Matricule « 46 165 » à Auschwitz
Marcel Vaisse : né en 1902 à Paris 13è; domicilié à Paray-vieille-Poste (Seine-et-Oise / Essonne) ; tôlier-fumiste ; conseiller municipal communiste, 1er maire adjoint ; arrêté le 24 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, puis Dora-Mittelbau, Gross-Rosen, Bergen-Belsen ; il meurt dans le centre de rapatriement de Rheine, le 27 avril 1945.
Marcel Vaisse est né le 4 mars 1902 à Paris 13è au domicile de ses parents 37, rue du Banquier.
Il habite au 10 allée des Frênes à Paray-Vieille-Poste (Seine et Oise / Essonne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Floquet, 22 ans, blanchisseuse et de Paul, Clément Vaisse, 28 ans, garçon livreur, son époux.
Le 8 mai 1922, il est appelé pour effectuer son service militaire au 21e régiment d’Artillerie. Il est réformé temporaire le 24 mai pour albuminurie.
Il épouse Juliette Victorine Ramel le 7 juillet 1923 à Paris 5è.
Il a alors 21 ans, tôlier. Elle est infirmière, 27 ans, née le 20 septembre 1895 à Toul (Meurthe-et-Moselle).
Elle a un fils, Edmond, né à Toul en 1917 auquel Marcel Vaisse donne son nom.
Le 25 mai 1925, Marcel Vaisse est rappelé pour le service militaire au 22e bataillon d’ouvriers d’artillerie. Il est alors réformé définitif n° 2 pour « albuminurie persistante accompagnée de petits signes d’insuffisance rénale, éblouissements, vertiges, céphalées ».
Marcel Vaisse est artisan tôlier fumiste à Paray-Vieille-Poste.
«Militant communiste depuis 1925, secrétaire de la cellule de Paray, du 22e rayon (Villeneuve-Saint-Georges) en 1929, il fut élu conseiller municipal en 1928. Réélu en 1935, il devint premier adjoint. Suspendu en octobre 1939, puis déchu de son mandat municipal en 1940 pour appartenance au PC» (Le Maitron, notice de Jacques Médard).
En 1936, Marcel Vaisse, son épouse et son fils Edmond habitent 10, rue des Fresnes. Marcel Vaisse est alors patron monteur de chauffage central, et Edmond travaille comme géomètre chez Larousse.
Le 5 octobre 1939 le maire Léon Bertrand et tout le conseil municipal sont suspendus. A partir du 20 novembre 1939 et pendant toute l’Occupation, la commune est «administrée» (délégation spéciale présidée par M. Chrétien, puis par Marcel Souillat jusqu’à la Libération de Paray, le 24 août 1945).
Le 15 juin la gare de Juvisy est bombardée par la Luftwaffe. Le département de la Seine-et-Oise (une partie constituera l’Essonne le 1er janvier 1968) est occupé malgré la résistance acharnée du 19ème régiment de tirailleurs algériens sous les ordres du colonel Chartier, qui ne capitulera – faute de munitions – que le 16 juin. Le 14 juin, l’armée allemande est entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le maire Léon Bertrand est arrêté le 24 octobre 1940, par la police française, en même temps que l’ensemble du Conseil municipal (cinq d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Marcel Vaisse, Henri Dugrès, François Malard, Marcel Ouvrier, Eugène Tartasse. Cette arrestation a lieu dans le cadre des rafles organisées à partir du 5 octobre 1940 (avec l’accord de l’occupant) par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de la Seine et de la Seine-et-Oise (élus, cadres du parti et de la CGT) avec la remise en vigueur du décret du 18 novembre 1939 sur «l’éloignement des suspects et indésirables».
Marcel Vaisse est interné avec ses camarades, au camp d’Aincourt, en Seine-et-Oise, ouvert spécialement, le 5 octobre 1940 pour y enfermer les militants arrêtés.
Lire dans le suite Le camp d’Aincourt.
Le maire Léon Bertand est déporté en Algérie.
Le 27 juin 1942, Marcel Vaisse est remis aux autorités allemandes à leur demande : il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), avec 87 autres internés, dont ses camarades de Paray-Vieille-Poste. Depuis le camp de Compiègne, il est déporté à destination d’Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Vaisse est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Marcel Vaisse est enregistré à l’arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 (11 heures du matin) sous le numéro « 46 165 ». Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Le 13 juillet : «Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi» (Pierre Monjault). Compte tenu de sa profession, Marcel Vaisse est affecté au Block 22 A à Auschwitz I.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. <
Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 12 décembre 1943 les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Georges Gallot (45558) est formel : « Marcel Vaisse a été après la quarantaine au Block 11, au Kommando des Installateurs, Block 15« . Il se souvient qu’il avait subi des sévices graves : «Un coup de talon de botte entre les deux yeux : gros dépôt de sang».
Henri Gorgue (45617) a également témoigné de sévices dont il est victime, sans doute en mai, juin ou juillet 1944 (date d’arrivée des convois de Juifs de Hongrie) : Cf l’article du site : Marcel Vaisse tente de préserver une jeune Juive du viol des SS .
