Le transport pour Auschwitz le 6 juillet 1942 de 1170 hommes internés au camp allemand de Compiègne, fut organisé par l’administration militaire allemande en France occupée, en vue d’un projet politique très particulier : intimider un milieu bien ciblé, celui des auteurs présumés des attentats contre la Wehrmacht, par le choix d’otages répondant à des critères précis. D’où son homogénéité et le fait, qu’à plusieurs reprises, les « 45 000 » furent considérés à Auschwitz comme éléments d’un tout. La cohésion de ce convoi tenait, également au nombre important de cadres et de militants communistes et syndicaux qui le composaient : des hommes habitués par leur origine souvent ouvrière, par leur culture politique et par leur expérience, à mener des actions collectives et à donner une large place à la solidarité.
Parmi eux, il y avait onze enseignants. A la différence des motifs de déportation de la majorité des hommes du convoi composé d’otages qui sont très majoritairement communistes, il y a parmi les onze enseignant un socialiste SFIO, trois gaullistes et sept communistes (dont un dirigeant espérantiste, deux dirigeants de « Paix et Libertés », et deux militants du mouvement pédagogique Freinet).
Pour chacun d’eux, le lien permet de lire leur notice biographique
- Braud Alphonse
, instituteur, communiste, militant au Syndicat National des Instituteurs (SNI-CGTU), militant du mouvement antifasciste Amsterdam-Pleyel ; il donne des cours de français au camp de Compiègne. Il meurt le 17 septembre 1942 à Auschwitz-Birkenau. Il a 33 ans.
- Boubou Marcel,
instituteur, adhérent à la SFIO, puis au Parti communiste en 1920, milite à l’ITE (Internationale des travailleurs de l’enseignement) avec Georges Cogniot ; directeur du service pédagogique Espérantiste mondial ; membre de la Commission de contrôle départementale du mouvement « Paix et Liberté » ; militant Freinet. Il meurt le 18 septembre 1942 à Auschwitz-Birkenau. Il vient d’avoir 50 ans.
DESBIOT Emmanuel, professeur d’Anglais ; présumé gaulliste ; arrêté le 11 novembre 1940, puis le 7 mai 1942 comme otage ; Il meurt à Auschwitz-Birkenau le 25 août 1942.
- Gaudeau Roger,
instituteur, militant du parti socialiste SFIO, secrétaire de l’Union locale des syndicats CGT des Andelys. Il donne des cours de Sciences naturelles et de dessin d’art au camp de Compiègne. Il meurt à Auschwitz-Birkenau le 4 novembre 1942. Il a 41 ans.
- Jahan
Yves, professeur de Lettres, communiste, secrétaire départemental du syndicat CGT des professeurs de collège du Loir-et-Cher. Militant antifasciste, membre de « Paix et Libertés ». Il meurt à Auschwitz-Birkenau le 18 septembre 1942. Il a 34 ans.
- Lermite
André, instituteur, socialiste, rejoint le PCF en 1932 ; secrétaire-adjoint de la section départementale du SNI CGT en 1930 ; secrétaire des comités antifascistes (mouvement « Paix et Liberté ») de Loire-Inférieure. Il meurt à Auschwitz-Birkenau le 8 août 1942. Il a 34 ans.
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Lavigne Pierre, instituteur. Militant communiste de la Meuse. Avec son arrestation en juin 1941 et celle de 19 autres militants, le PC devient complètement inexistant dans ce département. Dix d’entre deux sont déportés et meurent à Auschwitz. Pierre Lavigne meurt à Auschwitz à une date inconnue (mais avant 1943). Pour l’état civil la date a été fixée au 15 septembre 1942. Il a 32 ans.
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Le Lay Alain, communiste. Exclu de l’Ecole Normale de Quimper pour fait de grève. Instituteur intérimaire. Exclu de l’enseignement en 1934. Il est ensuite secrétaire de Mairie et directeur de l’Office Juridique de Renseignements Gratuits à Concarneau. Il meurt à Birkenau le 4 octobre 1942. Il a 33 ans.
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Lefebvre Renelde, instituteur, directeur d’école ; ancien combattant, présumé gaulliste par les Renseignements généraux. Il meurt à Auschwitz-Birkenau à une date inconnue (mais avant 1943). Il a 45 ans. Son fils traverse la Manche en canoé pour rejoindre De Gaulle et il est reçu par Churchill.
- Levillon Robert
, professeur de philosophie, reçu troisième sur onze lauréats au concours de 1930 de l’agrégation de philosophie. Le deuxième est Maurice Merleau-Ponty ! Il est catholique, gaulliste, antinazi. Il meurt à Auschwitz-Birkenau le 18 juillet 1942. Il a 36 ans.
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Varenne Georges, instituteur, ancien combattant (officier décoré de la croix de guerre étoile de vermeil), communiste ; propagandiste des méthodes Freinet ; fondateur dans l’Yonne de la Mutuelle d’assurance des instituteurs (MAIF) ; gérant du Bulletin du syndicat de l’enseignement laïque de l’Yonne ; secrétaire du Cartel unitaire des Services publics de l’Yonne, secrétaire du comité de Front populaire d’Irancy, membre de la direction communiste clandestine du camp de Compiègne. Il meurt à Auschwitz-Birkenau le 1er novembre 1942. Il a 46 ans.
Deux rescapés (il a 139 rescapés sur 1170 présents à Auschwitz le 8 juillet 1942) ont été professeurs de l’enseignement technique après-guerre : DUDAL Georges (PTA) et ABADA Roger (Professeur au centre de réadaptation professionnelle Suzanne Masson).