La Maison centrale de Clairvaux est située à environ 15 kilomètres de Bar-sur-Aube (Aube-10) à 270 km de Paris. Les bâtiments monastiques de la célèbre abbaye, transformée en prison en 1926, furent le lieu de détention de 997 internés en mars 1941, 1117 internés fin 1941, 332 en 1942, 147 en 1943 et 150 en mai 1944.
Pendant la Seconde guerre mondiale, en plus de sa fonction antérieure de maison centrale pénitentiaire qui est maintenue (1), Clairvaux devient en effet un lieu d’internement pour communistes et opposants politiques.
Pendant cette période, Il y a à Clairvaux plusieurs catégories de détenus : des droits communs, des militants communistes et syndicalistes, ainsi que des Juifs domiciliés dans la région (53 internés juifs de Clairvaux sont déportés à Auschwitz via Drancy dans le convoi du 23 septembre 1942).
Les conditions d’internement sont très dures : discipline féroce, (cf. photo salle de discipline) et malnutrition : Pierre Daix dans son livre « J’ai cru au matin » écrit : « c’est à Clairvaux que j’ai vu mes premiers morts de faim « .
Les camps et les prisons françaises servent de vivier aux Allemands pour y puiser ceux qu’ils veulent fusiller où déporter.
49 internés de Clairvaux seront déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz.
Pour la quasi totalité d’entre eux, ce sont des militants communistes. Ils sont internés à Clairvaux à la suite de plusieurs vagues de transferts en 1941 et 1942, depuis d’autres prisons ou d’autres camps d’internement.
Lire dans le site le témoignage de René Deschamps : CLAIRVAUX : la vie à la Centrale, l’arrivée de GUY MOQUET. Récit de René DESCHAMPS
Depuis la gare de l’Est ils arrivent à la gare de Ville-sous-la Ferté, à l’arrêt « Clairvaux » (la gare est aujourd’hui désaffectée).
Ils sont amenés en voitures cellulaires par groupes de 20 escortés par des gardes mobiles (témoignage de Pierre Kaldor).
A leur arrivée, ils reçoivent une tenue carcérale qu’ils doivent porter sous peine de passer la nuit au mitard. Le Révérend père Bruckberger écrit : « Le gouvernement de Vichy a cette honte de
plus, d’avoir fait du communisme un délit de droit commun, et d’avoir ainsi pourvu les poteaux d’exécution allemands« .
Ces militants en sont à leur deuxième ou troisième lieu d’internement. Dans le cas d’un deuxième lieu d’internement, ils viennent de la Santé, de Fresnes, ou d’Aincourt (100 internés sont transférés d’Aincourt à Fontevraud en décembre 1940). Pour ceux qui arrivent pour un troisième internement, ils viennent de Fresnes, de Drancy, d’Aincourt, du Dépôt du Palais de Justice, du Dépôt de la Préfecture de police de Paris ou de Fontevraud.
Les détenus de Clairvaux qui seront déportés par la suite à Auschwitz par le convoi parti de Compiègne le 6 juillet 1942, seront transférés à la Santé et / ou aux camps de Rouillé (8 le 27 septembre 1941) Voves, à Châteaubriant et enfin à Compiègne.
Il s’agit d’Algret Marcel, Andréas Marcel, Barthélémy Fernand, Berthout Jean Baptiste, Biffe Joseph, Bouchacourt Emile, Boulanger Marcel, Camus Guy, Carpentier René, Chevalier Lucien, Degdier Eugène, Depriester Gustave, Deschamps René, Dupuy Marcel, Flageolet André, Garré Charles, Gaston Eugène, Gié Gaston, Ginollin Frédéric, Guidou Louis, Guillot Maurice, Graindorge Marcel, Guy Maurice, Hannhart Henri, Hureau Henri, Jodon René, Lambotte Robert, Laurent Louis, Lebras Roger, Le Bigot Georges, Le Bras Roger, Massicat Robert, Mauger Roger, Martin Angel, Née Francis, Obel Emile, Omphalius Eugène, Paupy Jean, Perrottet René, Philippot Jean, Platiau Raoul, Prunier Robert, Raimond Maurice, Ruau Gaston, Rossé Albert, Saguet Fernand, Tardieu Gérard, Vandenhove Fernand, Véron Charles (interné sous statut de droit commun, alors qu’il a été condamné à 18 mois comme politique), Welscher Louis.
