Matricule « 45 830 » à Auschwitz
Charles Mary : né en 1911 à Sainte-Marie-aux-Chênes (Moselle) ; domicilié à Auboué (Meurthe-et-Moselle) ; watmann à la mine de fer ; membre du bureau CGT ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 7 février 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 6 décembre 1942
Charles Mary est né le 24 mars 1911 à Sainte-Marie-aux-Chênes (Moselle).
Il habite au 75, cité du Tunnel à Auboué (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation, i
Il est le fils de Jeanne Masson et de Pierre Mary, son époux.
Charles Mary travaille comme wattman (conducteur de wagonnet) à la mine de fer d’Auboué.
En 1930, Le premier wagon chargé de minerai en provenance de la mine de Paradis descendait à Auboué. La création du chemin de fer, dans le but de faire progresser rapidement les tonnages extraits, est décrétée d’utilité publique en 1926. Les travaux nécessaires à la réalisation de cette voie ferrée ont modelé le paysage aubouésien, notamment la création d’un tunnel et de deux viaducs.
Conscrit de la classe 1931, Charles Mary effectue son service militaire au 68e Régiment de tirailleurs marocains à Fez.
Le 19 septembre 1935 Charles Mary épouse Teresina Para. Elle est née en 1914 à Mercato Saraceno (Italie).
Le couple aura un enfant, qui naît après 1936 à Auboué (il n’est pas mentionné lors du recensement de 1936). Ils habitent au 297, cités du Tunnel.
Au n° 193, habitent le père, David Para, mineur, la mère Assunta Angeli et le frère Secondo de son épouse.
Militant syndical, Charles Mary est membre du Bureau syndical de la CGT à la mine de fer.
La photo ci-contre prise au cinéma Trianon d’Auboué montre le syndicat CGT d’Auboué en 1937.
Six des participants figurant sur cette photo seront déportés ou fusillés (document Alfred Rossolini. Un agrandissement du visage de Charles Mary a été repris dans la notice succincte du Maitron).
A la déclaration de guerre en 1939, Charles Mary est mobilisé (il a effectué son service militaire en 1931 et a terminé avec le grade de caporal. Il est mobilisé comme caporal au 128e régiment d’infanterie).
Le 17 juin 1940 l’armée allemande occupe Auboué.
La Kommandantur est installée dans le logement de la directrice d’école, au dessus de la mairie. Puis elle sera installée à Briey. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ».
À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté).
Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Fait prisonnier le 23 juin 1940, Charles Mary bénéficie d’un « congé de captivité » en tant que mineur le 5 août (il doit se présenter chaque mois à la Kommandantur) et retourne travailler à la mine à Auboué, occupée par les Allemands depuis le 17 juin 1940.
Charles Mary participe à des actions de sabotage et de manifestations, notamment le 14 juillet 1941. Action que racontent les frères Magrinelli (Op. cité p. 234). « Les groupes communistes inaugurent une action de résistance, inédite jusqu’ici : la commémoration des grandes fêtes patriotiques nationales, bien sur interdites depuis le début de l’occupation. Les manifestations du 14 juillet 1941 sont les premières du genre. La plus spectaculaire s’est déroulée à Auboué (…). Tous les groupes de trois d’Auboué ont été mobilisés pour organiser cette action durant la nuit du 13 au 14 juillet. Les femmes et les jeunes filles communistes avaient confectionné un drapeau tricolore de 4 mètres sur 4 et une multitude de bandelettes de tissus rouges ou tricolores. Dans la nuit du 13 juillet, un groupe de 3 voltigeurs, protégé par un groupe armé, est allé fixer le drapeau tricolore sur un pylône installé non loin du viaduc traversant Auboué. A cet endroit, il est visible de tous les quartiers de la localité. Pendant ce temps, un autre groupe de voltigeurs, lui aussi protégé, s’est attaché à couvrir les murs de la ville, et même les murs d’enceinte de l’usine, d’inscriptions hostiles à Vichy, à l’Allemagne ou appelant à adhérer la Jeunesse Communiste. Enfin, une partie des groupes de trois composée d’adultes jetaient les bandelettes rouges ou tricolores accrochées à des boulons sur des fils électriques de chaque quartier, pendant que d’autres distribuaient des tracts (…). Au matin, toute la localité était pavoisée L’occupant réagit très tôt le matin du 14 en effaçant toute trace de la manifestation : le drapeau tricolore fut descendu de son pylône par la police française, encadrée pour l’occasion par l’armée allemande et toutes les inscriptions effacées sauf celles « adhérer aux J.C. » faites sur le mur extérieur de l’usine. Le 15 juillet, un certain nombre de militants communistes connus avant guerre furent appréhendés pour interrogatoire par la police française, puis libérés dans la journée faute de preuve. Parmi eux, Maurice Froment, et Charles Mary« .
