Matricule « 46 088 » à Auschwitz Rescapé
Raymond Saint-Lary : né en 1920 à Montrouge (Seine / Hauts-de-Seine) ; domicilié à Fresnes (Seine / Val-de-Marne) ; jeune communiste ; arrêté le 6 septembre 1940, relaxé, arrêté le 22 novembre 1941, relaxé, arrêté le 28 avril 1942 comme otage communiste ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Mauthausen Ebensee, rescapé ; décédé le 22 février 2001 à Corbeil.
Raymond Saint-Lary est né le 13 novembre 1920 à Montrouge (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine). Au moment de son arrestation, il habite chez ses parents au 24, rue Albert Thomas à Fresnes (Seine / Val-de-Marne).
Il est le fils d’Alix, Albertine Dubras, née le 23 octobre 1893 à Nîmes (décédée le 13 sept. 1971 à Fresnes) et de Jean, Henri Saint-Lary, né le 13 novembre 1887 à Nîmes, garagiste (décédé le 25 avril 1972 à Fresnes. Il a un frère, Albert, Jean, né à Nîmes le 22 juillet 1910. Leurs parents se sont mariés à Montrouge, le 29 avril 1912.
Raymond Saint-Lary travaille comme mécanicien. En 1936, la famille habite au 24, Voie Verte à Fresnes (ou à Paris Paris 14ème). Son frère habite à Maisons-Alfort et travaille au PLM.
Raymond Saint-Lary est adhérent à la Jeunesse communiste, son père est un militant « communiste notoire » selon les Renseignements généraux.
Le 13 juin 1940 les troupes de la Wehrmacht occupent Créteil et Fresnes le 15 juin (elles investissent également la prison). Le 14 juin elles sont entrées dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès l’occupation allemande, des inspecteurs de la Brigade spéciale des Renseignements généraux (lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux) s’attachent à reconstituer l’organigramme des cercles des Jeunesses communistes avant guerre.
Sur le document ci-dessous qui concerne les Jeunesses communistes de Suresnes, son nom est mentionné avec une adresse modifiée (Fresnes au lieu de Lhaÿ-les-roses). On y lit également le nom de Raymond Vuilleminot, né en 1923, fils de Louis Villeminot, qui sera déporté comme Raymond Saint-Lary à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Y figure également celui d’Odette Soupion (fille d’Henri Soupion lui aussi déporté à Auschwitz), et Lucette Catinat (fille de Maurice Catinat, ancien maire de Fresnes, arrêté le 5 octobre 1940), Andrée et René Denizou. Ils sont tous suspectés par les RG de participer à la reconstitution des JC de Fresnes.
Raymond Saint-Lary est arrêté le 6 septembre 1940 pour distribution de tracts communistes. Il est interné à la Santé, puis à la prison du Cherche-Midi. Il est relaxé par les autorités allemandes en raison de son jeune âge.
Son père, Jean Saint-Lary, âgé alors de 53 ans, militant communiste connu des services de police avant guerre, est arrêté par la police française le 5 octobre 1940, avec treize membres du Conseil municipal de Fresnes déchus en 1940, et deux autres militants communistes de la commune, dans la grande rafle organisée, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux responsables communistes d’avant-guerre de l’ancien département de la Seine. Il est interné à Aincourt.
Raymond Saint-Lary signe le 29 mars 1941, avec sa mère Alix Saint-Lary et ses frères et sœur André, Henri et Huguette, une lettre collective des épouses, mères et enfants d’internés adressée au préfet de police de Paris pour protester contre le refus de visites qui leur est opposé par le directeur du camp, le commissaire Andrey, qui multiple brimades et sanctions à l’égard des communistes.
Le 22 novembre 1941, André Saint-Lary est de nouveau arrêté, et de nouveau relâché.
Raymond Saint-Lary est arrêté à nouveau le 28 avril 1942. Ce jour là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine ou relâchés faute de preuves. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22avril un militaire est blessé à Malakoff).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Lire dans ce site : La solidarité au camp allemand de Compiègne et Le « Comité » du camp des politiques à Compiègne .
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Le 6 juillet, à six heures du matin, il est conduit sous escorte allemande à la gare de Compiègne avec ses camarades, puis entassé dans un des wagons de marchandises qui forment son convoi. Le train s’ébranle à 9 heures trente.
Depuis le camp de Compiègne, Raymond Saint-Lary est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée àAuschwitzle 8 juillet 1942 sous le numéro « 46 088 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Son matricule
sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Le 13 juillet : Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi. Les autres, dont je suis nous restons à Birkenau où nous sommes employés pour le terrassement et pour monter des baraques appelées Block (Pierre Monjault).
Raymond Saint-Lary est affecté au Kommando Garage, au camp principal, ce qui lui a certainement permis de survivre.
En application d’une directive datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus français des KL la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, il reçoit le 4 juillet 1943, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz, l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français
survivants. Lire l’article du site « les 45000 au block 11.
