Matricule « 45 289 » à Auschwitz

Jean Bourget le 8 juillet 1942
Jean Bourget : né en 1906 à Cambremer (Calvados) ; domicilié à Dives-sur-Mer (Calvados) ; mécanicien ; communiste ; arrêté le 21 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 10 septembre 1942.

Jean Bourget est né le 10 octobre 1906 au quartier du Nouveau monde à Cambremer (Calvados). Il habite 6, rue de l’Avenir à Dives-sur-Mer (Calvados) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne, Yvonne, Gabrielle Bellebarbe, sans profession, 24 ans, née en 1882 à Cambremer et de Maurice, Georges, Louis Bourget, 25 ans, né en 1881 à Crèvecœur, patron pâtissier, son époux.
Ses parents habitent à sa naissance dans le quartier Notre-Dame au 2, place Carnot à Mamers (Sarthe), où va naître son frère Pierre, Maurice, Gabriel le 2 juin 1908 (il est décédé le 12 février 1952, militaire Mort pour la France). Deux ouvrier pâtissiers sont logés avec eux, puis trois et un domestique (1906, 1911, 1921).
En 1921, après la démobilisation de leur père, la famille habite toujours place Carnot. Jean Bourget est apprenti mécanicien chez Régnier. En 1926, il a quitté le domicile familial, où son frère, employé de commerce habite encore avec leurs parents et leur grand mère maternelle.
Jean Bourget est métallurgiste, mécanicien. En 1934, il habite rue Georges Landry à Dives-sur-Mer.

Ouest Eclair du premier août 1934

Il épouse Madeleine, Marie Bertrand le 20 juillet 1934 à Dives-sur-mer. Elle est ouvrière d’usine et habite au 6, rue Sainte-Cécile. Elle est née en 1912 à Hyenville(Manche).
Le couple a un enfant Gustave, Louis, Célestin, Désiré, né à Bénouville le 8 décembre 1931,sous le nom de sa mère, reconnu par Jean Bourget (Gustave Bourget est décédé le 8 février 1993, à Caen).

Un des bâtiments de l’Electro à Dives

En 1936, la famille habite 6, rue de l’Avenir à Dives, et Jean Bourget travaille à l »Electro » de Dives (Société d’Electro-Métallurgie de Dives, usine du groupe Tréfimétaux).
Jean Bourget est membre du Parti communiste selon sa veuve.

Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris, vidé des deux tiers de sa population. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la Basse Normandie est occupée le 19 juin. Les troupes de la Wehrmacht arrivant de Falaise occupent Caen le mardi 20 juin 1940. La Feldkommandantur 723 s’installe à l’hôtel Malherbe, place Foch. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En août huit divisions d’infanterie allemande – qu’il faut nourrir et loger – cantonnent dans la région. L’heure allemande remplace l’heure française.

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus ou militants communistes « notoires », et procède à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.
Jean Bourget est arrêté le 21 octobre 1941
, pour « propagande communiste » (tracts), en même temps que Roger Goguet.  Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, en vue de sa déportation comme otage. Le 24 octobre 1941, la Feldkommandantur 723 de Caen inscrit le nom de Jean Bourget sur une liste d’otages détenus dans le Calvados.

Liste d’otages. Jean Bourget est le onzième

Le 20 janvier 1942, la Feldkommandantur 723 demande des vérifications pour onze otages communistes du Calvados internés à Compiègne afin de procéder à leur exécution : Jean Bourget est le onzième.   Sur cette même liste figurent les noms des quatre autres internés de Compiègne, déportés avec lui à Auschwitz : Jean BourgetCharles Lemay, Roger Goguet, Eugène Beaudouin. Les noms des autres internés ont été barrés par respect de confidentialité.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, le Frontstalag 122, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Jean Bourget est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.  

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Jean Bourget le 8 juillet 1942

Jean Bourget est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 289 ».

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Jean Bourget meurt à Auschwitz le 10 septembre 1942 d’après les registres du camp.
Voir l’article : Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Son nom est gravé sur le monument de Dives dédié aux victimes des camps de concentration nazis.
Il n’a été déclaré « Mort pour la France » que 13 mars 1980 !

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Fiche FNDIRP remplie par sa veuve (N° 8484), qui s’appuie sur les témoignages de Cédric Albert, dit Lerosier et André Lenormand, résistant, déporté à Buchenwald, député et ancien maire de Dives.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), ministère de la Défense, Caen.
  • Liste d’otages. CDJC XL III – 79
  • Recherches généalogiques (état civil, recensements à Mamers et Dives, registre matricule militaire du père, Base des décès INSEE) effectuées par Pierre Cardon

Notice biographique rédigée en janvier 2001 (complétée en 2014, 2017, 2020, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), à l’occasion de l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association « Mémoire Vive ». Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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