François Le Bris : né en 1903 à Sizun (Finistère) ; domicilié à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne) ; employé à l’Hôtel Dieu ; syndicaliste CGT ; arrêté avec son épouse le 14 janvier 1941, relaxés ; arrêté comme otage communiste le 28 avril 1942 ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 22 août 1942.
François Le Bris est né le 4 février 1903 à Sizun (Finistère).
Au moment de son arrestation, il habite 3, rue Blanqui à Ivry-sur-Seine (Seine / Val-de-Marne). Il est le fils de Jeanne, Marie Autret, née en 1874 à Sizun, limonadière et et de Jean, François (Le) Bris son époux, né en 1876 à Sizin, limonadier son époux (son père est né Bris, par suite d’une erreur de l’état civil. Le Bris a été ajouté par jugement). Ils travaillent tous deux chez la Veuve Cresson. Il a deux sœurs (Marie née en 1900 et Jeanne, née en 1905). Marie travaille également comme limonadière en 1906. La famille habite au n° 84, bourg de Sizun.
Appelé au centre de recrutement de Brest, François Le Bris effectue un service militaire de 18 mois à partir de 1923.
Il épouse Antoinette Chandezon le 31 juillet 1925, à Paris 6è. Elle est née le 31 juillet 1903 à Paris 15è. Elle est infirmière à l’Hospice d’Ivry. Le couple a un garçon, Jean, né en 1929.
François Le Bris est employé à l’Assistance publique en qualité de préposé. Il est affecté au service du personnel de l’hôpital de l’Hôtel Dieu (île de la Cité). Il est syndicaliste.
Le 14 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Fin juin, le fort d’Ivry est occupé par l’armée allemande, la Maison de santé et de nombreux logements sont réquisitionnés. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’Occupation, François Le Bris est arrêté avec son épouse le 14 janvier 1941 à la suite de surveillances opérées à l’encontre du personnel hospitalier : « à la suite de surveillances et enquêtes effectuées plus particulièrement parmi le personnel hospitalier de la région parisienne, et notamment à l’Hospice d’Ivry et à l’Hôtel Dieu – les inspecteurs (X et X). de la BS – ont acquis la certitude que les époux Le Bris participaient d’une manière active à la propagande communiste dans ces deux établissements ».
Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux. Sur sa fiche des Renseignements généraux on peut lire « en relation avec des éléments du service hospitalier se livrant à la propagande communiste clandestine« .
Lors des interrogatoires de la Brigade spéciale, François Le Bris déclare n’avoir jamais été membre du Parti communiste, mais seulement sympathisant.
Au cours de la perquisition, les policiers trouvent quatre tracts différents du Parti communiste, que son épouse dit avoir trouvé sur la voie publique.
Antoinette et François Le Bris sont inculpés par le commissaire de police commandant la BS, d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939 (dissolution du Parti communiste), mais laissés libres : «Attendu qu’il est établi par les tracts trouvés au domicile des époux Le Bris et par les déclarations même de Le Bris qui avoue ses sympathies à l’égard des doctrines communistes que les époux Le Bris exerçaient une activité certaine en vue de la diffusion des mots d’ordre de la IIIème Internationale, les inculpons d’infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939. Mais attendu que cette activité ne s’est manifestée par aucun acte récent, les laissons libres, à charge par eux de déférer à toute convocation de Justice».
Et François Le Bris demeure donc sous la surveillance de la police de Vichy.
Il est à nouveau arrêté le 28 avril 1942 lors d’une rafle organisée par l’occupant dans tout le département de la Seine, à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff). Lire : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)
Les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages et procèdent à cette rafle en région parisienne (387 arrestations) qui touche pour l’essentiel des militants arrêtés une première fois par la police française pour activité communiste depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Plusieurs hospitaliers font partie des personnes arrêtées.
François Le Bris est amené le jour même au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). Il y reçoit le matricule « n° 4037 ».
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, François Le Bris est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45 745 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est donc possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
François Le Bris meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 133). Après la guerre, l’état civil français n’ayant pas connaissance de sa déportation, fixe son décès au 5 juillet 1942 à Compiègne. La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 27 décembre 1993 paru au Journal Officiel du 18 février 1994). Cet arrêté «corrige» sa date officielle de décès en «décédé à Auschwitz le 11 juillet 1942 et non le 6 juillet 1942 à Compiègne» (soient les 5 jours ajoutés à la date de départ prévus par le Ministère en cas d’ignorance de la date de décès). Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans le «Death books» (qui correspond au registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
A la Libération, son nom est donné à l’ancienne maternité de l’Hôtel-Dieu.
Une plaque, apposée en 1999, honore le «personnel de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris tombé dans les différentes guerres et victime durant l’Occupation de restrictions, dénonciations, internements, déportations, et aux trente-huit résistants fusillés, symbole de cet engagement».
Sources
- Ivry fidèle à la classe ouvrière et à la France, supplément au numéro 1319 du Travailleur d’Ivry brochure, 120 pages, Ivry, 1977 : p. 95.
- © Fiches de police des commissariats d’Ivry et Vitry. Musée de la Résistance Nationale : mes remerciements à Céline Heyten.
- Portrait : Fonds Maurice Thorez et Musée de la Résistance Nationale à Champigny.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
- © Site Internet «Légifrance.gouv.fr» © Ivry94.fr, le portail citoyen de la ville d’Ivry-sur-Seine et service des Archives municipales, esplanade Georges Marrane (1988 et 1992).
- Archives de la Préfecture de police de Paris. Brigades spéciales (BS1).
Notice biographique rédigée en 2007, mise en ligne en 2012, complétée en 2015, 2019, 2020, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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