Le 12 décembre 1943, à la suite de la visite du nouveau commandant du camp, Arthur Liebehenschel, et après quatre mois de ce régime qui leur a permis de retrouver quelques forces, ils sont pour la plupart renvoyés dans leurs Blocks et Kommandos d’origine. Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Le 3 août 1944, il fait partie des « 45000 » qui restent à Auschwitz, alors que les trois quarts des « 45000 » survivants sont regroupés au Block 10 pour être transférés vers d’autres camps (ce qu’ils ignorent).
Fin 1944, alors que René Besse, dont le Kommando à l’imprimerie du camp va être supprimé, cherche à intégrer un Kommando qui ne soit pas extérieur au camp principal, Raymond Saint-Lary lui conseille de demander au kapo d’être intégré au Kommando garage. Il rencontre le Kapo du Kommando garage en se faisant passer au culot, pour un spécialiste des moteurs : « je ne savais même pas ce qu’était une bougie ! ». « Tu vas dérouiller au départ, mais ensuite tu seras utilisé au lavage » lui avait dit son camarade. Il est effectivement copieusement rossé, mais on n’était plus en 1942. René Besse se retrouve finalement au lavage des camions, « un bon poste pour la solidarité » : il récupère les quignons de pain durs comme du bois, les patates, égarés sous les sièges.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps situés à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45 000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Raymond Saint-Lary quitte Auschwitz dans le dernier groupe de « 45 000 », le 21 janvier 1945, pour le camp de Mauthausen. Il y reçoit le matricule n° 119 250. Il reste quatre mois dans ce camp avec sept autres « 45 000 » (Georges Autret, Emile Bouchacourt, Clément Brioudes, Marcel Claus, Roger Collignon, Robert Jarry, Clément Pellerin). Puis, le 15 ou 17 avril 1945, il est évacué à pied avec certains de ses camarades sur Linz puis le camp d’Ebensee (kommando d’aménagement d’usines souterraines, dans la province de Salzbourg) où il est libéré le 5 ou 6 mai 1945.
Raymond Saint-Lary est rapatrié par le train le 18 mai 1945. Il ne pèse plus que 38 kg, contre 61 kg à son départ de France.
Il est le seul rescapé des « 45 000 » de Fresnes : il en était aussi le plus jeune.
A son retour de déportation, Raymond Saint-Lary se marie le 31 décembre 1947 à Créteil (94) avec Noëlle, Violette, Pâquerette Le Jarre. Le couple a eu un garçon, Raymond, Henri.
Il sa tenu un garage à Malakoff en 1969 (témoignage d’Andrée Renoir, épouse de Claude Renoir, 7 juillet 2023) : « Nous avons connu Raymond quand il avait un garage à Malakoff. Il était ami avec Alice Renoir et son frère Claude Renoir. Un ami que nous avons perdu de vue« .
En 1973, Raymond Saint-Lary et son épouse habitent au 35 bis, rue des Morteaux à Antony (Seine/Hauts-de-Seine).
Raymond Saint-Lary a témoigné pour la FNDIRP et rédigé des certificats sur l’honneur pour témoigner du décès de ses camarades déportés, comme Albert Beaucousin, Roger Pigalle, Adrien Raynal, Edouard Til et Raymond Boudou (ci-contre).
Il a également établi des certificats sur l’honneur concernant certains de ses camarades rescapés, pour les aider dans l’établissement de leurs dossiers administratifs, comme celui ci-contre en faveur de Raymond Boudou dont il dit « Ce camarade s’est toujours bien comporté, un bon moral et toujours des paroles d’encouragement envers ceux qui étaient défaillants. En outre, il a toujours été un bon camarade envers tous, et a conservé, jusqu’au dernier moment un grand espoir et une bonne tenue fraternelle » (Fresnes, le 12 septembre 1947).
En 1991, n’ayant plus de nouvelles et cherchant à savoir ce qu’il était advenu de lui, Georges Dudal l’a finalement retrouvé.
Il tenait un garage dans le Loiret, à Malesherbes et, à la suite d’un accident, avait dû subi une trépanation.
Il s’est remarié le 27 septembre 1997 à Maisse (Essonne) avec Maria Da Gloria Santos.
Raymond Saint-Lary est mort le 22 février 2001 à Corbeil.
Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Témoignage de Georges Dudal.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- « Mille et neuf jours. René Besse, la force d’un résistant déporté ». Témoignages recueillis par Laurent Lavefve. Préface de Marie-Jo Chombart de Lauwe Les Ardents éd. 2009.
- Archives de la police / BA 2374
- Photos couleur de Raymond Saint-Lary (envoi de madame Maria Beru, fille de Madame Maria Da Gloria Santos).
- Archives de la Préfectures de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.
- Archives en ligne de Paris et du Gard.
Notice biographique mise à jour en 2010, 2012, 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com
Nous avons connus Raymond quand il avait un garage à Malakoff il c’était ami avec Alice renoir et Claude renoir un ami que nous avons perdu de vu
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Merci pour ce témoignage. Je vous ai fait un mail pour avoir davantage de précisions. Cordialement