Matricule « 45 364 » à Auschwitz
Bernard Chauveau : né en 1920 à Tours (Indre-et-Loire) ; domicilié à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) ; jeune communiste ; arrêté dans la nuit du 9 au 10 février 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt, le 19 septembre 1942.
Bernard Chauveau est né le 4 mars 1920 au 6, rue des Cerisiers à Tours (Indre-et-Loire) au domicile de ses parents.
Il habite au 60, avenue du Canal à Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Solange, Marie Duplaix, 28 ans, couturière née à Lacs (Indre) le 11 juillet 1892, et de Louis Chauveau, 30 ans, né le 14 mars 1890 à Sainte-Maure (Indre-et-Loire), employé de commerce, puis employé des Chemins de fer d’Orléans, son époux. Il a un frère aîné, Lucien, né en 1914. Leurs parents se sont mariés à Tours cette même année, le 30 mai.
Bernard Chauveau est célibataire.
Il adhère aux Jeunesses Communistes, dont son frère, Lucien, imprimeur, en est le secrétaire départemental (Lucien Chauveau est né en 1914, arrêté puis écroué, il meurt pendant son hospitalisation à Beaumont-la-Ronce, le 1er décembre 1942).
Il habite au 60, avenue du Canal après 1936 (la famille ne figure pas à cette date sur le recensement de 1936).
Entre le 10 et le 13 juin 1940, Tours est la capitale provisoire de la République. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Une partie du centre de la Tours est totalement détruite par des obus incendiaires allemands les 20 et 22 juin. La Wehrmacht entre dans Tours le 21 juin 1940.
Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Indre-et-Loire fait partie des 13 départements dont le territoire est partagé par une « ligne de démarcation », en deux zones : une zone occupée par les Allemands et une zone « non occupée » dite libre, sous l’autorité du régime de Vichy. Dès juillet 1940, un commandement militaire est installé en Indre-et-Loire.
Actif pendant l’Occupation (il diffuse des tracts clandestin, fait des inscriptions sur les murs), Bernard Chauveau est arrêté dans la nuit du 9 au 10 février à son domicile par la police allemande, à la suite de la mort d’une sentinelle allemande, rue du Hallebardier à Tours.
Lire dans le site : 37- Indre et Loir : L’attentat de la rue du Hallebardier à Tours (janvier1942)
50 otages sont désignés (40 Juifs et 10 communistes). A Fontevraud, 6 communistes sont exécutés le 22 février en représailles.
A Tours, les otages communistes sont enfermés à la caserne du 501è RCC au champ de Mars, puis à la prison de Tours.
C’est là que Maxime Despouy (un jeune communiste arrêté en 1941 et qui purge une peine de 12 mois) écrit : « c’est là que je revis André Marteau plusieurs fois pour lui passer à manger. Je le revis avec plusieurs camarades, Chauveau Bernard, Mazein Jacques, Séguin et bien d’autres qui ne devaient jamais revenir » (lire dans le site le récit de Maxime Despouy, écrit à Poitier le 23 juin 1945). L’arrestation d’André Marteau le 24 juin 1941
Les 10 otages communistes sont dirigés le 17 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otage. Il s’agit de Maurice Hayot (41 ans), Bernard Chauveau (22 ans), André Marteau(20 ans), Jacques
Mazein (22 ans), Roger Morin (30 ans), Stanislaw Tamowski, Roger Legendre (40 ans), Gaston Letondu (44 ans), Hilaire Seguin dit Gaby (41 ans), Roger Huart et Marcel Rossignol (ancien Brigadiste, il s’évadera par un tunnel à Compiègne le 22 juin 1942 avec 17 autre internés). Jacques Levy et Roger Sommer, deux des 40 otages Juifs, qui sont internés au camp C à Compiègne, seront eux aussi déportés dans le convoi du 6 juillet 1942.
A la demande des autorités allemandes, ils sont en effet dirigés le 17 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otages. « Marteau et Chauveau sont venus me parler à travers le guichet de la porte de ma cellule. Je ne devais plus les revoir».
A Compiègne, il reçoit le matricule n° 3864.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Bernard Chauveau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 364 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Bernard Chauveau meurt le 19 septembre 1942 selon les registres du camp (date reprise par son acte de décès communiqué par la mairie de St Pierre des Corps et l’arrêté du 8 octobre 1987, publié au JO du 14 novembre 1987 portant apposition de la mention « mort en déportation ».
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Dans la « Voix du Peuple » du 19 mai 1945 qui rend hommage aux 9 déportés d’Indre et Loire, Jean Mazein le père de Jacques Mazein, signe un appel à « venger nos morts» , où il dénonce l’indulgence à l’égard de Pétain, maréchal félon, « qui doit être jugé par un tribunal du peuple et mourir comme un traître sous les balles d’un peloton d’exécution».
Une plaque avenue de la République à St-Pierre-des-Corps porte son nom. Le site internet du PCF de Touraine honore sa mémoire.
Sources
- Maxime Despouy, témoignage de 1945.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau de la division des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (N°31894, N°68).
- Certificats de naissance et de décès.
- Tirage photo d’avant guerre, transmise par Jean Claude Guillon.
- Journaux locaux 1942 et 1945 (sources Robert Guérineau).
- Enquêtes de Robert Guerineau (1980) et Jean-Claude Guillon (1980), (bibliothécaire retraité, membre de l’Institut CGT d’histoire sociale en région centre, collaborateur du Maitron), fils de Jean Guillon, membre du « triangle » de direction du PC pour l’Indre-et-Loire, condamné à mort par contumace, arrêté sous un faux nom et déporté à Mauthausen. Il fut député en 1945.
- « L’Indre-et-Loire sous l’occupation allemande » de Robert Vivier (Inspecteur d’Académie en 1942, Préfet à la Libération, correspondant du comité d’Histoire de la IIème guerre mondiale), liste des otages Juifs.
- Courriers de Roger Prévost, (Déporté résistant, ancien de Sachsenhausen, de l’ADIRP d’Indre-et-Loire (1981 et 1991, 1993).
Notice biographique rédigée en octobre 2010 (complétée en 2017, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé).
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