Matricule « 46 238 » à Auschwitz Rescapé
André Gaullier : né en 1921 à Ormes (Loiret), où il habite au moment de son arrestation ; cimentier-boiseur ; communiste ; arrêté le 1er juillet 1941, arrêté le 4 mai 1942 comme otage communiste ; interné à Orléans, Châteaubriant, Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Flossenbürg, Buchenwald ; rescapé ; décédé le premier septembre 1981.
André Gaullier (dit « canard ») est né le 11 février 1921 à Ormes (Loiret). Il habite Route nationale à Ormes au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Philomène Pelletier et de Georges, Elie Gaullier, son époux.
André Gaullier est cimentier boiseur, puis couvreur et travaille à la base aérienne de Bricy (Loiret).
Membre du Parti communiste, il est sportif, basketteur.
De 1937 à juin 1940, André Gaullier travaille au camp d’aviation d’Orléans-Bricy, aérodrome militaire (base aérienne 123) employé par différentes entreprises de travaux publics : Legrand, Bollard, La Parisienne et l’Électro-Mécanique…
Pendant l’exode de juin 1940, comme il n’est pas mobilisable, il part avec ses parents pendant trois semaines chez son oncle, Joseph Gaullier, cultivateur à Montrieux (Loir-et-Cher).
Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Revenu à Ormes, de juillet à novembre 1940, André Gaullier travaille alors comme ouvrier chez Henri Terrasse, fumiste rue Saint-Marc à Orléans. S’éatant retrouvé au chômage, André Gaullier se fait embaucher par une entreprise de travaux publics qui travaille sur l’aérodrome d’Orléans-Bricy, réquisitionné par la Luftwaffe.
Sollicité par Louis Lebreton, de Lamotte-Beuvron, à la demande de Marcel Boubou, il entre dans la lutte clandestine en 1941 : Marcel Boubou et Robert Dubois, sont responsables du triangle de direction de son groupe, au sein duquel il mentionne également Delaporte, Henri Delamotte, d’Ormes, Lucien Vannier et Louis Lebreton. Il diffuse en particulier des tracts anti-allemands.
Le 17 avril 1941, la gendarmerie mène une enquête à la suite de distributions de tracts communistes. Le 19 avril, le Préfet du Loiret prend un arrêté d’internement administratif à l’encontre d’André Gaullier et de Roger Pinault (22 ans), habitant également à Ormes. Le 21 avril 1941, à 18 heures, André Gaullier est arrêté chez ses parents par deux gendarmes de la brigade de Cercottes (Loiret), gros bourg voisin. Roger Pinault est arrêté le même jour.
André Gaullier est arrêté par des gendarmes français à Ormes le 21 avril 1941 pour « propagande communiste » avec Roger Pinault, quelques jours après Maurice Graffin Il a toujours pensé qu’il avait été dénoncé. Il est écroué à la prison d’Orléans.
Puis il est interné (avec Maurice Graffin et Roger Pinault selon le témoignage d’André Bolze) au camp de Choisel à Châteaubriant le 14 mai 1941 avec ses deux camarades. Il y reçoit le matricule n° 720).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Lire dans le site les deux articles : Du camp de Choisel de Chateaubriant à Auschvitz, via Compiègne et Camp de Choisel, les photos de Maurice Guy et l’hommage aux fusillés de Châteaubriant.
Dans le premier article on lira un texte caché dans les « Maximes de La Rochefoucault » qui nous est parvenu : « 7 avril 1942 : Aujourd’hui encore, trois de nos meilleurs camarades nous sont enlevés, trois jeunes gars de vingt ans, originaires d’Orléans. Nous apprenons quelques jours plus tard qu’ils n’ont pas été fusillés, mais ce sursis durera-t-il ? Voilà les noms de ces trois petits copains : GAULLIER André, PINAULT Roger, GRAFFIN Maurice. Ils avaient été convoqués au bureau pour 8 h. 30 avec leur nécessaire de toilette et les Allemands sont venus prendre cette livraison de chair fraiche et leur mirent les menottes dans le dos ».
Les autorités allemandes les internent au camp allemand de Royallieu (le Frontstalag 122) à Compiègne, le 18 avril 1942, en vue de leur déportation comme otage.
Depuis ce camp, André Gaullier va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, André Gaullier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Article du site : Les wagons de la Déportation
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricuke « 46 238« .
