Maurice Coulin : né en 1901 à Charenton-le-Pont (Seine / Val-de-Marne) ; domicilié à Vitry (Seine / Val-de-Marne) ; employé municipal ; communiste ; arrêté le 17 septembre 1941, Prison de la Santé, caserne des Tourrelles ; interné aux camps de Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 21 septembre 1942.
Maurice Coulin est né le 1er décembre 1901 au domicile de ses parents, 8, avenue Victor Hugo, à Charenton-le-Pont (Seine / Val-de-Marne).
Il habite au 25, rue Talma à Vitry-sur-Seine-(Seine / Val-de-Marne) au moment de son arrestation.
Maurice Coulin est le fils de Marie Derre, 26 ans, ménagère et d’Eugène, Joseph Coulin, 29 ans, livreur, son époux.
Son registre militaire (matricule n° 4283 du 3è bureau de la Seine) nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux châtains, les yeux marrons, le front ordinaire, le nez busqué et le visage ovale. Au moment du conseil de révision, il travaille comme maçon, puis comme chauffeur mécanicien. Il habite chez ses parents au 16, rue Ernest Renan à Ivry. Il a un niveau d’instruction n° 2 pour l’armée (sait lire, écrire et compter).
Conscrit de la classe « 1921 », il est appelé au service militaire à compter du 5 avril 1921 et arrive au 12è Régiment du Génie le 11.
A l’expiration de son temps légal, il est maintenu sous les drapeaux en application de la Loi du 21 mars 1905 en raison de l’occupation des pays Rhénans (en mai 1921, pour hâter l’application du traité de Versailles / versement des dommages de guerre, en particulier le charbon /, le gouvernement français ordonne la première occupation militaire de la Ruhr par l’armée française. Les
effectifs de l’armée du Rhin d’occupation passent alors de 100.000 à 210.000 hommes : le gouvernement rappelle les réservistes ou maintient les hommes libérables, ce qui est le cas de Maurice Coulin).
Il est « renvoyé dans ses foyers » le 30 mai 1923, « certificat de bonne conduite accordé ».
Maurice Coulin épouse Aimée, Julie, Champon, le 17 mai 1924 à Ivry-sur-Seine. Elle est née le 17 juin 1906 à Ivry.
Le couple a deux enfants, dont Maurice, Henri, dit « Loulou », qui naît le 25 juillet de la même année.
Maurice Coulin est employé municipal comme chauffeur-mécanicien, puis il est concierge à l’annexe de la mairie de Vitry.
En 1933, il est gérant de la revue communiste en langue polonaise « Novezycie » (La vie nouvelle), information figurant dans un rapport des Renseignements généraux de la Préfecture de police, qui mentionne un également une note en date du 27 août 1934 où il est mentionné comme membre de la section communiste d’Ivry (AC 76. 665).
Il est membre du Parti communiste à la cellule du Centre d’Ivry.
En 1934 (au moins à partir du mois de mars selon son registre matricule militaire), la famille habite au 128, rue du Chemin de fer à Vitry (qui deviendra avenue Paul-Vaillant-Couturier en 1945). Cette même année, il s’inscrit sur les listes électorales de Vitry.
Selon son fils, il est grand amateur de radio et de moto.
Maurice et Marie Coulin, employés communaux, sont «renvoyés» en décembre 1939 par la Délégation spéciale pour «propagande communiste». Le conseil de Préfecture remplace la municipalité communiste élue par une « délégation spéciale ».
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. Elles occupent Ivry et Vitry le 15 juin. Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Maurice Coulin participe à des actions anti-allemandes. La police interpelle son fils le 22 octobre 1940 au cours d’une manifestation de chômeurs. Relâché, son fils est arrêté le 1er mai 1941 pour détention de tracts et incarcéré à la Santé.
La police française arrête Maurice Coulin père à son domicile le 17 septembre 1941, pour diffusion de matériel communiste (son adresse a été trouvée sur une militante arrêté précédemment, ce qui a conduit la police à perquisitionner chez lui).
Il est écroué au Dépôt de la Préfecture le 20 septembre, puis incarcéré à la Santé. Selon une note de Roger Arnould, il refuse de signer un texte lui permettant d’être libéré.
En effet, à la suite de l’arrestation le 13 septembre 1941 d’une militante communiste, Marie Dubois, les services de la Brigade Spéciale ont découvert lors de la perquisition à son domicile « une liste de militants communistes qui tenaient habituellement réunion dans un local (aujourd’hui détruit), au 12 bis rue de la Goutte d’or (Paris 18è)». Parmi les 13 noms de militant(e)s ceux de Raoul Bertrand, René Espargillière, et Constant Lemaitre, qui arrêtés, seront comme lui déportés à Auschwitz. Cinq seront fusillés (Pierre Le Corre, Clément Toulza, Pierre Prual, Marcel Pointet et Emile Chrétien), d’autres militants arrêtés seront également déportés ultérieurement dans d’autres camps : Marie Dubois, Catherine Le Morillon, Martin, Turpin, Petit Gaston et Petit Marcel.
