Raymond Vinche : né en 1913 à Noyon (Oise), où il habite ; métreur, conducteur de travaux ; international de Basket-ball ; Cgt , communiste ; arrêté le 7 juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.
Raymond Vinche est né le 20 janvier 1913 à Noyon (Oise).
Il habite au 7, rue de Metz à Noyon au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Élise Lampemesse, 35 ans, et d’Étienne Vinche, 41 ans, manouvrier puis camionneur, son époux.
Il a un frère et une sœur : Arthur, né en 1903, et Étiennette, née en 1917, tous deux à Noyon.
Après des études primaires, Raymond Vinche exerce le métier de menuisier. Puis il est métreur, ensuite conducteur de travaux dans le bâtiment.
En 1931, il habite chez ses parents, chemin de l’Éperon à Noyon. Il est alors menuisier chez Anglès.
Raymond Vinche adhère au Parti communiste en 1934 et en devient un des militants les plus actifs dans le Noyonnais. Il milite également à la CGT (il en est un des responsables en 1936).
Il est international de basket avant-guerre (vraisemblablement au sein de l’équipe du sport travailliste qui devait participer aux Olympiades populaires de Barcelone, organisées pour protester contre les JO de Berlin). En 1938, il reçoit une « lettre de félicitations accordée pour services rendus aux sociétés d’Education physique et de préparation militaire » (J.O. du 14 juin 1938).
« Dès le début juin 1940, l’Oise est envahie par les troupes de la Wehrmacht. Nombre de villes et villages sont incendiés ou dévastés par les bombardements. Département riche en ressources agricoles, industrielles et humaines l’Oise va être pillé par les troupes d’Occupation. Ce sont les Allemands qui disposent du pouvoir réel et les autorités administratives françaises seront jusqu’à la Libération au service de l’occupant » (Françoise Leclère-Rosenzweig, « L’Oise allemande »). Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’Occupation, «l’une des premières organisations et sans doute la plus active dès le début de la guerre sera celle des communistes menée par le couvreur André Dumontois, principal récupérateur d’armes et de munitions dans le Noyonnais» (in « établissements.ac-amiens« ). Parmi les militants qui font partie de ce groupe on note les noms de Maurice Leleu et de Raymond Vinche.
Raymond Vinche est arrêté le 7 juillet 1941, par des gendarmes français, en même temps que d’autres militants communistes noyonnais, René Masse, Maurice Leleu, Henri Drapier, Maurice Quatrevaux, René Roy.
Raymond Vinche est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent le 16 juillet 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). A Compiègne, il reçoit le numéro matricule « 1293 ».
Son nom est inscrit sur la liste de recensement (décembre 1941) des jeunes communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922 «aptes à être déportés à l’Est», en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC IV 198).
Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux (1) de Beauvais a transmis au Préfet Paul Vacquier 66 fiches individuelles concernant des internés au Frontstalag 122 à Compiègne, que le Préfet transmet au Feldkommandant.
Parmi ces fiches on peut lire sur celle de Raymond Vinche « Ex-secrétaire appointé de la cellule et du rayon communiste de Noyon. Propagandiste très actif ». Dix huit autres de ces militants au passé communiste signalés les RG seront déportés à Auschwitz.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Raymond Vinche est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro «46184 ??» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Raymond Vinche est affecté au camp principal d’Auschwitz.
Il meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1277), dans les jours qui suivent une importante «sélection» des «inaptes au travail» destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau.
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé en octobre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 1er mars 2002). Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Le 8 juillet 1973, un hommage public est rendu au carrefour des rues Gabriel-Fauré et des Sept-Péchés-Capitaux au groupe de cinq résistants communistes (FTPF), dont Raymond Vinche, mené par André Dumontois, arrêté le 4 ou 5 octobre 1941 (Archives municipales 2W7).
Le 24 avril 1975 sont gravés sur les plaques dans la crypte du monument aux morts les noms des vingt combattants et douze déportés dont Raymond Vinche nés à Noyon « Morts pour la France » pendant la Seconde Guerre mondiale (Docteur Jean Lefranc, «Chroniques noyonnaises», in Comptes rendus et mémoires, Noyon, Société Archéologique, Historique et Scientifique de Noyon, tome 36, 1990, p 87.
Inaugurées le 13 juillet 2013, trois stèles situées dans le carré militaire du cimetière rue de Lille honorent les combattants, les résistants et les déportés « Morts pour la France » de toutes les guerres inhumés dans les deux cimetières de Noyon.
Une rue de Noyon porte son nom (cf photo au début de la notice biographique).
Ci-contre une coupure de presse du Parisien Libéré, transmise par M. Fabien Crinon, secrétaire de la Société Historique, Archéologique et Scientifique de Noyon : elle relate la cérémonie d »inscription sur le monument aux morts des noms de Raymond Vinche, Maurice Quatrevaux et René Roy ainsi que celui du capitaine André Dumontois qui commandait leur groupe.
- Note 1 : Georges Gourdon, rescapé du convoi, porte plainte à la Libération contre l’ancien commissaire de police de Creil et son secrétaire qui ont pris part à son arrestation et celle de Marcel Bataillard, Paul Crauet, André Gourdin, Cyrille De Foor, Marc Quénardel. Les deux policiers sont condamnés à 15 ans de prison (ce type de peine sera levé au début des années 1950 par les lois d’amnistie votées par le Parlement).
Sources
- Correspondance avec Jean-Pierre Besse, chercheur à Creil, collaborateur du Maitron (communication de ses recherches aux archives départementales de l’Oise).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Témoignage de Maurice Rideau ( 22 mai 1982)
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 43, page 270.
- Site internet sur la résistance dans le noyonnais : etablissements.ac-amiens.fr/0600040t/resistance/1941.htm
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Courriel de M. Fabien Crinon, secrétaire de la Société Historique, Archéologique et Scientifique de Noyon : photographies et informations (septembre 2013).
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Photographie de la crypte du monument aux morts, des stèle et de la plaque de rue © Fabien Crinon.
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© Photographie de Raymond Vinche, agrandissement du Parisien Libéré, archives de l’ANACR, envoi de M. Cl. Fabien Crinon
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007 complétée* en 2013, 2018 et 2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com. * Complétée en septembre 2013 grâce aux éléments communiqués par M. Fabien Crinon, secrétaire de la Société Historique, Archéologique et Scientifique de Noyon.