«Il vécut un véritable calvaire pour un acte de solidarité qu’il tentait pour secourir une jeune Juive hongroise. Un convoi de femmes Juives venant de Hongrie était réceptionné à Birkenau. Comme d’habitude, elles eurent à se dévêtir en plein air, puis rester ainsi, nues, à la merci des brimades et des ignominies des S.S. Ceux-ci choisissaient parmi elles, les violaient à tour de rôle. Notre camarade Vaisse qui travaillait à son kommando (« installateurs ») dans ce secteur du camp vit une jeune fille aux abois qui tentait de se dissimuler à l’arrière du groupe de femmes ayant déjà subi les outrages de ces messieurs de la « race supérieure ». Il voulut lui venir en aide. Comment Vaisse put-il se procurer une robe rayée, on ne sait, mais il parvint à la faire passer à la jeune hongroise. Pas assez vite sans doute : un S.S. a surpris le geste. Le bourreau tomba à bras raccourcis sur le déporté, lui administra une première raclée. Il fut ensuite puni de 20 coups sur les fesses données sur la place d’appel. Enfin lui furent infligés 15 jours de cachot au Bunker. Il en sortit vivant cette fois». Lire aussi dans le site L’aide des « 45 000 » aux femmes de Birkenau.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
On ignore l’itinéraire précis suivi par Marcel Vaisse lorsque la plupart des quelques cent cinquante « 45 000 » survivants ont été évacués d’Auschwitz entre l’été 1944 et janvier 1945. Compte tenu de l’ordre alphabétique utilisé (avec quelques exceptions) par l’administration SS pour organiser leurs transferts, il aurait dû être dirigé vers le camp de Flossenbürg, le 28 août 1944. Cependant, son nom ne figure pas sur la liste des 31 détenus – dont vingt-neuf « 45 000 » – transférés vers Flossenbürg – le 28 août 1944. On ignore quel fut son premier camp de transfert à partir d’Auschwitz. Il est possible que, malade, il n’ait pas été intégré à ce groupe qui devait normalement compter trente « 45000 », comme pour ceux des autres transferts d’évacuation des 45000 effectués en 1944 vers Sachsenhausen et Gross-Rosen.
Puisque l’on sait que Marcel Vaisse a été détenu par la suite au camp de Mittelbau-Dora, on peut en déduire qu’il faisait partie de la dizaine de « 45000 » évacués d’Auschwitz vers Gross-Rosen le 17 janvier 1945. Il est détenu au camp de Gross-Rosen jusqu’au 8 février 1945 d’où il est évacué le 9 février 1945 vers le camp de Dora (1).
A son arrivée le 11 février 1945, il est immatriculé sous le numéro « 111 038 ».
En avril 1945, le camp de Mittelbau-Dora est évacué : la plupart des déportés de Mittelbau-Dora (40 000 détenus) sont évacués le 4 ou le 5 avril dans des convois de camions qui finissent par arriver à Bergen- Belsen autour du 10 avril.
Marcel Vaisse y est libéré le 15 avril 1945 par les Britanniques, très probablement au « camp des casernes » et plutôt qu’au KL.
C’est au cours de son rapatriement par camions partis de Bergen-Belsen (camions dirigés vers Bruxelles puis Lille), qu’il décède dans le centre de rapatriement de Rheine (Allemagne), le 27 avril 1945.
Il est inhumé au champ d’honneur des Etrangers d’Eschendorf (rangée 6, tombe 4).
Il a été déclaré «Mort pour la France». Marcel Vaisse a été homologué «Déporté politique» en 1954.
La mention “Mort en déportation” est apposée sur son acte de décès (J.O. du 23 juin 2001).
Son nom figure sur le monument aux morts du cimetière de Paray-Vieille-Poste, ainsi que sur le monument de la place Maxime Védy, avec celui de 12 autres de ses camarades, fusillés ou mort(e)s en déportation.
L’ancienne allée des Fresnes où il habitait porte son nom dès octobre 1944, à l’initiative du maire Léon Bertrand revenu de déportation. Sa veuve, Juliette Vaisse y habitait toujours au n° 10 en 1954. Elle est décédée en 1962 à Paray.
Note 1 : Le camp de Dora, situé près de Nordhausen, est créé en août 1943 comme camp annexe de Buchenwald, puis devient un camp autonome à partir du 28 octobre 1944 sous le nom de Mittelbau.
Sources
- Témoignage d’Henri Gorgue recueilli par Roger Arnould (11 janvier 1973).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997.
- Mme Janine Henin professeur d’Histoire : envoi d’informations et d’une partie de la maquette du livre «Paray d’hier et d’aujourd’hui» / Collectif, Henin (J.), coord. Ville de Paray-Vieille-Poste, 1988.
- FNDIRP Paray (M. Balland 25 octobre 1988)
- Liste du Mouvement de Libération Nationale: dossier AU2.
- Mémoire de maîtrise d’Histoire sur Aincourt d’Emilie Bouin- Juin 2003 – Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines / UFR des Sciences sociales et des Humanités
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
- © Archives de Paris en ligne.
- Registre matricule militaire, 3e bureau, n° matricule « 2504 ». Recherches en salle de lecture effectuées par Daniel Depaux.
- Laurent Thierry, historien de la Coupole et du futur dictionnaire des détenus de Dora-Mittelbau (mars 2019).
Notice biographique rédigée en août 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com