Antoine Corgiatti : né en 1897 à La Londe-les-Maures (Var) ; domicilié à Droitaumont-Jarny (Meurthe-et-Moselle) ; naturalisé français ; communiste ; arrêté en  février 1941 et comme otage communiste le 22 février 1942; dénaturalisé en 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 2 septembre 1942

Antoine Corgiatti est né le 16 mai 1897 à La Londe-les-Maures (Var).
Il habite 20, rue B. à Droitaumont-Jarny (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Catherine Massa Bove, 32 ans, journalière, née à Corio (Turin, Italie) et de Pierre Corgiatti, 46 ans, mineur, né à Corio (Italie) son époux.
Il est issu d’une fratrie de sept enfants (en 1911) : Marguerite (1889 à Corio / Italie) Thérèse (1892 à Masone Italie), Anna (1892 à Masone), Antoine (1897 à La Londe), Pierre (1901 à La Londe), Caroline (1903 à Spittel, Suisse) et Philomène (à Spittel).
Il a la nationalité italienne. La famille Corgiatti habite Jarny depuis 1910 jusqu’à la déclaration de guerre en 1914. En 1911, la famille Corgiatti habite au 412, rue Etroite à Jarny. Leur père travaille à la mine de Jarny. Antoine Corgiatti est terrassier chez Ballot et sa sœur aînée est cartouchière à Jarny chez Davey Bikford.
Les Corgiatti sont retournés en Italie, où Antoine Corgiatti est alors mobilisé dans l’armée italienne (la lista di leva se fait à l’âge de 21 ans).
Revenu en France en mars 1919, Antoine Corgiatti est embauché comme mineur-boiseur à la mine de fer Schneider de Droitaumont.
Le 14 novembre 1925, Antoine Corgiatti épouse à Jarny, Fernande, Jeanne Pierson, née le 14 avril 1894 à Commercy (Meuse), décédée à Briey le 6 novembre 1978.
Antoine Corgiatti, est membre du Parti communiste et militant syndicaliste CGT.
Par décret du 13 juillet 1932 (JO du 24 juillet 1932), il obtient la nationalité française.

Cités des mineurs in Jarny patrimoine n° 4

En 1931, le couple habite au n° 17 de la rue A, à Droitaumont, avec Catherine Massa, sa mère, et son neveu Louis Corgiatti, né en 1921 à Jarny.
Lors du recensement de 1936, ils ont déménagé au n° 21 rue B.  Le couple vit  toujours avec son neveu Louis Corgiatti. Fernande est laitière. Au n° 24 de la même rue, habite la famille de Joseph Zerlia qui sera déporté avec lui.
Il est possible qu’Antoine Corgiatti, naturalisé français, ait été mobilisé à la déclaration de guerre.

Par décision de l’IOccupant la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur «peuplement allemand ».

Le 17 juin 1940 l’armée allemande occupe Auboué et le 18, Nancy. Les Kreiskommandantur sont installées à Briey et Nancy.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Pendant l’Occupation, Antoine Corgiatti connaît une première arrestation en février 1941, avec Giobbé Pasini et Joseph Zerlia.
Il sont tous trois relâchés faute de preuves.
Mais le sabotage du transformateur d’Auboué entraîne une très lourde répression en Meurthe et Moselle.
Lire dans le site :
Meurthe et Moselle Le sabotage du transformateur électrique d’Auboué (février 1942).
Speidel à l’Etat major du MBF annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Une importante prime à la délation (voir l’Avis plus haut) est annoncée (20.000 F des autorités et 10.000 de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).

C’est dans la suite des 20 premières arrestations qu’Antoine Corgiatti est arrêté à nouveau à Jarny par des Feldgendarmes, le 22 février 1942, en même temps que Giobbé Pasini, Richard Girardi et Joseph Zerlia.
Il est conduit à la prison de Briey où il est emprisonné pendant 8 jours. Puis il est interné au camp d’Ecrouves, près de Toul.
Antoine Corgiatti est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne en mars 1942.

