André Gourdin à Auschwitz

Matricule « 45 621 » à Auschwitz

André Gourdin : né en 1896 à Trith-Saint-Léger (Nord) ; domicilié à Laigneville (Oise) ; employé de banque, comptable, cheminot, gérant de coopérative ; communiste ; arrêté le 16 juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 24 janvier 1943

André Gourdin est né le 6septembre 1896 à Trith-Saint-Léger (Nord).
Il sera employé de banque, comptable, cheminot, gérant de coopérative avant son arrestation à son domicile au 83, rue de la République à Laigneville (par Bantilly) dans l’Oise.
Il est le fils d’Henriette Poteau, 25 ans, sans profession et de Modeste, Pierre Gourdin, 25 ans, métallurgiste (« ouvrier en fer »), domiciliés 6, rue « Derrière l’asile ». Il a une sœur aînée, Augusta (née en 1893).
Il fait des études à l’école pratique de commerce, et en sort avec un diplôme de comptable. Employé de banque, il est  « congédié pour avoir tenté d’organiser ses collègues« . Il travaille dans un journal local quand éclate la Première guerre mondiale (Jean-Pierre Besse).
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Lacaune (Tarn) et qu’il est reporter de journaux au moment du conseil de révision. Il est classé dans la 5èmepartie de la liste de 1915 à Carcassonne.
Il mesure 1m 67, a les cheveux châtain clair et les yeux châtain. Le front vertical et le nez rectiligne.
Le 8 juillet 1916, André Gourdin épouse – à Creil (Oise) –  Marthe, Louise, Molin, née le 23 août 1895 à Saint-Leu-d’Essérent (Oise, le couple aura un fils, André-François, qui naît à Creil le 18 juin 1923). En août 1916, il est incorporé au 101ème Régiment d’Artillerie Lourde, où il arrive le jour même. Le régiment est formé pour moitié de soldats du 114ème ayant fait deux ans de guerre et de recrues de 1916 comme André Gourdin. Canonnier de deuxième classe, il combat à Verdun et participe à la bataille de la Meuse. Il est nommé brigadier le 26 février 1918 sur ordre du chef d’escadron. Le 101ème RAL est dissous le 1er mars 1918 et devient le 331ème RAL. Du 11 novembre 1918 au 28 janvier 1919, ce régiment sera en occupation en Alsace (désarmement des batteries). Le 28 janvier 1919, André Gourdin passe au 112ème R.A.L en occupation en Rhénanie. Et le 3 août, il passe au 103ème R.A.L. Le 5 septembre 1919, il est envoyé en congé illimité de démobilisation et « se retire » à Creil au 59, rue du Haut des Tufs (maisons souterraines creusées dans le tuf), « certificat de bonne conduite accordé ».
Le 10 octobre 1919, André Gourdin est embauché comme employé à la Compagnie des Chemins de fer du Nord. Cheminot (il travaille aux expéditions à Dunkerque Traction : il sera pour la réserve de l’armée « Affecté spécial », i.e. qu’en cas de conflit, il serait mobilisé sur son poste de travail). Il habite au 8 place du Théâtre, à Dunkerque, fin novembre 1919.
Il adhère au Parti socialiste SFIO au début de 1920.
Il est démissionnaire ou révoqué des Chemins de fer du Nord (il « démissionne » selon son registre matricule militaire, le 25 novembre 1920 : il est donc rayé de l’affectation spéciale) et habite à cette date au 2, rue de Pont-Sainte-Maxence à Nogent-sur-Oise (Oise). Il y est responsable de l’A.R.A.C.
Il rejoint le Parti communiste dès sa création en 1921.
Il est embauché comme comptable chez Kuhlmann à l’usine de Villers-Saint-Paul distante de 4 Km de Nogent-sur-Oise.
En avril 1923, le couple a déménagé au 24, rue Jean-Jaurès, à Creil (à 6 km de Villers-Saint-Paul).
André et Marthe Gourdin ont un fils, André-François, qui naît à Creil le 18 juin 1923.
En octobre 1923, la famille est revenue à Nogent-sur-Oise et habite au 32, rue de Liancourt. En décembre 1924, André Gourdin travaille comme employé à la banque du Nord à Creil.

