Matricule « 45 427 » à Auschwitz

Le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Rescapé

Robert Daune : né en 1910 à Brévilly (Ardennes) ; domicilié à Longwy (Meurthe-et-Moselle) ; syndicaliste et communiste ;  arrêté le 21 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Gross Rosen, Mittelbau-Dora ; Dora-Harzungen ; Bergen Belsen ; rescapé ; décédé le 17 août 1986 

 Robert, Jules, Daune est né à Brévilly (Ardennes) le 1er août 1910.
Il habite Il habite au 2, avenue de Saintignon à Longwy (Meurthe-et-Moselle) au moment de son arrestation. Il est le fils de Maria Pénoy, 23 ans et de Georges, Emile Daune, 25 ans, employé des Chemins de fer, son époux.
Il a trois sœurs et un frère : Gilberte, née en 1902, Gilbert, né en 1911, Odette, née à Mont-Saint-Martin en 1913 et Marie-Thérèse, née à Grey en 1919.
L’épouse et les enfants de la famille Daume (Maria, Gilberte, Robert, Gilbert et Odette), habitant la zone de guerre sont évacuée au début de la guerre 1914. Alors qu’il n’a que 5 ans, il est rapatrié avec sa mère, son frère et ses deux sœurs à Mont-Saint-Martin par le convoi du 8 janvier 1916 (l’Est Républicain du 24 janvier 1916).
Robert Daune travaille en qualité d’ajusteur-mécanicien à la Société « Lorraine électrique ». Son père décède en 1933.
Le 16 mars 1935 à Longwy, il épouse Yvonne, Anna, Burlay.
Robert Daune est secrétaire du Syndicat CGT de la Sidérurgie pour le Bassin de Longwy, « il joua un grand rôle lors des grèves de 1936 dans le bassin de Longwy » (in Le Maitron).
Militant communiste, il est permanent du syndicat de 1936 à 1939, selon Maurice Voutey (historien, il est le neveu de Gabriel Lejard auprès duquel il a recueilli le témoignage concernant Robert Daune).

L’Est Républicain

Il est un grand amateur de photographie. Il est également dirigeant du club local Cyclo-pédestre. En mars 1939, il organise « de main de maître » comme l’écrit le journaliste de l’Est Républicain, le cross cyclo-pédestre local.

Par décision de l’Occupant, la Meurthe-et-Moselle se trouve dans la « zone fermée » ou « zone réservée », destinée au futur « peuplement allemand ».

Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». À l’est de la « ligne du Führer », tracée depuis la Somme jusqu’à la frontière suisse, les autorités nazies envisagent une germanisation des territoires suivant différentes orientations. C’est un autre sort que celui de la Moselle et de l’Alsace, annexées par le Reich, du Nord et du Pas-de-Calais, mis sous la tutelle du commandement militaire allemand de Bruxelles, qui attend les territoires situés le long de cette ligne dite du Nord-Est. En tout ou partie, ces départements, et parmi eux les francs-comtois, font l’objet d’une « zone réservée » des Allemands (« En direct », Université de Franche-Comté). Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée. Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

La résistance communiste à l’occupant est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251).
Le Préfet de Meurthe et Moselle « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).

Le 21 octobre 1941, des gendarmes français arrêtent Robert Daune : il est interné le 23 octobre au camp d’Ecrouves, près de Toul (LA 18306).
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent le 5 mars 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Robert Daune est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Robert Daune est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule 45427.

Robert Daune le 8 juillet 1942

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Il est du groupe qui demeure à Birkenau. Il y contracte le typhus au moment de la grande épidémie de l’automne 1942. Robert Daune entre alors à « l’infirmerie » de Birkenau, le Revier,  le 22 novembre 1942.
Georges Marin se souvient : « un groupe de « musulmans » en très mauvais état s’arrête devant le block du Revier. Robert Daune s’affale devant la porte du Revier au moment où elle s’ouvre. Des gars du Revier le relèvent et l’emportent dans le Revier. La porte se referme. Il est soigné au Revier« .
Georges Marin et André Faudry s’y trouvent, le premier comme comme coiffeur et l’autre comme infirmier et le soignent comme ils peuvent. Il est porté présent sur le registre du Revier les 21, 23, 25, 26, 27 et 29 et janvier 1943. Un médecin polonais le sauve de la « sélection » pour la chambre à gaz, en lui substituant un autre détenu décédé auquel il attribue son matricule. Robert Daune est adopté par le Revier et se retape. Il est caché par ses camarades au moment des inspections.
Georges Marin poursuit : « Lorsqu’on vient chercher les Français du Revier pour les emmener au Block 11, le SS doit accepter la présence d’un « mort-vivant« .
Plusieurs autres survivants (Gabriel Lejard, Raymond Montégut, Henri Peiffer) ont également témoigné de cette étonnante aventure, qui valut à Robert Daune parmi les « 45.000 » le surnom de « Mort-vivant ».

Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du blog « les 45000 au block 11.  Le 12 décembre, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45.000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45.000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.


Lire dans le site les deux articles : Les 45000 pris dans le chaos des évacuations (janvier-mai 1945) et Itinéraires des survivants du convoi à partir d’Auschwitz (1944-1945).