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
A Auschwitz I, il a la jambe cassée et le pied gauche fracturé en 1943. Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du site « les 45 000 au block 11« .
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45.000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45.000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.
Le 28 août 1944, André Gaullier est transféré à Flossenbürg, où il arrive le 31 août 1944 avec un groupe de 30 autres « 45.000 »… : il s’agit de Georges Hanse (45653-19907), Jules Le Troadec (45766-19887), Albert Morel (45895-19885), Louis Paul (45952-19902), Henri Peiffer (45956-19 878), Roger Pelissou (19 908), Etienne Pessot (19 880), Gustave Raballand (19 904), Maurice Rideau (19 888), Mario Ripa (19 884), Jean Rouault (19 890), Georges Rousseau (19 895), Camille Salesse (19 898), André Seigneur (19 892), Stanislas Slovinski (19 883), Stanislas Tamowski (19 886), Jean Tarnus (19 881), Marcel Thibault (19 889), Léon Thibert (19 894), Gabriel Torralba (46264-19900), Lucien Tourte (19 906), Antoine Vanin (19 899), Lucien Vannier (46173-19903), Pierre Vendroux (46184-19 879), Francis Viaud (46190-19905). Jean Bach (46217-19882), Roger Debarre (46231-19893), Louis Faure (46234-19896), André Gaullier (46238-19891).
Sur la carte on lit nettement la mention « RSHA », comme étant l’organisme responsable de sa déportation à Auschwitz, ce qui apporte la preuve que le convoi du 6 juillet 1942 n’est pas un convoi « NN ».
Puis, il est ensuite transféré directement le 1er novembre à Wansleben, Kommando dépendant de Buchenwald : André Gaullier y reçoit le matricule (93 417), avec Jules Le Troadec (93 419), Henri Peiffer (93 420), Gustave Raballand (93 418), Maurice Rideau (93 421), Jean Rouault (93 422), Georges Rousseau (93 423), Stanislas Tamowski (93 413), Lucien Tourte (93 425), Lucien Vannier (93 427), François Viaud (93 248).
Il est affecté au Kommando KLB.
Le 12 avril 1945 commence une épuisante et mortelle marche, et André Gaullier s’évade, durant la nuit, en compagnie de Maurice Rideau. Avec son camarade, ils portent un des évadés, trop faible pour marcher.
Les troupes américaines les prennent en charge, et les ramènent à Nordhausen et Dora.
Alors que ses compagnons regagnent la France, il reste à Merseburg, et accompagne « jusque dans son pays une déportée belge complètement désemparée » (récit de Maurice Rideau).
Le 8 mai 1945, il est à Paris à l’hôtel Lutétia.
André Gaullier a été homologué « Déporté politique« .
Le 23 février 1946, il épouse à Orléans Anna Maestri (1926-2019). Elle est née à Saran (Loiret) le 1er juin 1926.
Fortement traumatisé, la réinsertion d’André Gaullier a été difficile, comme en a témoigné Maurice Rideau, rescapé, qui ajoute « Heureusement notre camarade Henri Gorgue l’a pris en main« , soulignant ainsi la profonde solidarité entre les rescapés, maintenue de longues années durant.
Le mariage d’André Gaullier est dissous le 6 juin 1961.
Il est décédé le premier septembre 1981 à Marsais (Charente-Maritime).
La photo d’André Gaullier, prise peu après la Libération, a été remise par Maurice Rideau en 1982 à Roger Arnould, quelque temps après le décès de son ami. Roger Arnould me l’a transmise
Sources
- Sa fiche d’otage portant mention : Loiret 5 et indiquant le transfert de Chateaubriant à Compiègne (le 18 avril 1942). XLIV – 62 CDJC / Fonds état major allemand.
- Echange de courriers avec M. Louis Oury, écrivain, à la suite de ses recherches aux archives de Nantes et celles du camp de Châteaubriant (dossiers, bordereaux), en avril et mai 1991.
Témoignage d’André Montagne - Témoignages recueillis par Roger Arnould (16 mai 1973)
- Souvenirs de Maurice Rideau (1982)
- Bureau de la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel), 1992.
- André Bolze, récit : « De la Seine à l’Elbe » (MRN Champigny).
- Archives départementales du Loiret, Orléans : Internements administratifs, listes, dossiers individuels.
- © International Center on Nazi Persecution, Bad Arolsen Deutschland
Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2015, 2018, 2019 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com