Coopé L’abeille, monnaie de nécessité

C’est à cette époque qu’il s’installe à Laigneville (Oise) au 83, rue de la République. La famille y habite en 1926 et 1931 (recensements).
Il devient gérant de la coopérative ouvrière « l’Abeille » (en 1929) et membre du conseil municipal. Il est membre de la commission administrative de la fédération de l’Oise du Parti communiste et trésorier du comité départemental.« Il fut une première fois candidat aux municipales dans cette commune (Laigneville) en 1925. Il recueillit 123 voix sur 318 suffrages exprimés. En 1929, il obtint 150 voix sur 400 inscrits et fut élu au deuxième tour avec Forget. 

Laigneville

En 1935, il recueillit 200 voix sur 511 suffrages exprimés mais fut battu au deuxième tour (…). Candidat en 1928 aux élections législatives dans la circonscription de Senlis II, il obtint 1 813 voix sur 15 156 inscrits et se maintint au second tour contre le député socialiste sortant, Jules Uhry, il recueillit alors 797 voix. Désigné pour tenir un meeting à Rantigny lors de la journée du 1er août 1929, il ne se rendit pas à cette réunion et fut exclu du parti à la fin de l’année en même temps que Sarazin, secrétaire fédéral, et Lhôtelier. Gourdin, comme Lhôtelier, fut réintégré assez vite dans le Parti communiste, il fut en effet candidat au Conseil général en mars 1936, dans le canton de Creil, et obtint 1 892 voix sur 12 544 voix et se retira au second tour en faveur du socialiste Philippe, qui fut élu. 

L’Humanité du 20 juillet 1937, pour les élections au  Conseil d’arrondissement d’octobre de Creil.

fut à nouveau candidat dans la circonscription de Senlis II et obtint 3 988 voix sur 11 084 suffrages exprimés ; il se désista pour le socialiste Biondi qui fut élu au deuxième tour. Il fut encore en 1937, dans le canton de Creil, candidat au conseil d’arrondissement. » (Extraits du dictionnaire du mouvement ouvrier, Le Maitron, notice Jean-Pierre Besse).

Le 14 février 1937, il est un des orateurs communistes au gala des CDH de l’Oise à Nogent-sur-Oise.

L’Humanité du 12 février 1937

André Gourdin est membre du comité régional du Parti communiste, comme son camarade André Gourdon, qui sera déporté avec lui à Auschwitz.
Le 4 novembre 1938, il participe avec Jean Catelas à un meeting à Montataire organisé par le Comité central du Parti communiste « contre le diktat de Munich et pour la défense de l’Espagne républicaine ».

L’Humanité du 30 octobre 1938.

Le 4 juin 1939, il est l’un des 4 orateurs d’un meeting au Parc de Creil-Nogent.

Avec la déclaration de guerre, André Gourdin est «rappelé aux armées» et il est mobilisé le 9 septembre 1939. « Dès le début juin 1940, l’Oise est envahie par les troupes de la Wehrmacht. Nombre de villes et villages sont incendiés ou dévastés par les bombardements. Département riche en ressources agricoles, industrielles et humaines l’Oise va être

L’Humanité du 4 juin 1939

pillé par les troupes d’Occupation. Ce sont les Allemands qui disposent du pouvoir réel et les autorités administratives françaises seront jusqu’à la Libération au service de l’occupant » (Françoise Leclère-Rosenzweig, « L’Oise allemande »). Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
André Gourdin est démobilisé le 10 juillet 1940 et regagne Laigneville le 5 août suivant.
Dès le début de l’Occupation, il est l’un des fondateurs de ce qui sera le Front National dans l’Oise : « Il assure le commandement des groupes de la région de Creil. Organise la récupération d’armes, afin de donner les moyens d’entreprendre des coups de main et sabotages« .
André Gourdin est arrêté le 16 juillet 1941 à son domicile par la police allemande, « pour actions de résistance« , en même temps que François Forget, Texier, Raymond Tellier, et dans la même période que Paul Crauet (45410), Georges Gourdon (45622), Marcel
Bataillard
(45203), Gustave Prothais (46018) tous déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Incarcéré à la Gendarmerie de Liancourt, il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le même jour. Il y reçoit le matricule « n° 1305 ».

