs des RG (Ca… et Da…) entre le 26 janvier 1941 et le 27 février 1941. Sans résultat selon sa fiche. Mais il est néanmoins arrêté après cette date par des inspecteurs de la Brigade spéciale des Renseignements généraux.
Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.
Si on ignore la date exacte de son arrestation (le 3 ou le 4 juillet), nous savons par les archives de la Préfecture de police que le 4 juillet 1941 il est interné à la caserne des Tourelles sur décision du Préfet de police de Paris, en application du décret du 18 novembre 1939 (2).
Le 9 octobre 1941 Jean-Baptiste Lory est transféré au camp de Rouillé (2) au sein d’un groupe de soixante communistes de la région parisienne (40 détenus viennent du dépôt de la Préfecture de Police de Paris et 20 viennent de la caserne des Tourelles).
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122).
Le nom de Jean-Baptiste Lory (n°115 de la liste) y figure.
C’est avec un groupe d’environ 160 internés (3) qu’il arrive à Compiègne le 22 mai 1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Jean Lory est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Jean Lory est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 804 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Jean Lory meurt à Auschwitz le 22 novembre 1942 selon la liste établie établie en 1974 par les historiens polonais.
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 22 août 2008, paru au Journal Officiel du 7 septembre 2008). Cet arrêté porte une date fictive « décédé le 15 août 1942 à Auschwitz (Pologne » (dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (à partir des témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés).
Voir l’article : Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
A la Libération, le Secours Populaire donne son nom à l’une des trois nouvelles sections du SP de Levallois, ainsi qu’à Maxime Collet (un autre 45 000).
Le nom de Jean-Baptiste Lory est également inscrit au Cimetière communal de Levallois-Perret, à gauche du rond-point précédant le monument aux Morts. « La Chambre syndicale des cochers-chauffeurs du département de la Seine – En hommage à ses camarades chauffeurs de taxi parisiens tombés dans les luttes pour l’émancipation des travailleurs pour la liberté, pour la démocratie, pour la France et pour la République« . Cette plaque commémorative installée sur un monument funéraire, a été fleurie chaque année de sa mandature par Parfait Jans, Député, maire de Levallois de 1965 à 1983. Ancien métallo inscrit sur la liste noire patronale, il était devenu chauffeur de taxi avant d’être élu.
- Note 4 : il y a six chauffeurs de taxi parmi les « 45000 » de Levallois : Maxime Collet , Aimé Doisy, Paul Faurie, Germain Feyssaguet, Jean-Baptiste Lory, Jean Marétheux. C’est à partir des souvenirs recueillis auprès de son mari, ancien « taxi » de Levallois, que madame Faurie a pu nous le préciser. Après les grèves de 1938, plusieurs de ces militants communistes se font embaucher à la « G7 » comme chauffeurs de taxi, après avoir été licenciés de leurs entreprises où ils étaient ébénistes, comptables, électriciens…
- Note 2 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy en 1941.
- Note 3 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. Il a été fermé en juin 1944. In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 4 : Dix-neuf internés de cette liste de 187 noms ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps, ou sont hospitalisés. Trois se
sont évadés. Cinq d’entre eux ont été fusillés.
Sources
- Archives municipales de Levallois, juillet 1988 et recensement de 1936 (internet).
- Registre des mariages, Houilles 1932.
- « Etat n° 2 des communistes internés caserne des Tourelles ». Archives de la Police.
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
- Liste (incomplète) par matricules du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (anciennes archives des ACVG au Val de Fontenay).
- (Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, fichier BS1.
Notice biographique rédigée en 2007 (complétée en 2016, 2019, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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