Antonio-Bruno Vanin : né en 1920 à Cismon del Grappa (Italie) ; domicilié à Valleroy (Meurthe-et-Moselle) ; boiseur ; volontaire dans les brigades internationales en Espagne ; communiste ;arrêté le 4 février 1942, puis le 20 février ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz puis Flossenburg ; rescapé ; décédé le 11 décembre 1973 à Codolet (Gard).
Antonio-BrunoVanin est né le 12 avril 1920 à Cismon del Grappa (Italie).
Il habite à Valleroy (Meurthe-et-Moselle), au 123, Cité de la Mine au moment de son arrestation.
Il est le fils de Caterina Fiorese née en 1898 et d’Antonio Vanin né en 1889, mineur, son époux. « De parents antifascistes » (Le Maitron).
Il a six sœurs et frères cadets en 1936 : Henri (Bruno-Enrico), né le 1er janvier 1922 à Cismon, Marie (Maria), née le 18 juillet 1924, Severin (Sévérino), né 28 mars 1926, Catherine, née le 7 juillet 1928, Séraphin, né le 5 janvier 1934 et Juliette née en 1935, tous nés à Valleroy). La famille est venue s’installer en avril 1922 à Sainte-Foix (Savoie) où le père travaille aux carrières de pierre. Puis elle s’installe à Valleroy vers novembre 1922 où Antonio père travaille à la mine.
Antoine–Bruno est titulaire du certificat d’études. Il a 6 sœurs et frères cadets en 1936 : Henri (Bruno-Enrico), né le 1er janvier 1922 à Cismon, Marie (Maria), née le 18 juillet 1924, Severin (Sévérino), né 28 mars 1926, Catherine, née le 7 juillet 1928, Séraphin, né le 5 janvier 1934 et Juliette née en 1935, tous nés à Valleroy).
L’entrée de la mine à Valleroy
En 1931 la famille habite au N° 393 de Valleroy, avec un pensionnaire, manœuvre à la mine, Antonio D’Armi.
Puis ils habitent tous au 246, Cité de la mine, sans Antonio D’Armi. Antonio Varin père est naturalisé français (JO du 7 juillet 1935) et avec lui sa femme et tous leurs enfants.
Antoine-Bruno Vanin est « mousse » en 1936, puis mineur de fer à la mine de Valleroy et il habite avec ses parents au 246, Cité de la mine à Valleroy. Militant de la CGT, Antoine-Bruno s’engage comme volontaire en Espagne républicaine le 15 août 1938. Il y rejoint alors le Parti communiste.
La Brigade Garibaldi à Madrid
Il sert dans la fameuse 12ème Brigade internationale Garibaldi, composée d’italiens et d’antifascistes, qui mettent en déroute les chemises noires de Mussolini à Guadalajara. Blessé, il rentre en France vers octobre 1938. Il s’installe au 123, Cité de la Mine à Valleroy.
Fin juin 1940, toute la Meurthe-et-Moselle est occupée : elle est avec la Meuse et les Vosges dans la « zone réservée » allant des Ardennes à la Franche-Comté, destinée au « peuplement allemand ». Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Alsace Moselle est occupée.
Plus de 20 000 Allemands, soit l’équivalent de deux divisions, sont stationnés en permanence en Meurthe-et-Moselle. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle collabore sans état d’âme avec les autorités allemandes, il « ne voit aucun inconvénient à donner à la police allemande tous les renseignements sur les communistes, surtout s’ils sont étrangers » (Serge Bonnet in L’homme de fer p.174).
Il se remarie le 5 octobre 1940
Antoine-Bruno Vanin épouse Modestina, Pierrina Veronese à Auboué, le 5 octobre 1940.
Bruno Vanin est déchu de sa nationalité française le 3 août 1942. Par la loi du 22 juillet 1940, l’État français décida de réexaminer toutes les naturalisations accordées depuis 1927. Cette mesure aboutit au retrait de la nationalité française de plus de 15 000 personnes sur des motifs politiques et raciaux. La procédure fut annulée par l’ordonnance du 24 mai 1944.
« L’autorité préfectorale engage de sa propre initiative des procédures de dénaturalisation à l’encontre de militants internés administratifs auprès de l’administration centrale. Par exemple, le 17 juillet 1941, contre Amadeo Cavalli et Natale Passini, d’Homécourt. Le sous-préfet de Briey fait de même, le 4 septembre, contre Bruno Vanin et Louis Bresolin, habitant Valleroy. Le préfet, dans une lettre adressée le 17 octobre 1941 au sous-préfet de Briey écrit : « Vous m’avez transmis plusieurs listes de naturalisés connus comme ayant appartenu au Parti communiste ou participé à des agitations communistes avec avis de leur retirer la nationalité française. Pour me permettre d’engager la procédure habituelle, j’ai l’honneur de vous prier de me faire parvenir un rapport détaillé sur chacun des individus qui devra préciser en outre l’état civil et la situation familiale, la date du décret de naturalisation, les faits exacts aussi précis que possible motivant la proposition de retrait de la nationalité ». In Jean-Claude Magrinelli (Op cit.).