Il est alors déchu de sa nationalité française

« L’autorité préfectorale engage de sa propre initiative des procédures de dénaturalisation à l’encontre de militants internés administratifs auprès de l’administration centrale. Par exemple, le 17 juillet 1941, contre Amadeo Cavalli et Natale Passini, d’Homécourt. Le sous-préfet de Briey fait de même, le 4 septembre, contre Bruno Vanin et Louis Bresolin, habitant Valleroy. Le préfet, dans une lettre adressée le 17 octobre 1941 au sous-préfet de Briey écrit : « Vous m’avez transmis plusieurs listes de naturalisés connus comme ayant appartenu au Parti communiste ou participé à des agitations communistes avec avis de leur retirer la nationalité française. Pour me permettre d’engager la procédure habituelle, j’ai l’honneur de vous prier de me faire parvenir un rapport détaillé sur chacun des individus qui devra préciser en outre l’état civil et la situation familiale, la date du décret de naturalisation, les faits exacts aussi précis que possible motivant la proposition de retrait de la nationalité ». In Jean-Claude Magrinelli (Op cit.).

Alors qu’il est interné à Compiègne, la nationalité française d’Antoine Corgiatti lui est retirée par le décret du 20 mars 1942 (paru au J.O. du 27 mars 1942).

A Compiègne, avec Giobbé Pasini, également mineur et Louis Eudier charpentier de marine, qui travaillent au soutènement, il est de l’équipe qui creuse le tunnel qui permettra l’évasion le 22 juin 1942 de 19 dirigeants communistes (lire le récit page 101 dans «Triangles rouges à Auschwitz » et page 232 dans « Mille otages pour Auschwitz »)
Lire dans le site la préparation et le récit de l’évasion par le tunnel : 22 juin 1942 : évasion de 19 internés.

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Antoine Corgiatti est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Le numéro d’immatriculation à Auschwitz d’Antoine Corgiatti n’est pas connu. Le numéro « 46228 ?» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

A Birkenau, il essaie de s’évader d’après Giobbé Pasini qui le connaît bien : ils habitaient tous deux à Droitaumont où ils étaient mineurs de fer. «Antoine est été repris par les SS, ramené au camp et livré aux chiens qui l’ont littéralement étripé».
Il est probable qu’Antoine Corgiatti soit également l’évadé dont Raymond Montégut a évoqué le sort : « Parmi nous, un camarade osa tenter la terrible aventure et sembla réussir quelques jours. Il fut d’abord caché par des Polonais, mais ne tarda pas à être livré par d’autres et ramené au camp. Une fois encore, il tenta la suprême fuite et cette fois, il fut abattu ».

Ce dernier récit est très proche de celui que fait, sans mentionner de nom, Pierre Monjault : « Un dimanche, notre kommando travaillait à faire des tranchées pour la pose de canalisations. Nous étions une vingtaine de camarades et nous savions qu’il y en avait un qui préparait quelque chose. Le soir, en rentrant du travail, il était manquant. Les SS nous questionnent et nous font mettre à genoux sur les pierres. C’était très douloureux mais personne ne dit mot. Ce camarade, en suivant les tranchées, avait réussi à passer à l’extérieur du camp. Il s’était caché dans une ferme. Le fermier lui avait dit : – « Toi, Français? » et après lui avoir donné du lait, lui avait demandé de partir car il craignait les représailles de la Gestapo. Mais, sitôt parti, il est arrêté. Le camarade est revenu au camp et dans le kommando, il était très surveillé. Un jour, un SS lança son calot au loin et ordonna au camarade d’aller le chercher. Celui-ci fit quelques mètres et le SS l’abattit d’une rafale de mitraillette. Ce fut peut-être la seule véritable tentative d’évasion de la part d’un « 45000« .
Antoine Corgiatti meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 185). Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Il est homologué « Déporté politique » au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .

Monument aux morts de Jarny Relevé Université de Lille 3

Son nom est honoré sur le monument aux morts de Jarny-Droitaumont et sur le Monument commémoratif des déportés, au cimetière de Jarny : » Les Déportés du Jarnisy aux Martyrs des Camps de la Mort « .

Sources

  • Récit oral de Giobbé Pasini à Roger Arnould (le Havre 26 mai 1973), qui note « ses témoignages sont toujours sérieux, posés, et ne relèvent pas de l’affabulation« .
  • M. Gilbert Schwartz, président départemental de la FNDIRP (1991).
  • « Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle  » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 247
  • Rapports du sous-préfet de Briey AD/WM 384.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen – avril 1992).
  • © Archives en ligne : Etat civil du Var et de Meurthe-et-Moselle / recensements de Jarny 1911, 1931 et 1936.

Affiche de la conférence du 5 juillet 1997, salle Pablo Picasso à Homécourt

Notice biographique rédigée en 1997, pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942″ Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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