Charles Mary est arrêté par des Feldgendarmes, le 7 février 1942, en même temps que Louis Bresolin, Arsène Dautréaux, Maurice Froment, Valère Henry, Jean Pérot, Primo Pasquini (1), Joseph Schneider, Serge Schneider et Emile Tunési à la suite du sabotage du transformateur d’Auboué le 4 février 1942, (Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages.
Lire l’article du site : Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Serge Schneider qui est le fils de Joseph Schneider, membre des Jeunesses communiste, raconte leur arrestation : « Le premier jour de mon nouvel emploi (c’est à l’usine d’Homécourt que j’ai pu commencer le 5 février 1942), en rentrant à 17 h 00 deux camarades (Maurice Froment et René Favro) m’interpellent pour m’annoncer qu’il y avait eu sabotage du transformateur à l’usine d’Auboué par un groupe de nos camarades. Nous avons discuté quelques minutes puis rapidement, la maison fut cernée par la gendarmerie française et la police secrète. Ils ont envahi notre café (Joseph Scheider, licencié en 1938 de l’usine d’Auboué a dû prendre la gérance d’un café), personne ne devait bouger, perquisition dans toutes les pièces. Malheureusement ils ont trouvé dans ma chambre un paquet de tracts, un camarade n’était pas venu chercher le paquet deux jours avant. Etant encore à table avec mes deux camarades, nous avons été emmenés tous les trois dans la prison de la gendarmerie d’Auboué, puis le lendemain avons été transférés à la prison de Briey ». » Le 7 février un car nous attendait à la porte de la prison de Briey avec 16 camarades, dont mon père qui avaient été arrêté le matin. Une douzaine de «feldgendarmes » nous entouraient pour nous conduire à la prison de Nancy. Mon père fut mis directement au secret, le reste de la troupe a été séparé en deux groupes pour occuper deux cellules« .
Charles Mary est incarcéré à la prison Charles III de Nancy, puis remis aux autorités allemandes à leur demande en vue de sa déportation comme otage. Il est interné au camp allemand de Compiègne, le Frontstalag 122, administré par la Wehmacht.Depuis ce camp, Charles Mary va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Charles Mary est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45830 ».
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Charles Mary meurt à Auschwitz le 6 décembre 1942 selon les registres du camp.
Son nom est gravé sur la stèle en « Hommage aux Francs-tireurs Partisans Français d’Auboué, morts aux camps de déportation d’Auschwitz (Maurice Froment, Valère Henry, Charles Mary, Emile Tunési, René Favro, Joseph Schneider) et Oranienbourg (Génaro Nanini, Wladislaw Koziol, Dario Mériggiola), située en bas à gauche du monument « Auboué à ses glorieux Fusillés Francs-Tireurs Partisans Français » – Square Jean Moulin près du vieux cimetière. Relevé Bernard Butet.
Source
- Lettre de Mme Gisèle Do, fille de Charles Schneider à Roger Arnould ( juin 1973).
- Section des déportés, internés, familles de fusillés d’Auboué: M. Corziani (mars 1991)
- Documents in » Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) pages 234, 345.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
Notice biographique rédigée en 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.
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