Le 18 septembre 1941, le commissaire spécial de la Sûreté nationale de Beauvais écrit à Paul Vacquier, Préfet de l’Oise, pour l’informer que « le Kreiskommandant de Senlis a demandé de lui transmettre une liste de quinze individus, choisis parmi les communistes les plus militants de la région creilloise, destinés, le cas échéant, à être pris en qualité d’otages. En accord avec le commissaire de police de Creil, la liste a été établie ». André Gourdin est inscrit en dixième position de cette liste avec la mention « déjà interné ». Parmi les autres noms de cette liste, cinq d’entre eux seront comme lui déportés à Auschwitz : Marcel Bataillard, Paul Crauet, Georges Gourdon ,  Cyrille De Foor, Marc Quénardel.

Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais (1) a transmis au Préfet Paul Vacquier, 66 notices individuelles concernant des internés au Frontstalag 122 à Compiègne, que le Préfet transmet au Feldkommandant. Parmi eux la notice de Roger Gourdin «  Militant communiste extrêmement actif. Était délégué régional à la propagande du Parti, a été de nombreuses fois candidat à des élections sous l’étiquette communiste. Avait une grosse influence dans le milieu ».18 autres de ces militants signalés les RG seront déportés à Auschwitz.

Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, André Gourdin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45.621 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. C’est le cas pour André Gourdin.
A Birkenau, il est affecté au terrible Kommando de la Sablière, avec Georges Gourdon. Dans un état d’épuisement total, il est « désigné pour la chambre à gaz » témoigne son camarade à la libération. Selon les archives du Revier (Infirmerie d’Auschwitz) consultées par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz, il entre à l’hôpital d’Auschwitz le 1er novembre 1942 et en sort le 1er  janvier 1943 (communication à la demande de son fils le 17 septembre 1970). D’après son certificat de décès établi au camp pour l’état civil d’Auschwitz, André Gourdin meurt le 24 janvier 1943(in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 380. (Date reprise par l’arrêté du 6 février 1992 paru au J.O. du 27 mars 1992 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de décès).
André Gourdin a été déclaré  » Mort pour la France« . Il a reçu à titre posthume la Croix de guerre avec palmes, la Médaille militaire (16-2-60) avec mention « mort pour la France » et la médaille de la Résistance.
Le titre de « Déporté Résistant » lui a été attribué le 23 juillet 1955 « après de très longues démarches et de nombreuses difficultés » écrit son fils André. A Laigneville, une rue voisine de son domicile porte son nom. 

Plaque de rue à Laigneville

A Trith-St-Léger, son nom a été donné à la rue où il est né et où il a passé sa jeunesse.

  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par son fils André (le 19 février 1989).
  • Témoignage de Georges Goudon (5 janvier 1972).
  • Correspondance avec Jean Pierre Besse, chercheur à Creil, collaborateur du Maîton (communication de ses recherches aux archives départementales de l’Oise et auprès de l’état civil des mairies).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau des archives des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en avril 1992).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 30, page 186. Notice de Jean Pierre Besse et E.Fruit.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.

Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2011, 2018 et  2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice. Pour la compléter ou corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

 

Note 1 : Georges Gourdon, rescapé du convoi, porte plainte à la Libération contre l’ancien commissaire de police de Creil et son secrétaire qui ont pris part à son arrestation et celle de Marcel Bataillard, Paul Crauet, André Gourdin,  Cyrille De Foor, Marc Quénardel. Les deux policiers sont condamnés à 15 ans de prison (ce type de peine sera levé au début des années 1950 par les lois d’amnistie votées par le Parlement).

 

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