21 otages fusillés à Clairvaux
Les fusillés de Clairvaux sont l’expression de la férocité de la répression nazie et de l’implication du régime de Vichy. 21 détenus de Clairvaux sont fusillés entre 1941 et le 14 mai 1942 dans une clairière de la Ville-sous-la-Ferté, proche de Clairvaux.
Le 24 septembre 1941 : Alexis Colin.
Le 13 janvier 1942 : Jules Frot, Constant Petitjean.
Le 7 mars 1942 : Paul Chabassière, Maurice Romagon, Bernard Roy, René Le Gall, Félicien Parize.
Le 2 avril 1942 : Jean Lelarge.
Le 14 avril 1942 : André Chassagne, Marcel Faivre, Benjamin Jourist, René Plaud.
Le 30 avril 1942 : Edgar Rousselle, Roger Thibault.
Le 9 mai 1942 : Marcel Linard, Eugène Lutherère, Roger Ponsardin, Lucien Chagnoux, René Cossin.
Le 14 mai 1942 : Robert Tachinoff
Je me rappelle que ce jour, 7 mars 1942, 150 «otages» ont été fusillés à travers la France, dont René Le Gall, conseiller municipal, pris comme otage à Clairvaux, Romagon, qui était conseiller municipal également et qui était le responsable politique et militaire de l’organisation clandestine des prisonniers politiques de Clairvaux.
Pierre Kaldor (3).
Ci-après un lien avec le bouleversant témoignage du R.P. Raymond-Léopold Bruckberger : La Marseillaise à la maison centrale de Clairvaux.
D’autres anciens internés de Clairvaux sont fusillés dans d’autres camps.
Tous avaient été internés à la suite des rafles organisées à partir du 5 octobre 1940 – avec l’accord de l’occupant – par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine et de la Seine-et-Oise (élus, cadres du parti et de la CGT) avec la remise en vigueur du décret du 18 novembre 1939 sur l’éloignement des suspects et indésirables.
Ils ont nom :
Pierre Rigaud, secrétaire de Maurice Thorez, transféré de Clairvaux à Châteaubriant, il est fusillé à Compiègne le 7 mars 1942.
« Ceux de Châteaubriant », qui sont fusillés à la carrière de la Sablière,
le 22 octobre 1941 : Guy Môquet, transféré de Clairvaux au camp de Choisel-Châteaubriant,
Désiré Granet, jeune militant communiste et syndicaliste de Vitry,
Charles Michels, ouvrier communiste, responsable de la fédération CGT des cuirs et peaux,
Maurice Gardette, membre du comité régional du Parti
communiste,
Henri Pourchasse, secrétaire adjoint du syndicat CGT des machines à la
Ville de Paris, secrétaire de la cellule de l’usine des Eaux et membre du bureau de la section communiste d’Ivry;
Jean-Marie Poulmarch, secrétaire général du syndicat CGT des industries chimiques de la région parisienne,
Jean-Pierre Timbaud, secrétaire de la Fédération des Métaux CGT de la Région parisienne,
Maurice Ténine, conseiller municipal communiste de Fresnes,
Victor Renelle, ingénieur-chimiste, chef de laboratoire, syndicaliste sans-parti. A Châteaubriant il refuse une libération qui aurait comme condition de devoir travailler pour les allemands. Cette liste n’est pas exhaustive.
- Note 1 : Pour aller plus loin, voir l’ouvrage de M. Gérard Arcelin intitulé « Chronique des années noires dans l’arrondissement de Bar-sur-Aube : 1939-1945 (400 pages / imprimerie Némont, édité le 16 décembre 1989). Plusieurs chapitres y sont consacrés à la Centrale pénitentiaire de Clairvaux.
