Matricule « 45 271 » à Auschwitz

 

Raoul Bonnamy © Palaiseau Mag’
Raoul Bonnamy à Auschwitz le 8 juillet 1942
Raoul Bonnamy : né en 1907 à Palaiseau (Seine-et-Oise / Essonne), où il est domicilié ; agent hospitalier ; communiste ; arrêté le 26 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt.

Raoul Bonnamy est né le 4 août 1907 à Palaiseau (Seine-et-Oise / Essonne) au 39, rue de Corbeil (devenue avenue de Stalingrad à la Libération) où il réside au moment de son arrestation. Il est le fils d’Augustine, Louise Marin, 22 ans, journalière et de Charles Bonnamy, 24 ans, journalier son époux.

En 1930, il est maçon, domicilié au 1, rue de l’Abbé Lambert à Palaiseau.
Il épouse Marguerite, Adolphine Chameroy (1) le 29 novembre 1930 à Palaiseau. Elle est infirmière, âgée de 31 ans, née le 21 février 1899 à Palaiseau, domiciliée à la même adresse.
Puis ils déménagent au où ils habitent au 39, rue de Corbeil.
Lors du recensement de 1936, le couple habite rue de Corbeil (n° 12 ou 13), Raoul travaille comme maçon chez Dumesny et Chapelle et son épouse est infirmière à l’Assistance Publique. La mère de son épouse habite avec eux deux.
Raoul Bonnamy est agent hospitalier temporaire entre 1937 et 1939 dans plusieurs hôpitaux dont l’hôpital Necker (Paris 15è). « Il travaille comme maçon avant de devenir garçon de salle, puis aide-soignant à l’hôpital Necker » (Palaiseau Mag’).
Il est membre du Parti communiste depuis 1937. Il et devient rapidement secrétaire de section. Il est gérant du journal des cellules communistes de Palaiseau, « Le Drapeau rouge ».
Georges Dudal qui fut déporté avec lui, pensait qu’il était conseiller municipal, mais ce n’est pas le cas. 

L’Humanité du 16 avril 1936
Annonce dans Le Populaire du 19 avril 1936

Par contre Raoul Bonnamy est très impliqué dans la vie associative locale. « Il est le fondateur de l’Union Sportive Ouvrière de Palaiseau, qui deviendra après-guerre l’Union Sportive de Palaiseau (in Wikimooc)Ci-contre des coupures de presse du « Populaire » des 13 et 19 avril 1936 et de l’Humanité, qui sollicitent un adversaire pour l’équipe de Rugby et annoncent un concours de boules, le challenge Albert, dont les inscriptions sont à prendre auprès de Raoul Bonnamy.

Le Populaire 13 avril 1936

 » Si le club fait la part belle au football, Raoul y anime aussi une section culturelle et un groupe de théâtre » (Palaiseau Mag’).
« Le 26 août 1939, Raoul Bonnamy est mobilisé comme sergent au dépôt d’infanterie n° 74 à Chaumont (Haute-Marne). Il est affecté successivement comme sergent instructeur à un peloton préparatoire d’élèves officiers de réserve à Humes, près de Langres, cadre
instructeur au centre d’instruction divisionnaire n° 13 en Alsace, sergent-chef auprès d’un peloton d’élèves caporaux et d’élèves sous-officiers. Le 24 mai 1940, il est versé au 21è régiment d’infanterie dans la Somme. Il y est blessé légèrement mais refuse d’être évacué. Lors de la débâcle, il est de nouveau blessé à Longpont (Essonne), d’où il est évacué d’abord à Châteauroux (Indre) puis à Montpellier (Hérault) et enfin à Sète, pour y être opéré le 27 juin 1940. Démobilisé à Albi (Tarn) le 13 août, il retourne chez lui le 22 août pour reprendre finalement son travail à l’hôpital Necker le 11 octobre
 » (in Wikimook).