La résistance communiste est particulièrement active dans le « Pays-Haut » (in Magrinelli, Op. cité pages 229 à 251). Au début de l’occupation allemande, l’activité de Bruno Vanin est importante : rédaction, impression et diffusion de tracts, participation active à la préparation du sabotage de la Centrale électrique d’Auboué (lire le récit du sabotage du transformateur d’Auboué, dans la nuit du 4 au 5 février 1942). Dans son dossier individuel établi par le Ministère des Anciens combattants, figure une attestation de Mario Tinelli selon laquelle il est membre des FTP du 2 février 1942 jusqu’à son arrestation. Le 4 février 1942 (selon sa fiche au SHD de Caen) il serait arrêté une premières fois (« à la suite d’une fuite dans le service courrier du Réseau« , selon Mario Tinelli, responsable de ce réseau FTPF, qui ajoute : « Il n’a jamais avoué » lors des interrogatoires.
Hans Speidel, officier général à l’Etat major du MBF (Militärbefehlshaber commandement militaire des forces d’occupation allemandes) annonce qu’il y aura 20 otages fusillés et 50 déportations.
Une importante prime à la délation est annoncée (20.000 Francs des autorités et 10.000 Francs de la direction de l’usine) : pour comparaison, le salaire horaire moyen d’un ouvrier de l’industrie est à l’époque de 6 F, 30 (in R. Rivet « L’évolution des salaires et traitements depuis 1939 »).
Les arrestations de militants commencent dès le lendemain dans plusieurs sites
industriels de la région : par vagues successives, du 5 au 7 février, puis entre le 20 et le 22, et au début de mars. Elles touchent principalement des mineurs et des ouvriers de la métallurgie. 16 d’entre eux seront fusillés à la Malpierre.
Le 20 février 1942 (selon Mario Tinelli) des Feldgendarmen l’arrêtent en même temps que Louis Bresolin et Emile Tunési, qui feront eux aussi partie du convoi du 6 juillet sont arrêtés le même jour. Il est écroué à la prison de Nancy.
Antoine Vanin est incarcéré à la prison de Briey le 20 février 1942. Puis il est interné au camp d’Ecrouves (23 février), puis à Nancy le 5 mars.
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent le 5 mars (SHD / DAVCC) ou le 10 avril 1942 au camp de Royallieu à Compiègne en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Bruno Valin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Bruno Vanin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46171 ».
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz (malheureusement superposée à une autre) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Malade, il entre au Revier (Block 18 A) le 12 janvier 1943. Il est « planqué par les copains à la pharmacie SS du Revier » pour échapper aux sélections pour la chambre à gaz, rapporte André Montagne.
Henri Peiffer se souvient qu’un détenu infirmier du Block 19, lui avait confié qu’Antoine Vanin avait eu à subir des expériences de stérilisation menées par les médecins SS.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est placé en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du site : « les 45000 au block 11. Au Block 11, il fait « popote commune » avec Albert Morel, de Lure et partage avec lui les colis qu’il reçoit.
Sa carte d’immatriculation à FlossenbürgLa liste de transfert de 29 « 45.000 » dont Antoine Vanin vers Flossenbürg (31/8/1944).
Il est libéré le 18 avril 1945 par les troupes américaines, mais trouvant trop longues les opérations de rapatriement, il s’évade et regagne seul la France le 19 mai, via Saint-Avold.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Divorcé de Modestina, Pierrina Veronese,
Antoine Vanin se remarie le 23 juin 1956, avec Yvonne, Renée Vercellino, née le 25 août 1921 à Saint-Ail (Meurthe-et-Moselle), une résistante déportée à Ravensbrück (1).
Le couple a deux garçons : Bruno – Jean-Luc Vercellino et Gérald Vanin. Les parents vont divorcer.
Antoine Vanin est mort le 11 décembre 1973 à Codolet (Gard).
Note 1 : Renée Vercellino, résistante, est membre du groupe femmes d’Auboué. Elle est arrêtée le 29 août 1942. Internée à Compiègne, elle est déportée le 28 avril 1943 au camp de Ravensbrück (matricule « 19.270 »), d’où elle est libérée par la Croix Rouge le 23 avril 1945. Elle est homologuée au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) et DIR (Déportés et Internés Résistants) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance . Elle est décédée en 2001.
Sources
Témoignages nombreux : Antoine Vanin a laissé le souvenir d’un homme remarquable. André Montagne le considère « comme son grand frère » et rappelle sa remarquable facilité pour les langues étrangères. Souvenirs d’Albert Morel, Giobbé Pasini, Henri Peiffer (lettre du 7 mars 1988).
Attestation de Mario Tinelli, responsable FTPF (27 mai 1950).
Mairie de Valleroy ( M. R. Besnier, Maire).
Photo de la mine, site internet de la Mairie de Valleroy.
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Edition 2011.
« Antifascisme et Parti communiste en Meurthe-et-Moselle » (Jean Claude et Yves Magrinelli) page 244.
Communication présentée lors de la journée d’étude « Connaître les dénaturalisés de Vichy. La base Dénat, un nouvel outil et ses exploitations » aux Archives nationales le 2 octobre 2018, par Jean-Claude Magrinelli.
Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Dossier individuel : 1992, novembre 1993.
Recensement de la population de Valleroy, 1931 / 1936.
Affiche de la conférence du 5 juillet 1997salle Pablo Picasso à HomécourtLe Républicain Lorrain 28 juillet 1997
Notice biographique rédigée en 1997 pour la conférence organisée par la CGT et le PCF de la vallée de l’Orne, à Homécourt le 5 juillet 1997, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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