Le 7 septembre 1944, il est transféré d’Auschwitz pour Gross-Rosen avec 29 autres « 45 000 »  : Roger Abada (40 965), René Aondetto (40 966), (Victor) Gaston Aubert (40 968), André Bardel (40 969), Roger Bataille (40 971), Eugène Beaudoin (40 972), Johan Beckman (40 973), Robert Beckman (40 974), Ferdinand Bigarré (40 975), René Bordy (40 976), Georges Brumm (40 980), Louis Brunet (40981), Louis Cerceau (40 982), Eugène Charles (40 985), Cyrille Chaumette (40 986), Marcel Cimier (40 987), Clément Coudert (40 988), Robert Daune (40 989), René Demerseman (40 9990), Fernand Devaux (40 991), Lucien Ducastel (40 992), Georges Dudal (40994), Louis Eudier (40 995), Adrien Fontaine (40 996), Robert Gaillard (40 997), Georges Gaudray (40 998), Roger Gauthier (40 999), Gérard Gillot (41 000), Richard Girardi (41 111 probablement), Henri Gorgue (41 181). Après leur quarantaine, les « 45 000 » sont répartis dans divers kommandos dont une dizaine sont affectés aux usines Siemens.

Il est enregistré à Gross-Rosen avec le matricule « 40.989 ». Un autre déporté de Meurthe-et-Moselle, Richard Girardi est avec lui. Après leur quarantaine, les « 45 000 » sont répartis dans divers kommandos : une dizaine d’entre eux sont affectés aux usines Siemens.
Les 8 et 9 février 1945, le camp de Gross-Rosen est évacué.
Les « 45.000 » sont dispersés.

Robert Daune arrive à Mittelbau-Dora le 11 février 1945 (source Association Française Buchenwald Dora et Kommandos) ou selon ses souvenirs le 13 ou le 17 février 1945. Il y reçoit le numéro matricule « 116284 ». Ce camp travaille à la construction des V2.

L’appel avant le départ pour le tunnel. Léon Delambre

Le 24 février 1945, avec Georges Gallot et Maurice Courteaux, il est affecté dans un sous-camp de Dora : Dora-Harzungen, camp où les déportés travaillent à la construction d’une usine souterraine, le chantier  « 4 B3 ». Le 27 février, il est affecté au Kommando « Hans ». Le 1 mars 1945, il est affecté au Kommando Druchfall, le 2 mars à l’usine « B2 » et le 19 mars à « Ins. 3 ». Sur plusieurs fiches conservées au © International Center on Nazi Persecution, Bad Arolsen Deutschland, il est indiqué comme Schlosser (serrurier) ou Mechanicker (mécanicien).
Le 4 ou le 5 avril 1945, Dora-Harzungen est évacué.
Maurice Courteaux et Robert Daune sont 
dirigés à pieds sur Hanover et le camp de Bergen-Belsen au cours d’une de ces terribles « marches de la mort » où périssent des centaines de déportés.
Lire : Dora Harzungen, la marche de la mort, Francine Galliard-Risler, Nouvelles Editions Sutton.
Maurice Courteaux s’évade pendant cette marche. Robert Daune atteint Bergen-Belsen où il est libéré le 21 avril. Il est rapatrié le 10 juin.

L’attestation de Robert Daume pour témoigner de la mort de Télesphore Lalouette

A son retour, il témoigne pour leurs famille du décès de certains de ses compagnons de déportation (attestation ci-contre pour Télesphore Lalouette,  dont il rapporte le surnom qu’on lui donnait à Auschwitz : « Lallouette des eaux« ).
Profondément traumatisé par sa déportation, révolté, sa réinsertion est très difficile.
Son épouse l’a quitté. Il habite pendant quelques temps à Mont-Saint-Martin, chez sa mère, rue Carnot.

Le 31 décembre 1948 à Longwy, il épouse en deuxièmes noces Germaine, Marie, Augustine Lignian, une Côte d’orienne (1906-1984). Le couple quitte la Lorraine, et s’installe à Viteaux (Côte d’Or).
Le couple vit de petits métiers, vendant des produits pharmaceutiques, « à l’écart de toute organisation » dit Gaby Lejard.
Par hasard Gabriel Lejard  (rescapé de Côte d’Or) le retrouve en 1946 à une exposition sur Ravensbrück, apprend qu’il vit sans pension, et l’oblige (« une véritable opération commando« ) avec plusieurs camarades et sa femme à signer les papiers pour faire les démarches nécessaires. C’est ainsi qu’il est enfin reconnu «Déporté politique» (26 septembre 1975) et pensionné à 100 %.
Sa mère décède en 1967.
Maurice Rideau reprend contact avec lui en 1983 par l’intermédiaire de Georges Peiffer. Le couple habite alors avenue de la Gare à Châtillon -sur-Seine. Sa femme Germaine décède en 1984.
Gabriel Lejard apprend la mort de Robert Daume survenue à l’hôpital, le 17 août 1986.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
    de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Archives de l’International Tracing Service (ITS) / Bad Arolsen / Allemagne.
  • Tribunal allemand LA 2654
  • Témoignage de Gabriel Lejard (cassette audio enregistrée en 1988).
  • Récit de Georges Marin, 15 février 1991.
  • Direction départementale des ACVG: 20 mars 1988.
  • Souvenirs de Maurice Voutey, neveu de Gabriel Lejard.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom (tome 24, page 99).
  • Recensement de la population de 1936 à Mont-Saint-Martin.
  • Archives de l’International Tracing Service (ITS) / Bad Arolsen / Allemagne
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997 salle Pablo Picasso à Homécourt
Le Républicain Lorrain 28 juillet 1997

Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000.  Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

En cas de reproduction partielle ou totale de cette notice, prière de citer les coordonnées du site https://deportes-politiques-auschwitz.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *