Maurice Clouet : né en 1916 au Houlme (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), où il habite ; manœuvre, plombier ; adhérent des Jeunesses communistes et à la CGT ; arrêté comme otage la nuit du 20 au 21 octobre 1941 ; écroué à Rouen ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 31 août 1942.

 

Maurice, André Clouet est né le 18 juillet 1916 au Houlme (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), où il habite au 46, rue de la Vallée au moment de son arrestation.
Il est le fils de Louise, Alexandrine Lenud, 37 ans, lainière et d’Eugène, Adolphe, Julien Clouet, 42 ans, ouvrier teinturier. Il a une sœur, Eugénie et deux frères ainés, Adolphe (1902) et Henri (1903).
Maurice Clouet est ouvrier métallurgiste, plombier ou manœuvre selon Louis Eudier  (liste CGT).
Il a reçu une instruction primaire. Il a les yeux bleus, les cheveux châtain et mesure 1 m 71 (registre matricule militaire).
Adhérent des Jeunesses communistes de 1935 à 1937, il est également adhérent à la CGT.

Maurice Clouet au service militaire

Le 20 octobre 1937, il est appelé pour effectuer son service militaire au 155ème Régiment d’Infanterie.
Le 1er juin 1938, il est nommé soldat de 1ère classe.
Le 1er septembre 1938, il « passe » caporal. Le 1er février 1939, il est transféré au 91ème Régiment d’Infanterie (bataillon 105). 

A partir de 1935 il est membre de la « Lyre prolétarienne » groupe artistique composé d’ouvriers et d’ouvrières qui présentent des revues théâtrales dans les communes industrielles de la vallée du Cailly et en 1936 dans les usines occupées par les grévistes (information Alain Alexandre).
A la déclaration de guerre, il est mobilisé et rattaché au dépôt d’infanterie 21, puis au dépôt d’infanterie 23, le 3 décembre 1939. 

Le Houlme est à 10 km de Rouen où les troupes allemandes entrent le dimanche 9 juin 1940. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). A partir de l’année 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet régional, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.

Maurice Clouet est démobilisé dans la commune de Saramon (Gers).
Il se marie au Houlme le 30 novembre 1940, à l’âge de 24 ans, avec France, Blanche, Henriette Deschamps, ouvrière d’usine âgée de 21 ans, née le 22 mars 1919 et domiciliée au 85, route de Dieppe au Houlme où elle est née.

Pendant l’Occupation, Maurice Clouet est membre du Parti communiste clandestin, et distribue des tracts et des journaux.
Le 10 avril 1941, l’inspecteur de police spéciale Fernand M. note dans son rapport qu’une distribution de tracts et de papillons a eu lieu dans les communes de Malaunay et du Houlme dans les nuits du 9 au 10 mars et du 3 au 4 avril. « Les individus qui ont participé à ces distributions n’ont pu, en dépit de mes investigations, être identifiés à ce jour. Cependant, mes soupçons se sont portés sur un nommé Clouet Maurice».
Maurice Clouet est arrêté par la police française la nuit du 20 au 21 octobre 1941 comme «membre du Parti communiste». Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly) Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.

Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre les 21 et 23 octobre (1). Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). La moitié d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Maurice Clouet est interné à Compiègne le 25 octobre 1941. Il y reçoit le numéro matricule1909.

Le 8 décembre 1941, en réponse aux demandes du Haut commandement militaire dans le but de former un convoi de 500 personnes vers l’Est, la Feldkommandantur 517 de Rouen établit une liste de 28 communistes : «actuellement au camp de Compiègne et pour lesquels est proposé un convoi vers l’Est. Cette liste a été complétée de quelques personnes arrêtées à la suite de l’attentat du Havre du 7 décembre 1941». Le nom de Maurice Clouet y figure (document ci-contre).

Jeunes communistes à déporter vers l’Est

Le nom de Maurice Clouet figure également sur la liste des jeunes communistes nés entre 1912 et 1922, «aptes à être déportés à l’Est» à la suite de l’Avis du Commandant militaire allemand en France du 14 décembre 1941.

Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.

Depuis le camp de Compiègne, Maurice Clouet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 46228 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules.  Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage «Triangles rouges à Auschwitz». Lors de son enregistrement au camp, il se déclare comme plombier.