Lire dans le site : 24 communistes, chevilles ouvrières de l’appareil clandestin, arrêtés en région parisienne du 13 au 23 septembre 1941
Il est écroué au Dépôt de la Préfecture, puis incarcéré à la Maison d’arrêt de la Santé pour infraction au décret du 26 novembre 1939 (1). A la Santé, selon son fils, il partage un temps la cellule de Maurice Gunsbourg, maire-adjoint de Vitry, chargé par Arthur Dalidet des cadres militaires du Parti communiste (Arthur Dalidet est fusillé le 7 mars 1942).
Maurice Coulin bénéficie d’une mesure de « main levée » (suspension de la mise en détention) le 6 février 1942, mais il est « interné administrativement » au centre des Tourrelles ; puis à celui de Voves (Eure-et-Loire), où il arrive le 16 avril 1942.
Lire dans le site : Le camp de Voves
Ce camp, le Frontstalag n°202 (camp de prisonniers de guerre institué par l’armée allemande en 1940) devient le 5 janvier 1942 un camp d’internement français sous le nom de «Centre de séjour surveillé» n° 15.
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. Maurice Coulin figure sur la première liste. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à mène à la déportation de 14 vitriots, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Coulin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45 404? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date
Maurice Coulin meurt à Auschwitz le 21 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz et destiné à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 186).
Ce certificat porte comme cause du décès «Gastroenteritis» (gastroentérite). L’historienne polonaise Héléna Kubica explique comment les médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18, 19, 20 ou 21 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp été enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste «sélection» interne des «inaptes au travail», opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Maurice Coulin est homologué Déporté politique le 9 mars 1966 (n°1701 20046). Il est déclaré Mort pour la France. La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 18 novembre 1987 paru au Journal Officiel du 29 janvier 1988).
Son nom est également honoré sur la plaque située place des martyrs de la Déportation à Vitry, inaugurée à l’occasion du 50ème anniversaire de la déportation : 6 juillet 1942, premier convoi de déportés résistants pour Auschwitz – 1175 déportés dont 1000 otages communistes – Parmi eux 14 Vitriotset surle monument situé place des Martyrs de la Déportation à Vitry : A la mémoire des Vitriotes et des Vitriots exterminés dans les camps nazis.
Il est homologué (GR 16 P 146319) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Son fils, Maurice Coulin, dit «Loulou», fraiseur, est membre des Jeunesses communistes de Vitry (il est responsable à l’organisation). En octobre 1940 le commissariat de Vitry établit sur ses activités une fiche de police (ci-contre) lire l’article du site Le rôle de la police française dans les arrestations des «45 000» de Vitry.
Sa fiche est «réactualisée» le 1er mai 1941, le jour de son arrestation (dans la nuit du 30 avril au premier mai). Il est arrêté en même temps que plusieurs autres jeunes communistes d’Ivry dont deux seront déportés dans le convoi des «45 000» (Jean Hernando et Julien Massé). «Loulou» Coulin est déporté le 12 mai 1944 à Buchenwald au Kommando Usine Schönebeck. Il est libéré par les Soviétiques le 11 avril 1945 (in site de la FMD et archives Préfecture de police / BS1).
- Note 1 : Le gouvernement du Maréchal Pétain a repris à son compte l’arsenal judiciaire répressif édicté à l’encontre du Parti communiste par le gouvernement Daladier. Classée «secret», la circulaire n°12 du 14 décembre 1939, signée Albert Sarraut, ministre de l’Intérieur, fixe les conditions d’application du décret du 18 novembre 1939 qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, des «individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique». Lire l’article très documenté et illustré sur le blog de Jacky Tronel (Histoire pénitentiaire et justice militaire) : Circulaire d’application du décret-loi du 18 novembre 1939 |
Sources
- © Archives en ligne du Val-de-Marne. Recensement de Vitry, 1936, élections.
- «La Résistance à Vitry», brochure éditée par la municipalité au lendemain dela Libération, sans date.
- De l’occupation à la Libération, témoignages et documents, brochure éditée par la Ville de Vitry-sur-Seine, pour le 50ème anniversaire de la Libération, Paillard éd. 1994.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943,le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juin 1992 et décembre 1992.
- Notice biographique de Maurice Gunsbourg in Le Maitron,Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère dela Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7. Liste V : n°32135 , Liste S : n° 73 Stéphane Fourmas,Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
- © Site Internet «Légifrance.gouv.fr»
- © Fiches de police et registre de Maurice Coulin, père et fils, commissariat de Vitry. Musée de la Résistance Nationale : mes remerciements à Céline Heytens.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, dossier Brigades spéciales.
- Registres matricules militaires de la Seine.
Notice biographique rédigée en 2003, mise en ligne en 2008, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45 000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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