Marcel Marty : né en 1895 à Puteaux (Seine) ; domicilié à Nanterre (Seine) ; peintre, électricien à la SNCF ; communiste ; arrêté le 9 octobre 1940 ; interné aux camps d'Aincourt, de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 2 novembre 1942.
Marcel Marty est né le 28 décembre 1895 à Puteaux (ancien département de la Seine) au domicile de son père.
Il habite au 93, rue des Rosiers à Nanterre (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Adrienne Parent et de Ferdinand, Gustave, Marty, 29 ans, journalier, domicilié au 103, rue Voltaire.
Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m 61, a les cheveux châtains, les yeux noirs, le front et le nez petit droits, le visage ovale.
Au moment du conseil de révision, il habite chez ses parents au 24, rue des Rosiers à Nanterre.
Il est alors peintre en bâtiments. Il a un niveau d’instruction « n° 2 » pour l’armée (sait lire et compter).
Le 10 novembre 1914 à Nanterre, Marcel Marty épouse Gabrielle, Rosalie, Marie Reverdy. Elle est couturière, née à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure / Loire Atlantique) le 29 juillet 1896. Elle a 18 ans. Ses parents son décédés au moment du mariage et elle est domiciliée chez son tuteur.
Le couple a une fille, Gabrielle qui naît à Nanterre le 3 septembre 1915 (elle est décédée le 3 avril 2006 à Nanterre).
Conscrit de la classe 1915, Marcel Marty est recensé dans le département de la Seine (matricule 5888 du 2è bureau de la Seine). Il est mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) à la fin de 1914, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Il est affecté le 19 décembre 1914 au 24è Régiment d’infanterie. Après la formation militaire (les « classes »), il est envoyé au front du 30 mai 1915 au 20 mai 1916. Il a été affecté au 1er Régiment de zouaves le 20 mars 1916. Puis à la 3è compagnie du 6è Régiment de tirailleurs le 6 juin 1916. Il revient à l’arrière du 20 mars 1916 au 3 juin 1916. Il retourne au front du 6 juin 1916 au 17 avril 1917.
Il est blessé à la jambe gauche par éclats d’obus le 17 avril 1917 lors de la bataille de Moronvilliers, à une vingtaine de kilomètres de Reims, le premier jour de l’offensive qui enregistre une progression de 2 kilomètres, « inégalement fructueuse » écrit un témoin. Hospitalisé, convalescent à l’arrière jusqu’au 17 avril 1918. Il est réformé temporaire « inapte deux mois, pour névrite sciatique consécutive à blessure de guerre » jusqu’au 8 août 1918, jour de sa démobilisation, « certificat de bonne conduite accordé ». Les 6è et 4è commissions de réforme de la Seine lui accorderont une pension permanente d’invalidité de 10 % (1920, 1924). Il ne sera pas mobilisé en 1939.
En 1921, le couple habite au 20, rue des Rosiers à Nanterre. Marcel Marty qui s’inscrit sur les listes électorales cette même année, travaille comme peintre en bâtiment chez Goldicher à Puteaux, son épouse est parfumeuse chez d’Orsay à Nanterre.
Leur fille habite chez ses grands parents au 24, rue des Rosiers.
Devenu veuf, Marcel Marty se remarie le 28 mars 1925 à Nanterre avec Jeanne Lovergeon, née le 15 décembre 1903 à Mesves-sur-Loire (Nièvre), ouvrière sur machine. Ils ont deux enfants : Charles, né en 1925 à St Germain-en-Laye et Jacqueline, née en 1926 à Nanterre. En 1936, il est au chômage. Marcel Marty travaille ensuite comme électricien au chantier de La Folie (il s’agit des ateliers SNCF de Nanterre).
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et sans s’adresser à la municipalité, occupent maisons et villas de plusieurs quartiers. En ce début de l’été 1940, l’effectif des troupes d’occupation à Nanterre s’élève par moments à 3500 hommes et près de deux cents officiers.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Militant communiste avant-guerre il a fait l’objet de fiches policières comme cela a été le cas dans la plupart des communes de la Seine (lire à titre d’exemple dans le site : Le rôle de la police française (Rouen, Ivry et Vitry, BS1). Ces données sont reprises à l’Occupation par la Brigade spéciale des RG (BS1) et transmises à l’occupant.
Marcel Marty est arrêté le 9 octobre 1940, à Nanterre, par la police française, « en flagrant délit de propagande communiste » (distribution de tracts). Cette arrestation entre dans le cadre des grandes rafles organisées, avec l’accord de l’occupant, par le gouvernement de Pétain à l’encontre des principaux
responsables communistes et syndicalistes d’avant-guerre de la région parisienne : les militants parisiens sont regroupé au Stade Jean Bouin et sont emmenés par cars à Aincourt. Au total, plus de 300 militants communistes, syndicalistes ou d’organisations dites «d’avant-garde», sont envoyés à Aincourt à partir du 5 octobre 1940 jusqu’à la mi-décembre.
Lire dans le site Le camp d’Aincourt .
Il est interné 9 novembre 1940, au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, près de Mantes dans la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), ouvert spécialement, en octobre 1940 pour y enfermer les communistes arrêtés. Sur la liste des militants communistes internés le 9 novembre 1940 émanant des Renseignements généraux reçue par la direction du camp, figurent des mentions caractérisant les motifs de leur internement. Pour Marcel Marty on
peut lire « Meneur dangereux et particulièrement actif ». La mention « propagandiste » a été remplacée manuellement par celle de « meneur » pour caractériser sa « dangerosité ».
Puis il est transféré au camp de Rouillé (1) le 6 septembre 1941.
Lire dans le site : le-camp-de-Rouillé
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé (1) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom de Marcel Marty (n° 126 de la liste) y figure.
On notera que cette liste a été raturée et qu’initialement y figurait le nom de son homonyme, Marty Marcel, né à Bordeaux et habitant Gennevilliers. Celui-ci est interné à Compiègne depuis fin juin 1941 (il y a reçu le matricule n° 288).
Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés (4) que Marcel Marty est transféré arrive au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Marty est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 45851 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Marcel Marty meurt à Auschwitz le 2 novembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 784).
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Il a été déclaré « Mort pour la France » le 7 juillet 1947.
- Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le 22 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Sources
- Liste des déportés politiques (archives de la mairie de Nanterre (février 1991).
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42 N° 126.
- ACVG : juin et juillet 1992.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen.
- © Photo au DAVCC, Caen.
- © Archives en ligne de Puteaux.
- Registres matricules militaires de la Seine.
- Société d’Histoire de Nanterre : « Nanterre 1939-1945 » article de Marianne Pastor-Andréucci. Soldats allemands à Nanterre, photo page 6
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Nanterre. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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