- Note 2 : Photo collection famille Guy. Maurice Guy a également envoyé à son épouse des photos du camp de Choisel à Châteaubriant. Sur l’une d’elle il a légendé les noms de ses camarades fusillés dans la clairière, le 22 octobre 1941.
- Note 3 : Pierre Kaldor, fut un des avocats français au procès de Dimitrov. Militant du Parti communiste français, il est arrêté le 30 octobre 1939 et condamné à 5 ans de prison. De la Santé, il est interné au moment de la débâcle à la prison de Bourges. Le 28 juin 1941 il est transféré à Clairvaux. Puis à la prison de Châlons-sur-Marne dont il s’évade en novembre 1943. En juin 1944, avec Marcel Willard, Joe Nordmann et Solange Bouvier-Ajam, il arrête, les armes à la main, le ministre de la Justice de Pétain, Gabolde. Il est co-fondateur et secrétaire général du Secours populaire de 1945 à 1947, défenseur des nationalistes et communistes algériens (colloque CGT Pierre Semard).
Il fut, bien longtemps après, l’avocat de mon mari, poursuivi en diffamation en 1961 pour un article de l’éphémère journal des lycéens communistes « Avenir », qui concernait la mise en salle de police pour menées OAS d’un enseignant de Seine-et-Oise. Dans cette période très particulière, la main courante qui en faisait preuve avait curieusement disparu du commissariat et n’avait donc pu être présentée à l’audience par l’assistante de Pierre Kaldor, maître Dominique Angeline qui en avait fait la recherche.
Sources
- © Photo séance de punition à Clairvaux, collection Henri Manuel, Musée national des Prisons, ministère de la Justice.
- © Monument de Ville-sous-la-Ferté, in servir-et-defendre.com/ viewtopic
- © Christian Lambart, Les centres d’hébergement de l’Aube et Clairvaux CRDP Reims.
- Denis Peschanski Les camps français d’internement (1938-1946). Thèse de doctorat.
-
Archives de la Police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Photo de Clairvaux, collection familiale Olivier Guy.
- Photo Pierre Kaldor © Maitron
- Gérard Arcelin : « Chronique des années noires dans l’arrondissement de Bar-sur-Aube : 1939-1945 (400 pages / imprimerie Némont, édité le 16 décembre 1989).
- Photo avec Pierre Daix devant le monument des fusillés (envoi d’une coupure de presse par M. Gérard Arcelin).
Claudine Cardon-Hamet et Pierre Cardon (2016 et 2023).
En cas d’utilisation ou publication de cet article, prière de citer : « article publié dans le site « Déportés politiques à Auschwitz : le convoi dit des 45.000 » : https://deportes-politiques-auschwitz.fr
Adresse électronique : deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Escuse me, je ne parle pa en france. Pardón, j’e vais à écrire en Español.
Trato de localizar información, si es posible, de mi tío THOMAS ZUBIZARRETA LAZKANO, natural de Zumaya(Guipúzcoa) Pays Basque.
Estaba en esa prisión de Clairvaux en julio de 1943, según carta manuscrita y sello de la prisión que acompaño.
Parece ser, fué posteriormente enviado a Neuengamme (D) y más tarde a Bergen Belsen (D) donde falleció el 10/02/45.
Escepto su estancia en esa prisión, no tenemos mas datos constatables. Suponemos detenido en las proximidades de nuestra frontera, y trasladado a Toulouse, Compiegne y Clairvaux. Su delito ser propagar su ideal comunista.
Lo siento, no puedo decirte más de lo que ya sabes. Mi artículo sobre el campo de Claraval sólo se refiere a los deportados políticos del 6 de julio de 1942 y no busqué otras fuentes. Por otra parte, el orden de internamiento de su tío en Francia es ciertamente diferente del que usted anuncia. Es Toulouse, Claraval y luego Compiègne, desde donde parten los convoyes hacia Alemania.
Sólo puedo invitarle a ponerse en contacto con la División de Archivos de Conflictos Contemporáneos, cuya dirección adjunto a su correo electrónico.
Muy cordialmente