Le 15 juin la gare de Juvisy est bombardée par la Luftwaffe. Le département de la Seine-et-Oise (une partie constituera l’Essonne le 1er  janvier 1968) est occupé malgré la résistance acharnée du 19ème régiment de tirailleurs algériens sous les ordres du colonel Chartier, qui ne capitulera – faute de munitions – que le 16 juin. Le 14 juin, l’armée allemande est entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Raoul Bonnamy est arrêté le 26 octobre 1940, à son domicile, par la police française, « comme communiste ».
Cette arrestation a lieu dans le cadre des rafles organisées à partir du 5 octobre 1940 (avec l’accord de l’occupant) par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine et de la Seine-et-Oise (élus, cadres du parti et de la CGT) avec la remise en vigueur du décret du 18 novembre 1939 sur «l’éloignement des suspects et indésirables».
Raoul Bonnamy est interné au camp d’Aincourt, en Seine-et-Oise, ouvert spécialement, le 5 octobre 1940 pour y enfermer les militants arrêtés. (Lire dans le site Le camp d’Aincourt).

Le 27 juin 1941, il est remis aux autorités allemandes à leur demande (au sein d’un groupe de 88 internés de Seine-et-Oise). Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

 Depuis le camp de Compiègne, Raoul Bonnamy est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45  157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Immatriculation le 8 juillet 1942 à Auschwitz, reconnue par sa nièce en 1990

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 271 » (Liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau : la photo avec ce numéro d’immatriculation probable a été reconnue par sa nièce en 1990).

Son matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard. Sa photo d’immatriculation (4) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

A Birkenau, d’après les souvenirs de Georges Dudal : il fut «tué à coups de matraque parce que remarqué à cause de sa physionomie : il avait un grand nez».
Il serait mort selon lui vers septembre ou octobre 1942. Mais d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 117), Raoul Bonnamy est mort à Auschwitz le 8 juillet 1943.
En tout état de cause, il était décédé avant le14 août 1943 (date de la quarantaine au Block 11 pour la quasi-totalité des Français survivants, dont nous connaissons tous les noms).

La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 30 septembre 1987).
Il est homologué (GR 16 P 70801) au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un
des mouvements de Résistance .
A Palaiseau, son nom a été donné à une place, située sur l’avenue de Stalingrad, à l’entrée de l’école Jules Ferry. Une cellule du Parti communiste a porté son nom, qui est inscrit sur le monument aux morts, situé dans le cimetière communal.

  • lettre de Marguerite Chameroy à un des rescapés du convoi, sans doute Georges Dudal

    Note 1 : Marguerite Bonnamy née Chameroy le 21 février 1899 à Palaiseau, fut agent de liaison de Roger Linet : « agent de liaison de la résistance FTPF. Elle logea des résistants recherchés avant d’être arrêtée le 31 janvier 1944 et conduite à Fresnes » (Le Maitron). Elle fut déportée à Ravensbrück le 31 janvier 1944 (matricule 27 067), puis transférée à Zwodau (près de Falkenau (Sokolov) sur l’Eger), où elle est libérée en mai 1945.
    Le 20 janvier 1946, elle écrivait une lettre poignante à l’un des rescapés (sans doute Georges Dudal) « ayant été moi-même déportée à Ravensbrück, je suis à même de comprendre. j’avais grand espoir de retrouver mon mari, c’est ce qui m’a permis de tenir« . Aujourd’hui , hélas, je n’ai plus d’espoir. Aujourd’hui quelques détails sur sa triste fin me seraient bien précieux« . Marguerite Bonnamy-Chameroy est décédée le 18 octobre 1985 à Longjumeau.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par sa nièce, Mme Clémence Chameroy (9 juillet 1990).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin, juin 2003. «Premier camp d’internement des communistes en zone occupée», Dir. C. Delporte. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités.
  • http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article17129, notice Bonnamy Raoul par Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 4 mai 2015.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb.
  • © Site internet Wikipedia, Wikimooc et Wikiwand, biographie de Raoul Bonamy.
  • Photo d’avant guerre de Raoul Bonnamy © in Palaiseau Mag‘ n° 94.
    • Registre d’état civil de Palaiseau / 1930, mariages.

Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018, 2022 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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