Matricule « 45 732 » à Auschwitz
Antoine Laurent : né en 1902 à Charmes (Vosges) ; domicilié à Commercy (Meuse) ; jardinier ; communiste ; arrêté le 23 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 12 avril 1943
Antoine, Paul, Camille Laurent est né le 15 décembre 1902 à Charmes (Vosges). Il habite à l’Ecole normale de Commercy (Meuse) au moment de son arrestation. Il est le fils de Marie, Augustine Pauly, 19 ans et d’Arthur, Alfred Laurent, 26 ans, chauffeur, son époux. Ses parents habitent faubourg de Nancy à Charmes.
Conscrit de la classe 1922, il est recensé sur le bureau de recrutement d’Epinal avec le matricule 902.
Le lundi 21 avril 1924 à Charmes (Vosges), il épouse Marie-Eugénie Claude-Durupt, née le 15 juin 1904 à Epinal (Vosges), reconnue par le mariage de ses parents Paul Emile Claude et Marie-Angèle Durupt en 1905. Le couple a deux garçons (André, né le 12 décembre 1921 et Gervais, né le 20 janvier 1925).
Antoine Laurent est électricien (acte de décès) ou jardinier (selon son fils) à l’Ecole normale de Commercy.
Membre du Parti communiste depuis 1923, il est secrétaire de la section de Commercy et membre du Comité régional du Parti Communiste depuis le 5 décembre 1937. Il est le candidat du Parti communiste à l’élection des conseillers d’arrondissement du 10 octobre 1937.
Fin juin 1940, La Meuse est occupée : elle est avec la Meurthe-et-Moselle et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté. La présence militaire, policière, administrative et judiciaire de l’occupant y est nettement plus importante que dans le reste de la zone occupée. La région est essentiellement agricole et le Parti communiste (3 % des voix aux élections de 1936) y est presque inexistant. Son activité est pratiquement interrompue après l’arrestation, entre le 21 et le 23 juin 1941, de vingt communistes qui sont internés à Compiègne, antichambre de la déportation. Parmi eux : Jules Allaix, Lucien Bonhomme, Adrien Collas, Pierre Collas, Charles Dugny, Henri Fontaine, Antoine Laurent, Pierre Lavigne, Jean Nageot, Jean Tarnus, qui seront tous déportés à Auschwitz, le 6 juillet 1942.
Antoine Laurent est arrêté à son domicile par la police allemande le 23 juin 1941, à 7 h du matin (son épouse a raconté l’arrestation à son fils André, absent à ce moment là). Trois autres militants communistes de Commercy sont arrêtés en même temps que lui (Marcel Briand, Georges Charles et Morteu ou Marteau (1).
Leurs arrestations ont lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands, avec l’aide de la police française, arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (la Prison de Saint-Mihiel pour Antoine Laurent), les meusiens sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Selon Henri Pasdeloup(2), le groupe des meusiens est immatriculé le 28 juin 1941 entre les numéros 542 et 564.
Antoine Laurent reçoit à Compiègne le numéro « 542 » qu’il indique au bas de sa lettre.
Son fils André a recopié sa dernière lettre, « griffonnée au crayon sur une feuille de carnet de poche », écrite le 6 juillet 1942 entre Châlons et Commercy, qu’il jette dans une boite de camembert vide sur la voie en gare de Lérouville. Elle est recueillie et acheminée à sa famille par un employé des Chemins de fer. Antoine Laurent y mentionne la présence dans le wagon de deux de ses camarades meusiens (« Lavigne, l’instituteur et Dugny de Lérouville » et écrit que trois autres de ses camarades meusiens ne sont pas dans le convoi « Briand, Marteau et Moreuille ne le sont pas ». Il signe « A. Laurent, un forçat, N° 542 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Antoine Laurent est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 732 ». Il se déclare de confession catholique et électricien comme métier exercé (sans doute sur les conseils des déportés qui assurent l’enregistrement).
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Antoine Laurent meurt à Auschwitz le 12 avril 1943 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts) Tome 2 page 698). Selon Albert Morel, un rescapé originaire de Lure, qui en a témoigné à son épouse, il est mort à l’infirmerie « il ne pesait plus que 38 kg alors qu’il en pesait 80 avant son arrestation ». La date du 9 avril 1943 qui figure sur son acte de décès établi le 14 septembre 1946 a été retenue depuis par l’arrêté du 4 novembre 1993 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes de décès, paru au JO du 4 janvier 1994.
Antoine Laurent a été déclaré « Mort pour la France » le 27 septembre 1949.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de Commercy, place de la République. Son fils aîné, André, démobilisé de l’armée d’Armistice, est déporté du travail (STO) en Allemagne le 3 mars 1943. Son cadet, entre dans la Résistance en 1944. Il est décédé en 1963.
- (1) Noms manuscrits à l’orthographe incertaine.
- (2) Henri Pasdeloup, cheminot de Saint-Mihiel (Meuse), est arrêté le 23 juin 1941 par la Gestapo. Interné à Compiègne il est
déporté à Sachsenhausen (n° 59206), récit sur le départ des « 45000 », in « Sachso », page 36, par l’Amicale d’Oranienburg-Sachsenhausen.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par son fils André Laurent (7 février 1989).
- Lettre jetée du wagon datée du 5 juillet 1942, recopiée par son fils.
- Témoignage d’Albert Morel, rescapé du convoi.
- Témoignages de Mme Collin et Dugny.
- « Death Books from Auschwitz », Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997 et Tome 33, page 344
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2010, 2015, 2018 et 2021 ; Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com