Maurice Clouet meurt à Auschwitz le 31 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 180).

Il a été déclaré « Mort pour la France» le 15 septembre 1948.
La  mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 19 octobre 1987, transcrit en 1989), acte de décès qui porte toujours la mention inexacte «mort en octobre 1942» : il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).

©Thierry Prunier / Mémorial Genweb

Son nom est également honoré sur le monument installé dans la cour de la fédération du PCF de Seine Maritime (33, place Général de Gaulle, Rouen) : avec ce poème de Paul Éluard (Enterrar y callar) qui accompagne les noms de 218 martyrs « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’ESPOIR et le Désespoir ». Mémorial du PCF à Rouen, Relevé Thierry Prunier.

l’Avenir Normand du 11 novembre 1949

En 1949, lors des cérémonies du 11 novembre et l’inauguration des monuments des déportés, son nom et celui de plusieurs déportés du Houlme et de Malaunay, est honoré par deux survivants des camps de la mort, le colonel Manhès, président de la FNDIRP et l’abbé Louis, secrétaire de la FNDIRP.

  • Note 1 : Deux de ses camarades du Houlme, internés à Royallieu, sont fusillés au début de 1942 : Lucien Levavasseur, né le 19 février 1910 à Montville, ancien secrétaire du syndicat CGT des textiles du Houlme, devenu secrétaire clandestin du syndicat CGT du textile des vallées du Cailly et de l’Austreberthe, qui habite 1, rue de la République au Houlme, est arrêté le 22 octobre 1941. Il est fusillé comme otage le 14 février 1942. Gustave Delarue, né le 13 décembre 1883 à Malaunay, militant syndical et conseiller municipal du Houlme, est arrêté en septembre 1941. Il est fusillé le 31 mars 1942 «dans la forêt de Compiègne» selon Louis Eudier.
    Dans son livre, celui-ci raconte que Gustave Delarue monta une revue à Compiègne – attendue avec impatience – pour le théâtre du camp. Le 31 mars 1942, à 5 heures du matin la Gestapo vient le chercher. «Il embrasse Roger Bonnifet et lui demande comme une faveur que sa revue soit jouée au théâtre du camp, comme si de rien n’était».

Sources

  • Mairie du Houlme : actes de naissance, mariage, décès (26 juin 1992).
  • Copie de son certificat de décès à Auschwitz établi au camp d’Auschwitz et destiné à
    l’état civil de la municipalité d’Auschwitz (ACVG).
  • Liste de déportés de Seine-Maritime établie à son retour de déportation par Louis Eudierin «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes) et pages 86 et 87.
  • Liste de militants de la CGT fusillés ou déportés pour leur action dans la Résistance établie par la CGT de Seine Maritime.
  • Liste d’otages du 8 décembre 1941 : CDJC (Centre de Documentation Juive Contemporaine) XLIII-56.
  • Liste des jeunes communistes nés entre 1912 et 1922, «aptes à être déportés à l’Est» 23/12/1941 (archives du CDJC. XLIV-198).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Internet «Mémorial-GenWeb».
  • Recherches et courriels de Jean-Paul Nicolas, syndicaliste, collaborateur du Maitron (Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français) : registre matricule militaire de Maurice Clouet).
  • Photo de Maurice Clouet militaire, collection Max Valentin. Envoi de Jean-Paul Nicolas (2016).
  • Documents concernant des « 45.000 » in : Alain Alexandre et Stéphane Cauchois « Résistance(s) : Rouen et sa région, la vallée du Cailly, entre histoire et mémoire (1940-1944) ». Editeur : L’écho des Vagues.
  • Par l’intermédiaire de Jean-Paul Nicolas, Alain Alexandre nous informe que la photo publiée dans leur livre comme étant celle de Maurice Clouet ne correspond pas à celui-ci : l’erreur résulte dans une présentation inhabituelle de trois photos sur une stèle en mémoire de plusieurs déportés, dont celle de Maurice Clouet, au cimetière du Houlme. Toutefois une photo de Maurice Clouet en compagnie de Gustave Delarue figure bien pages 16 et 17 de l’ouvrage.
  • La « Lyre prolétarienne », photo in  © La CREA, fascicule d’histoire n° 43.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire Vive » consacrée aux déportés “45000” et “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2012, 2017, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter la ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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